• Freud Lucian

     

    Au centre Pompidou<o:p></o:p>

    Lucian Freud et le réel<o:p></o:p>

    Présent du 12 juin 2010<o:p></o:p>

    Le peintre Lucian Freud est, avec Francis Bacon, un des principaux maîtres figuratifs anglais du XXe siècle. Depuis les années 1990, diverses expositions ont fait voyager son œuvre dans le monde. La plus importante a été la rétrospective organisée par la Tate Britain à Londres (2002), partie ensuite à Barcelone et Los Angeles, qu’a suivie en 2007 une autre rétrospective qui s’est arrêtée en Irlande, au Danemark, en Hollande.<o:p></o:p>

    Lucian Freud, petit-fils de Sigmund Freud, est né à Berlin en 1922. La famille a émigré en 1934 en Angleterre, où le fondateur de la psychanalyse l’a rejointe et y est mort en 1939, année où son petit-fils acquérait la nationalité britannique.<o:p></o:p>

    Il étudie l’art à Dedham, sous la direction de Cedric Morris. Celui-ci avait étudié à Paris, dans les académies de Montparnasse, avant et après la Première Guerre. Freud lui-même séjourne en 1946 à Paris, où il rencontre Giacometti et Picasso, puis en Grèce. Par la suite il ne s’éloigne guère des ses ateliers londoniens successifs, ce qui lui vaut d’appartenir à « l’Ecole de Londres », dans laquelle on regroupe une cinquantaine d’artistes (Francis Bacon, Franck Auerbach, autre natif de Berlin réchappé du nazisme, etc.)<o:p></o:p>

    En 2001, pour le jubilé de la Reine, Lucian Freud a offert de peindre son portrait. La Reine a posé, couronnée. Le petit portrait de 15 x 22 cm n’a pas fait l’unanimité. La Reine a peu goûté la moue d’ennui, si éloigné d’un sourire officiel. Le Sun a trouvé qu’elle ressemblait à un vieux travesti, le British Art Journal à un de ses chiens qui aurait eu une attaque. (La royale effigie ne figure pas dans cette exposition de Pompidou.) Les appréciations, désagréables pour l’artiste comme pour le modèle, ne sont pas justifiées. Les gens acceptent des horreurs sans broncher, sinon d’extase, et s’indignent à contretemps. Il y a dans la manière de Lucian Freud une tranquillité d’approche, une façon de ne se soucier ni de plaire ni de choquer – quand l’art moderne se satisfait interminablement de plaire en feignant de choquer. <o:p></o:p>

    Pour peindre la Reine, Freud a dû sortir de son atelier. D’ordinaire il le trouve assez grand pour s’y cantonner. Au cœur de ce laboratoire matriciel, dépouillé, il échappe à l’emprise de l’anecdote.<o:p></o:p>

    Dans une pièce vaste et vide prend place un modèle, parfois rejoint par un autre ou par le chien de l’artiste. Les modèles sont en général nus. Les personnages sont bien installés dans l’espace. Pour Freud, l’être humain modèle l’espace autour de lui d’une façon spécifique, qui appartient à sa personnalité. Réussir à peindre cela, participe de la réussite du portrait.<o:p></o:p>

    De même que l’atmosphère qui les entoure a son épaisseur, les corps, peints avec une touche franche et grasse, ont la leur. La peinture est chair : profession de foi du réaliste, limite également d’une vision qui n’est que charnelle. Héritage indirect de l’Ecole de Paris ? Les tons de chair varient peu d’une toile à l’autre. Les poses ne sont jamais conçues : le corps s’affale, se démembre pour le plaisir de le peindre écartelé dans l’espace. Cela parle peu car de telles postures ni naturelles ni plastiques.<o:p></o:p>

    Par refus d’une beauté convenue, Freud ne craint pas de s’attaquer à des modèles obèses, de taille américaine : Endormie près du tapis au lion (1995-1996), non sans glisser parfois dans le titre une once d’ironie : Cadre d’une société de prévoyance sociale endormie (1995). <o:p></o:p>

    Parfois la viande est dépassée. Portrait nu debout (1999-2000) est un très beau nu dans sa simple verticalité. L’ambitieux intérieur Portrait nu avec un fauteuil rouge (1999) baigne dans une atmosphère obombrée qui prouve combien la crudité d’un nu gagne à être atténuée. Par un cadrage en contre-plongée, Freud confère de la poésie à la Jeune fille dans une embrasure du grenier (1995).<o:p></o:p>

    Je serais volontiers reparti avec deux toiles non moins poétiques si, à la différence du musée d’Art moderne de la Ville de Paris, le Centre Pompidou n’était doté d’un système d’alarme en état de marche – du moins on le suppose. Le Bouquet de boutons d’or (1968) est un bouquet sauvage tout en légèreté. Deux lutteurs japonais près d’un évier (1983-1987) représente un évier au-dessus duquel est posée une image de lutteurs. L’évier est le vrai sujet de la toile. Large et profond évier d’atelier, blanc et rectangulaire, où après une fructueuse, harassante séance de travail on a plaisir à nettoyer les brosses sur un bloc de savon de Marseille. Les lumières sur l’émail, les reflets – et les reflets des reflets –, mis en valeur par le fond du bac souillé de tons ocre et vert, les deux robinets ouverts avec leurs jets irréguliers, tout cela fait une nature morte aussi inattendue que réussie.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Lucian Freud, L’atelier. <o:p></o:p>

    Jusqu’au 19 juillet 2010, Centre Pompidou.<o:p></o:p>

    illustration : Reflet avec deux enfants (autoportrait), 1965 © José Loren, Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid ©Lucian Freud<o:p></o:p>


    Tags Tags : , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :