• Claudel (Camille)

    Au musée Rodin<o:p></o:p>

    Camille Claudel,

    figure tragique<o:p></o:p>

    Présent du 3 mai 08<o:p></o:p>

    De Rodin, Camille a donné une image puissante, cette tête de 1892 (ill.). Ecartant délibérément la représentation d’un génie au front vaste perdu dans d’insignes pensées, elle a privilégié un front fuyant et un regard buté : le génie sous les traits d’un entêté qui ne lâchera pas le bout de glaise.<o:p></o:p>

    Elève et modèle, elle devient rapidement sa maîtresse – elle a 21 ans, lui 45. Maîtresse en second, car Rodin vit depuis toujours avec Rose Beuret. Camille fait signer un contrat à Rodin par lequel il s’engage à ne pas avoir d’autres élèves, à assurer sa promotion dans les milieux artistiques, à l’épouser prochainement. Etrange contrat prénuptial et léonin qui laisse entrevoir déjà un déséquilibre propre à Mlle Claudel.<o:p></o:p>

    Son état mental ne se dégrade pas au moment de sa rupture définitive avec Rodin en 1898. Le non-respect d’un article du contrat la blessera beaucoup plus, celui qui concerne son art : non seulement Rodin, en pleine gloire, ne l’aide pas à percer alors qu’elle a collaboré activement à son œuvre (pour Les Bourgeois de Calais, La Porte de l’Enfer), mais encore deux commandes d’Etat (en 1899 et 1907) sont annulées, ce que Camille n’explique que par une intervention de Rodin. Sa situation professionnelle est fragile.<o:p></o:p>

    Elle reste enfermée chez elle, se néglige, écrit des courriers diffamatoires, tombe lentement dans la paranoïa. L’internement s’impose en 1913. Elle s’imagine enfermée sur l’instigation de « la bande à Rodin » qui ferait main basse sur ses sculptures. La mort de son père à 87 ans lui semble suspecte : « Je m’étonne que Papa soit mort ; il devait vivre cent ans. Il y a quelque chose là-dessous. » C’en est fini de l’artiste. Tout est perdu – elle ne sculptera plus jamais – fors l’honneur : son œuvre, de bronze.<o:p></o:p>

    Dès les débuts de sa formation chez Rodin, le corps est traité (forme et pose) d’une façon très proche de celle du patron. Le mot influence est pourtant inadéquat. Il a quelque chose d’outrageant à l’égard de Camille qui ne joue certainement pas « à la manière de ». Les féministes, qui l’ont accaparée et exhibée comme « la femme anéantie par le mâle », n’ont pas regardé plus loin. Le mot qui caractérise les similitudes entre les deux artistes reste à inventer, ou à emprunter au langage scientifique : un mot à mi-chemin entre homomorphie et homopoïesis pourrait désigner cette identité de forme et de fond. Le vertige que provoque l’histoire entre Rodin et Claudel n’est-il pas à chercher dans cette identité ?<o:p></o:p>

    Lorsque Camille s’éloigne de Rodin, c’est alors qu’elle semble subir une influence, celle de l’époque. L’alliance du bronze et de l’onyx apparaît comme une préciosité datée (Profonde pensée, cette femme à la cheminée a un côté dessus de cheminée, justement). Une tête encapuchonnée fait songer à Carriès. Cependant ses « petites choses nouvelles », comme elle les nomme, ont de la force : les fameuses Causeuses dans leurs différentes versions, La Vague. <o:p></o:p>

    De nombreux portraits frappent par leur tendance à incarner des âges de la vie : enfants, jeunes filles, vieille femme. Une vieille femme dont le corps abîmé, décharné (à l’image de La belle Heaulmière de Rodin, des « hivers ») prend sens par rapport à son nom : Clotho, l’une des Parques, référence au temps imparti à chacun de nous, image du Destin. Les personnages de L’Age mûr, qu’on a interprétés – l’occasion était trop belle – comme Rodin arraché à Camille par Rose, s’inscrivent dans cette thématique du temps qui passe, une dominante qui révèle une angoisse démesurée.<o:p></o:p>

    Rapprochement de photographies : Camille Claudel se montre à nous à la manière de ses bustes, et sous l’aspect d’une fraîche jeune femme « pleine de beauté, de joie, de courage et de génie » (se souviendra Paul), et sous celui d’une petite vieille de l’asile au regard fatigué, «au rang des âmes en peine et des esprits déchus » : nulle pensée n’émerge plus durant ces trente ans d’enfermement où le temps semble enfin, mais à quel prix, suspendu. A-t-elle, cette pensée, été captée par Rodin au moment où il portraiturait Camille sous ce titre de La Pensée ? La captation de la vie par l’artiste au détriment du modèle, on sait quels effets en ont tirés Edgar Poe ou Oscar Wilde.<o:p></o:p>

    La Niobide blessée, dernière belle grande sculpture (1907), n’est pas un titre hasardé : seule survivante d’une fratrie massacrée par Artémis et Apollon à cause de la vantardise en matière de fécondité de sa mère Niobé, cette Niobide, d’horreur, en resta pâle à jamais. Prostrée, peut-être en était-elle réduite à méditer sur cette fécondité anéantie. Malgré soi, des pressentiments du destin tragique de Camille Claudel, on ne peut s’empêcher d’en chercher dans ses œuvres.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Camille Claudel, une femme, une artiste, <o:p></o:p>

    jusqu’au 20 juillet, Musée Rodin<o:p></o:p>

    illustration : Camille Claudel, Buste d'Auguste Rodin, Musée Rodin © ADAGP Paris, 2008


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