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Furusiyya
A l’Institut du Monde arabe<o:p></o:p>
Au fil des épées
Présent du 18 août 07<o:p></o:p>
Furûsiyya est le terme arabe qui désigne les connaissances et pratiques se rapportant au cheval, dans les domaines de la guerre, de la chasse et du jeu. L’exposition ne se limite pas aux territoires arabes, mais s’étend « aux pays d’Islam ». La cavalerie arabe doit beaucoup aux savoirs turcs et perses, de même qu’on constate la supériorité artistique des panoplies turques et persanes, qui témoignent d’un artisanat pré-islamique dont l’Islam saura se prévaloir par la suite.<o:p></o:p>
Plus que les chanfreins et les étriers, les lames, qui forment l’essentiel du fonds, intéressent vivement. Elles datent du VIIIe au XVIIIe siècle, et proviennent, puisque de terre d’Islam, de contrées aussi variées que l’Inde, l’Iran, le Caucase, l’Egypte, la Syrie, le Maghreb, la Turquie et l’Afghanistan.<o:p></o:p>
Difficile de les détailler, tant factures et allures sont diverses. L’épée courte, héritée des Romains et propre aux fantassins, a fait place à l’épée longue et au sabre (d’origine perse et byzantine). Aciers bruts où la beauté réside dans la seule courbure plus ou moins prononcée, lames en argent niellées décorées d’animaux, de fleurs ou d’inscriptions, poignées ornées de pierres précieuses… A chacun d’apprécier la particularité des unes et des autres. Une lame en acier damassé, technique pratiquée à Damas mais d’origine celte, était censée briller deux fois plus au contact du sang ennemi. De curieuses épées à lame bifide (elle se sépare en deux sur les quinze derniers centimètres), sont le souvenir, paraît-il, d’une des neuf épées du Prophète.<o:p></o:p>
Commentaire d’un visiteur : « C’est curieux de penser comment on pouvait s’appliquer à rendre beau un objet destiné à tuer. » Ce n’est curieux que pour des Modernes, car, outre que certaines armes étaient destinées à l’apparat, les Anciens aimaient à faire que tout objet soit beau, quelque soit son rang ou sa destination. Notre époque, à essayer de distinguer beau et utile, a fini par ne produire que du moche.<o:p></o:p>
Suivent des masses d’armes à ailettes, des haches d’arçons (comme la splendide hache moghole du XVIIIe, en acier, or, rubis – photo), des fers de lance, des poignards aux lames plus ou moins sinueuses.<o:p></o:p>
L’ensemble de ces armes et équipements splendides a un défaut, celui d’être désincarné. On s’attendait à voir mentionné le grand Saladin, d’autant plus qu’il jouit d’une réputation d’homme tolérant et respectueux de l’inter culturalité. <o:p></o:p>
Ne l’a-t-on pas vu, dans Kingdom of Heaven (de Ridley Scott), ramasser pieusement un crucifix jeté à terre ? Certes, Saladin n’était pas le premier monarque venu, et loin de moi l’idée de rabaisser ce fin politique. Sa grandeur d’âme et sa courtoisie sont indéniables. Mais, enfin, une part de la réputation de Saladin est mythique et présente l’originalité de s’être développée dans l’imaginaire occidental. <o:p></o:p>
En effet, la troisième croisade terminée, tout au long du XIIIe siècle, naquit en Europe l’idée d’un Saladin dont les vertus – générosité, bravoure, loyauté – faisaient de lui l’égal d’un chevalier chrétien, s’expliquaient par une ascendance franque et trouvaient leur fin dans sa conversion chrétienne au moment de sa mort. Belle histoire, belle rêverie médiévale sur fond d’Orient lointain merveilleux. <o:p></o:p>
On trouve trace de cette indulgence dans l’Enfer du Dante (tout début XIVe) : Saladin figure dans les limbes, un peu à l’écart de héros et héroïnes de l’Antiquité. D’autres musulmans y sont : Avicenne et Averroès, en compagnie de scientifiques grecs. Leur fausse religion ne saurait les sauver mais leur haute valeur humaine et morale les place à un rang privilégié.<o:p></o:p>
Quand un cinéaste campe Saladin comme un homme de parfaite tolérance, en cela supérieur aux Chrétiens, c’est une erreur caractéristique de cet esprit d’autophobie actuelle, qui consiste à donner à l’extra-européen le rang supérieur. C’est aussi continuer le mythe médiéval en lui ôtant sa raison d’être (chrétienne).<o:p></o:p>
L’exposition s’achève par un documentaire, tourné en Jordanie dans une école où s’apprend la furûsiyya traditionnelle. Extrême habileté des cavaliers, que ce soit dans l’évolution en groupe suivant diverses figures tactiques ou dans le maniement, au galop, des armes. Une des spécialités des Sarrasins, à l’époque des Croisades, était le tir à l’arc en pleine course ; ils harcelaient ainsi les troupes chrétiennes qui, souvent, se désorganisaient en les poursuivant et devenaient des proies faciles. Richard Cœur de Lion le comprit, qui put avancer sans dommage d’Acre vers Jérusalem après avoir interdit à ses hommes de courir après les Arabes. Les soldats se contentant de se protéger des flèches avec les boucliers, il maintint l’unité de sa colonne et put battre Saladin à Arsouf.<o:p></o:p>
Samuel<o:p></o:p>
Furûsiyya, Chevaliers en pays d’Islam, <o:p></o:p>
jusqu’au 21 octobre 2007, Institut du Monde arabe<o:p></o:p>
illustration : Hache, Inde moghole © Furûsiyya Art Foundation<o:p></o:p>
Tags : islam, armes
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