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Dessins français XVIIIe
Au musée Cognacq – Jay<o:p></o:p>
Dessins : le goût Goncourt<o:p></o:p>
Présent du 17 mai 08<o:p></o:p>
Le musée Cognacq-Jay extrait de ses riches collections une série de dessins et gouaches du XVIIIe siècle qui illustre « le goût Goncourt ». Les deux frères eurent une mauvaise influence sur le monde littéraire avec l’instauration de leur prix, mais en matière d’art leurs écrits formèrent le goût de nombreux amateurs et les guidèrent dans leurs acquisitions.<o:p></o:p>
Un de ces amateurs était Ernest Cognacq (1839 – 1928). Arrivé à pied de l’Ile-de-Ré, il traversa des périodes difficiles mais la Samaritaine, qu’il créa en 1869, devait devenir au début du XXe siècle un des grands magasins parisiens. C’était une sorte de Birotteau, la chute en moins, et sa femme, née Jay, attentive épouse, une autre Constance Pillerault. Leur bonté d’âme s’est exercée par diverses voies. De nos jours la fondation qui porte leurs noms gère un hôpital dans le 15e arrondissement, une maison de retraite à Rueil Malmaison, où à l’origine étaient admis en priorité les anciens employés de la Samaritaine, un institut pour enfants en Seine et Marne. Le prix soutenant les parents de familles nombreuses – eux-mêmes n’eurent pas de petit Cognacq – est géré par l’Académie.<o:p></o:p>
Acquérir une collection était d’abord une nécessité pour quelqu’un qui avait réussi, la preuve qu’il avait d’autres préoccupations que l’argent. Mais un bourgeois bien conseillé pouvait se former et s’intéresser sincèrement aux œuvres en sa possession : Ernest Cognacq en est la preuve. (De nos jours rien n’oblige un François Pinault à rassembler une collection d’art contemporain, sinon le désir puéril mais payant d’être un millionnaire transgressif.) <o:p></o:p>
A tout seigneur tout honneur : Antoine Watteau (1684-1721) est bien représenté, en particulier par des études de femmes. La grâce d’une attitude s’exprime par un jeu de plis. Un croquis de Mezzetin évoque un moins connu personnage de la Commedia dell’Arte, mi-valet, mi-aventurier. D’autres dessins ont servi à des tableaux : La buveuse, audacieux raccourci d’épaules, se retrouvait dans L’Automne (une toile perdue) ; les croquis d’emballeurs de tableaux, dans L’enseigne de Gersaint (à Berlin). On est moins convaincu par les Fragonard – mais le musée possède la toile Perrette et le Pot au lait –, et pas du tout par un dessin de Boucher, une sirène chevauchant un dauphin sans guère d’intérêt.<o:p></o:p>
Les « gouacheurs » (le terme est des Goncourt) se distinguent par les sujets intimistes, moralistes ou libertins, et par le raffinement de leur manière. La soirée des Tuileries de P.-A. Baudoin est une scène de genre charmante, bien éloignée des croquis réalisés au même endroit par Saint-Aubin (Présent du 15 mars, au Louvre jusqu’au 26 mai). A. Borel (1743-1810) peint une variation sur un thème galant-comique : un vieillard qui se laisse niaisement maquillé par la jeune femme moqueuse qu’il courtise.<o:p></o:p>
Du lot sort N. Lavreince (son nom suédois Lafrensen francisé ; 1737-1810). Il a peint des élégantes de son temps, des élégantes aux préoccupations futiles qui annoncent celles de Kiraz dont une exposition vient de commencer au musée Carnavalet. Les élégantes papotent, échangent des secrets, des conseils ; empêchent la dispute entre le chien de l’une et le chat de l’autre. Parfois la futilité s’estompe et c’est un autre aspect de l’élégante qui apparaît : seule, elle interrompt la lecture d’un roman ou d’une lettre et lève vers nous un regard pensif. La lecture du courrier est un sujet fréquent : on sait l’importance des correspondances au XVIIIe.<o:p></o:p>
Citons encore J.-B. Mallet (1759-1835), qui continue Lavreince avec moins de talent. Les titres sont ceux d’assiettes à dessert : Visite à la nourrice, Le galant militaire, La visite aux jeunes mariés, etc. J.-B. Leprince (1734-1781), élève de Boucher, rapporta d’un voyage en Russie des scènes de genre exotiques, dont il tira aussi des peintures (salle XV du musée : La sultane, Le joueur de balalaïka). Louis-Gabriel Moreau est un gouacheur qui n’a pratiqué que le paysage. La délicatesse est toujours de mise, qu’il peigne de jolies baigneuses dans un cadre élégiaque ou une Rivière en contrebas d’une futaie, aux bleus nuancés. <o:p></o:p>
Ne pas oublier de regarder les cadres, dont un bon nombre est ouvragé avec grâce, et, ensuite, de parcourir l’ensemble des collections, installées dans le Marais depuis les années quatre-vingt-dix. L’Hôtel de Donon qui les abrite a été construit dans la seconde moitié du XVIe dans le style de Philibert Delorme. La façade sur jardin, légèrement asymétrique (visible également depuis la rue Payenne), a le charme d’une maison de famille. La façade sur la rue Elzévir, refaite au début du XVIIe, présente un fronton orné d’une grande coquille et de palmes de très bonne facture.<o:p></o:p>
Samuel<o:p></o:p>
Le siècle de Watteau, Dessins français du XVIIIe siècle, <o:p></o:p>
jusqu’au 13 juillet 2008, Musée Cognacq-Jay<o:p></o:p>
illustration : J.-A. Watteau. Jeune femme et Mezzetin © Musée Cognacq-Jay / Roger-Viollet<o:p></o:p>
Tags : collection, dessin XVIIIe
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