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Enluminures du Roi René
Les livres du Roi René
Présent 31 octobre 2009
Né en 1409 au château d’Angers, le roi René a été fêté en Anjou tout au long de l’année. Les châteaux de Montriou, de Saumur, de Baugé, des Ponts-de-Cé, le manoir de Launay ont rendu hommage au roi chasseur, festif, ami des arts. Le château de Chanzeaux a été choisi pour évoquer la légende du « bon roi René », chevalier, peintre et jardinier.
Une légende façonnée au XIXe, qui oppose un peu plus les profils de Louis XI et de son oncle, déjà naturellement assez contrastés. D’une part Louis XI, formé à la dure par son enfance triste au château de Loches, confronté à la jalousie de son père, luttant sans relâche pour agglomérer des terres au royaume de France et constituer un Etat ; de l’autre le roi René, héritier d’une mosaïque de territoires qui lui échappent peu à peu, rêveur qui se réfugie dans un monde de tournois et de plaisirs honnêtes et cultivés. Louis obtient par la diplomatie ce que René perd par les armes. Le neveu trouve son plaisir dans les rapports des espions, l’oncle dans les poèmes et la lecture.
La galerie de l’Apocalypse rassemble jusqu’au 3 janvier quelques livres de la bibliothèque du roi René et de celles de ses proches, Jeanne de Laval son épouse, Charles son frère, René II de Lorraine son petit-fils. La Maison d’Anjou aimait les livres. Le Psautier de Mayence, deuxième livre imprimé de l’histoire (1457), est offert par René aux Franciscains du couvent de la Baumette, qu’il a fondé par piété envers la Madeleine et la Sainte-Baume. Le roi et ses proches font travailler les peintres qui ont nom Barthélémy d’Eyck, Georges Trubert, ou, anonymes, le nom des œuvres qu’ils ont laissées. Les comptes de Jeanne de Laval font apparaître des règlements aux « écrivains » (ceux qui calligraphient textes et rubriques), aux enlumineurs et aux relieurs. Sa bibliothèque se compose de traités religieux et de romans courtois. Le comte du Maine rassemble des textes rares, comme ce Commentaire sur Tite-Live de Nicolas Tiveth. On le voit, plongé dans sa lecture, sur une miniature tirée du Traité des oiseaux d’Albert le Grand.
Le mécénat du roi René, sa proximité avec les peintres, leur collaboration lors de l’illustration de ses écrits expliquent que la mémoire collective l’ait vu en peintre, alors qu’il est un écrivain. Mortifiement de Vaine Plaisance (1455), Livre du Cœur d’Amour épris (1457) sont des méditations qui tentent de s’incarner dans les personnages sans chair ni os que sont les allégories. Tel était le goût du temps. (Notre époque, concédons-le, n’est pas en reste : ses hérauts ne clament-ils pas que Sans-Papiers arrive accompagné de Prospérité au pays de Xénophobie ?) Le livre des tournois, écrit entre 1462 et 1465 est un traité technique qui codifie les joutes chevaleresques.
Barthélémy d’Eyck a été l’artiste le plus proche du roi René. A son service de 1447 à 1470, c’était un intime. Il avait son siège et sa table de travail dans les appartements royaux. Une lettre de sa veuve, Jeanne de la Forest, adressée au roi, montre l’amitié qui unissait les deux hommes et l’intérêt du roi pour le fonds d’atelier.
B. d’Eyck illustre magistralement Le livre des Tournois par des planches qui fourmillent d’armures et d’étendards, dans un style qu’on pourrait croire du XXe siècle. Il peint le profil de Louis II coiffé d’un turban rouge ou une Vierge au voile bleu pour les Heures du roi. Ses illustrations pour le poème de Regnault et Jehanneton sont connues par une copie. Ce poème chante les amours du couple royal, qu’on devine derrière les diminutifs, sur le mode de la bergerie. Le baiser, le pique-nique, la balançoire… L’amour de René et Jeanne de Laval (sa seconde épouse) apparaît encore dans le psautier de la reine sous la forme d’un couple de tourterelles sur une branche de groseillier.
La collaboration entre le roi et le peintre, la créativité de celui-ci sont évidentes à la vue des images du Mortifiement de Vaine Plaisance. Le mérite du peintre est de donner corps aux allégories (« Ame confie son cœur à Crainte de Dieu et Contrition »), à raconter les diverses paraboles comme celle de la vieille femme, chargée d’un sac de blé, qui s’apprête à traverser un pont branlant (illustration).
Bien d’autres images ressuscitent un monde féodal dans toute la fraîcheur des cimiers colorés, des écus bariolés, qu’elles ornent des diplômes (lettre d’anoblissement, passeport pour la Terre Sainte, hommages vassaliques), les statuts de l’Ordre du Croissant créé par le roi pour fédérer ses amis, ou La relation du Pas de Saumur, joute courtoise de 1446, avec dames, chevaliers et sergents, où l’on admire « René d’Anjou sortant combattre le duc d’Alençon ».
Samuel
Splendeur de l’enluminure, le roi René et les livres.
Jusqu’au 3 janvier 2010, Château d’Angers
illustration : Mortifiement de vaine plaisance.
Enluminé par Barthélemy d’Eyck, achevé par Jean Colombe vers 1470-1475. © Metz, Bibl. mun.
Tags : enluminures, xve, anjou
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