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Galliano
Fanfreluches multiculti
L’incident est loin d’avoir l’épaisseur d’un fait divers mais constitue un épisode amusant de l’histoire de l’antiracisme. Le couturier John Galliano a été interpellé jeudi dernier en soirée dans le 3e arrondissement de Paris, après une altercation au cours de laquelle il aurait proféré des injures à caractère racial et antisémite. Ce qu’il nie.
C’est au café La Perle, qu’on a connu ballon de rouge et jambon-beurre, devenu bar lounge, branché, que Galliano, au sujet d’une chaise en terrasse, s’en serait pris à un couple, elle juive, lui asiatique. « Dirty Jewish face, you should be dead », « Fucking Asian bastard, I will kill you », le styliste du porno-chic et de l’anar-chic a adopté un ton très rappeur.
Conduit au commissariat, Galliano a expiré une haleine chargée d’un peu plus d’un milligramme d’alcool par litre. Le communiqué de son employeur aura contribué à le dégriser. « La Maison Dior affirme avec la plus grande fermeté sa politique de tolérance zéro à l‘égard de tout propos ou attitude antisémite ou raciste ». Elle a suspendu Galliano de ses fonctions de directeur artistique, par principe de précaution plus que par présomption d’innocence. (Dior appartient au groupe LVMH, qui possède également Guerlain. Jean-Paul Guerlain avait fait scandale en octobre dernier avec des propos sur les nègres. La réaction de la société Guerlain avait été rapide et intransigeante. Le groupe LVMH avait ajouté avoir « toujours condamné vigoureusement toute forme de racisme, qu’elle qu’en soit l’expression ».)
Personne n’attendait un esclandre de ce genre, de la part de Galliano. Né d’un père anglais et d’une mère italienne, il se dit volontiers issu du métissage. « Il attribue à ses racines multiculturelles l’origine de sa carrière et de sa curiosité », explique son site. Il a grandi à Gibraltar puis dans un quartier pauvre de Londres au milieu de l’immigration africaine, asiatique, indienne, « une source d’enrichissement culturel fantastique », déclarait-il dans Madame Figaro. L’alcool désinhibe, dit-on.
Des blogues gays prennent la défense de Galliano. En réalité, le couturier aurait qualifié la jeune femme de « jap ». A savoir : « Jewish American Princess », un terme qui désigne, aux Etats-Unis, les jeunes femmes de familles juives aisées, au comportement plutôt égocentrique et m’as-tu-vu. Ce ne serait pas une insulte, mais pour les spécialistes du décryptage lexical le terme a le défaut de mêler sexisme et antisémitisme. Galliano aurait également tiré les cheveux de ladite Jap « sépharade », précise le blogue Mixbeat.
John Galliano a habillé Lady Di, Madonna. Vanté pour son audace et son iconoclasme, il n’a pas bien appréhendé les limites assignées à l’incorrection. Le défilé Dior de vendredi prochain, dans le cadre de la Fashion Week, devrait se dérouler presque comme prévu : sans « l’audacieux » directeur artistique.
Martin Schwa
Article extrait de Présent
du Mardi 1er mars 2011
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