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Céramique lustrée
Au Musée de Cluny<o:p></o:p>
Histoire de la céramique lustrée<o:p></o:p>
Présent du 10 mai 08<o:p></o:p>
Le musée de Cluny s’intéresse à un genre de céramique particulier, la céramique à décor de lustre métallique. A l’origine – les alentours du Ve siècle –, des verriers coptes expérimentent la coloration du verre, dans la masse, avec des oxydes de cuivre et d’argent. Après la conquête de l’Egypte au milieu du VIIe siècle, les artisans musulmans reprennent l’idée et mettent au point un procédé compliqué qui permet d’obtenir une céramique à reflets métalliques. Pas moins de trois cuissons sont nécessaires : celle de la pièce brute, celle de la pièce recouverte de la glaçure, celle enfin de la pièce passée au lustre, fine couche métallescente. Dernière cuisson qui se fait en atmosphère réductrice, c’est-à-dire pauvre en oxygène, ce qui permet aux oxydes de pénétrer la glaçure.<o:p></o:p>
Sur les clichés de laboratoire, on distingue les trois matières : silice ou argile ; matière vitreuse ; oxydes de cuivre et d’argent. L’épaisseur des unes et des autres, leurs dosages respectifs constituent des éléments sûrs de détermination de l’origine géographique de l’atelier producteur, et donc de l’époque de fabrication.<o:p></o:p>
Identification nécessaire, car la technique du lustre a beaucoup voyagé, au rythme de l’expansion musulmane et se déplaçant avec les zones de pouvoir à l’intérieur du monde musulman. La céramique lustrée est donc abbasside, fatimide, andalouse – pour ne citer que les principaux califats – et devient chrétienne avec la progression de la Reconquista. Nous parcourons l’Irak, l’Iran, la Syrie, l’Egypte, le Maghreb, l’Espagne. Les spécialistes s’y retrouvent ; le visiteur moins, car, outre que la technique est semblable, le style l’est presque autant, homogénéité due à la migration des artisans.<o:p></o:p>
La céramique lustrée n’était pas d’usage courant : elle était avant tout une vaisselle d’apparat ou, sous la forme de carreaux, un riche revêtement mural. Les teintes sont belles, ocre vert, brun vert, parfois rouge betterave, bleu profond. Le décor est géométrique, animal, humain.<o:p></o:p>
Les fragments de parements les plus aboutis proviennent d’Iran. Les invasions mogols du XIIIe siècle ne freinèrent pas la production : rapidement islamisés et iranisés, les conquérants reprirent la technique de la céramique pour la reconstruction de ce qu’ils avaient détruit. Le décor est composé de deux sortes de carreaux : étoiles à huit branches s’enchâssant à des croix de Saint-André aux branches taillées en pointe. On retrouve les tons superbes, dont l’irrégularité –hasards de la cuisson – ôte toute uniformité aux motifs répétés ; l’effet coloré fonctionne de loin, la finesse des détails s’apprécie de près.<o:p></o:p>
Cependant cette disposition (croix et étoile) était née en Algérie au XIe siècle, à la cour des Hammadides (site de la Kalâa dans les Aurès), une dynastie berbère qui s’illustra dans la lutte contre les tribus arabes hilaliennes lâchées sur le Maghreb par les Fatimides, et qui utilisa, comme toute cour qui se respectait, la céramique lustrée. <o:p></o:p>
D’Afrique du Nord la technique était passée en Espagne, où elle connut une période féconde, côté musulman jusqu’à la chute du royaume nasride en 1492, côté chrétien aux XIVe et XVe siècles, dans la région de Valence reconquise au XIIIe, dont la terre est riche en argile. Les artisans utilisent la technique de leurs voisins musulmans de Malaga. La qualité de la production et le commerce assure une diffusion européenne, en Angleterre, en Flandres, en Avignon et en Toscane. <o:p></o:p>
La vaisselle d’apparat, jusque là exclusivement métallique en Europe, devient de céramique. De grands vases décoratifs sont fabriqués à destination des niches. Les inscriptions se christianisent : le monogramme IHS est fréquent au fond des grandes coupes, les premiers mots de la salutation angélique se lisent sur le pourtour d’une assiette décorée d’une biche. La forme est encore orientale, le décor aussi mais sert de cadre aux blasons des familles italiennes, par exemple celui des Médicis, celui des Ricci (six étoiles et trois hérissons, riccio en italien, illustration). Les coloris sont une vibrante alliance de terre de Sienne et de bleu de cobalt, qui peut devenir un franc rapport de tons complémentaires de mine orangé et de bleu sur un grand plat à décor d’oranges. Le blanc de la glaçure, sur cette pièce comme sur d’autres, allège ce que les tons pourraient avoir d’écrasant. Parfois, un délicat feuillage doré court sur tout le vase.<o:p></o:p>
L’importation massive en Italie y provoquera au XVIe l’éclosion d’une production locale, la majolique, qui, avec la diffusion de l’art de la Renaissance, finira par détrôner la céramique lustrée espagnole.<o:p></o:p>
Samuel<o:p></o:p>
Reflets d’or, d’Orient en Occident,<o:p></o:p>
jusqu’au 1er septembre 2008, Musée de Cluny<o:p></o:p>
illustration : Plat creux aux armes des Ricci, XVe siècle, Musée national du Moyen Âge © RMN / Franck Raux<o:p></o:p>
Tags : céramique, Moyen Age, islam
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