• Des faux-puristes

    De nombreuses gens passent pour des puristes de la langue qui ne connaissent que deux trois points particuliers pour lesquels ils mènent une guerre continue, sans comprendre les tenants et les aboutissants du minuscule territoire qu’ils défendent. Ces moitiés de pédants que n’excuse pas la science puisque souvent ils ignorent le chemin qui mène des racines indo-européennes au français moderne, qui au nom de l’eau pure servent de l’eau plate, je les appelle des faux-puristes.<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>

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    Un exemple très simple, ces gens qui vous reprennent lorsque vous dites que telle machine « ne marche pas » : « On dit : elle ne fonctionne pas ! Elle n’a pas de jambes ! » Qui leur expliquera que la moitié des mots échappent à leur étymologie ?<o:p></o:p>

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    S’avérer faux est, selon une grammaire, une horreur, et selon Robert, abusif. C’est ignorer que dans s’avérer, il n’y a plus, depuis longtemps (déjà en ancien français, voyez le lexique de Godefroy), la notion de vrai mais celle de réel ; notion qui en est issue, bien sûr, mais non pas identique. Une chose qui s’avère fausse se manifeste, se révèle fausse. Il est donc vrai qu’elle est fausse. Cela est tellement juste, qu’une chose, pour s’avérer, doit s’avérer vraie. Dans leur logique, les faux-puristes font alors un pléonasme, et dieu sait qu’ils n’aiment pas ça.<o:p></o:p>

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    Dans bien des cas, la langue française s’honorerait de ne pas avoir de mots pour nommer l’innommable. L’Académie a prôné épinglette au lieu de pin’s. Outre que cette substitution nous prive de la blague bien connue, établir un mot de trois syllabes face à un monosyllabe est une aberration : grossière méconnaissance de l’instinct de moindre effort des organes phonatoires ! Surtout, quel besoin de désigner cette chiure de la réclame, qui a passé et qui mauvieillit dans les caisses des brocanteurs de plein vent ?<o:p></o:p>

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    On nous recommande d’utiliser courriel à la place d’e-mail. Depuis quand un montage bâtard est-il plus correct qu’un emprunt ? Aulu-Gelle, parlant de mots grecs transcrits tels quels en latin, remarque que, ce faisant, les auteurs « n’ont pas voulu créer des mots qui auraient été ridicules. » (Nuits Attiques, XVIII, 14) Nous n’avons pas cette honte. Que le terme courriel soit employé au Québec suffirait à en justifier l’usage, selon les faux-puristes. Il y a une admiration béate pour la langue québécoise, une obligation de pâmoison, dont je m’explique mal la cause. <o:p></o:p>

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    On me signale un lettré qui blâme les mots composés d’une partie latine et d’une partie grecque. Je suppose que cet homme ne roule pas en bicyclette, ne regarde pas la télévision et ne fait jamais de photocopies. Il ne pratique ni le deltaplane ni le parapente. Il dédaigne les autocollants. Vous ne le verrez pas sous un parapluie ou dans un autocar : cet homme est un puriste ! Mais de quelles mœurs ? Seuls bi et trans ont son aval… Cas extrême.<o:p></o:p>

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    J’ai eu au collège un professeur de français excellent. Il s’appelait M. Valade. Descendait-il de Léon Valade, ce poète affadi par le temps, je l’ignore. Il donnait à aimer la littérature, était rigoureux quant à la méthode ; mais sa rigueur l’avait fait tomber dans quelques manies. Il écumait à l’idée qu’on dise : « C’est la rentrée. » Selon lui, seuls les redoublants pouvaient le dire, les autres auraient dû dire qu’ils faisaient leur entrée en telle classe. Vieille question des préfixes affaiblis, qui lui échappait vraiment : il avait des réticences pour le verbe énerver, car quand on n’a plus de nerfs, on est calme ! À l’époque déjà je trouvais curieuse cette réflexion, sans savoir expliquer pourquoi.<o:p></o:p>

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    G. Lindenberger<o:p></o:p>


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