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Des bas-bleus
DES UNS & DES AUTRES<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>
des bas-bleus<o:p></o:p>
Deux titres dexposition, lune dune peintre, lautre dune sculpteur : « Les tremblements de lâme » et « Corps et âmes ». De lâme, de lâme, mais peu desprit.<o:p></o:p>
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À peine sèche, cette aquarelle est encadrée, exposée : elle accède au rang duvre. Quand on connaît linsatisfaction de lartiste, et quon sait que ses meilleures toiles ne sont jamais, pour lui, que ses moins mauvaises Elle me demande mon avis. Je lui réponds que mon avis doit compter pour rien, puisquelle estime bonne sa peinture.<o:p></o:p>
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Cette autre donne à tous vents sa moindre esquisse. Vous linvitez à dîner : elle vous remercie par un fusain pas fixé. Vous lui prêtez un livre : elle ne vous laissera pas repartir sans cette huile encore fraîche. Cette femme est un automne à elle toute seule lharmonie en moins.<o:p></o:p>
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Il y a dans la Conjuration des imbéciles un excellent chapitre (ils le sont tous), où on assiste à une exposition de croûtes féminines. Ignatius Reilly arrive là-dedans comme dans un jeu de quilles : délicieux. (Ce roman de John K. Toole est le Satiricon de la littérature moderne.)<o:p></o:p>
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Portraits de quelques élèves femmes dun cours de modelage.<o:p></o:p>
C., la quarantaine vulgaire, mâchouillant son chouingue-gomme. Fait des corps déformés. Elle déforme toute la soirée. Toujours mâchant, elle recule de trois pas, regarde son travail et dit : « Ça marche bien, ce soir. » Se remet au travail, et nous raconte avec le plus grand sérieux : « Quand jétais à San Francisco, je posais pour un peintre. Il peignait pendant des heures, pendant des heures il peignait sans me regarder. Il faisait de labstrait. »<o:p></o:p>
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E., boule dépressive, qui commence sans finir jamais. Grand manque affectif. Elle vous tripote le bras, parle parfois de son stérilet, entre en chaleur quand le modèle est masculin.<o:p></o:p>
Un homme ayant pris la pose genoux à terre et les coudes sur un tabouret, elle sexclame, frétillante : « Vous ne trouvez pas que cest une pose motivante, pour une femme ? » Lair surpris du modèle entendant cela.<o:p></o:p>
Un autre jour, elle cesse tout bonnement de travailler et sassied. Elle regarde avec langueur lhomme nu et répète à intervalles réguliers : « Comme on voit bien les muscles ! Quest-ce que cest beau ! » Sous prétexte détudier cette anatomie de plus près, elle sapproche tellement du modèle, par derrière, que celui-ci sursaute.<o:p></o:p>
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Je revois une de ces épaves qui échouent dans la terre à modeler, parlant à M. (un des rares hommes du cours, visage rouge brique, chevelure blanche, haleine vineuse), lentretenant de la thèse quelle avait écrite (le regard masculin sur le nu) et de ses réunions avec son groupe de psychanalyse. Pendant ce temps, le mari attendait sa soupe à la maison.<o:p></o:p>
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Pour être juste, il faut mentionner les vieux cochons de la Grande-Chaumière. Les jours quune femme pose, latelier est plein. Le mercredi, un homme pose : la salle est quasi déserte. Ce quon appelle lamour de lart.<o:p></o:p>
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Il est des hommes bas-bleus. Je nai assisté quune fois à un salon littéraire. Encore y allais-je avec larrière-pensée de me concilier un gars que jespérais marier à une de mes amies. Remarquez que beaucoup dautres des participants semblaient là pour une cause voisine : se caser. Le thème du salon était : lAcadémie française, et se tenait dans un café près du Panthéon. Il y avait parmi nous peu de grands hommes : surtout deux trois jeunes gens appliqués qui écrivaient sur des cahiers écoliers leur énième roman sur les Chouans. Je lus des extraits du pamphlet de Barbey dAurevilly : Les Quarante Médaillons de lAcadémie. Ça ne plut pas beaucoup. Jétais entouré de fervents partisans qui estimaient que, sans cette institution, il ny aurait pas eu de littérature française. Un paltoquet proposa que lAcadémie dresse des contraventions aux journalistes qui font des fautes Je commençais à me demander ce que je faisais là ça marrive souvent, dans des endroits variés. Je me promis de ne jamais remettre les pieds dans un salon littéraire, et je nai eu aucune peine à tenir cette promesse.<o:p></o:p>
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G. Lindenberger
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