• Garnier (Charles)

     

     

    À l’École des Beaux-Arts

    L’architecte Garnier
    (1825-1898)

    Présent du 25 décembre 2010

    Peu d’édifices portent le nom de leur architecte. Sauf erreur, Paris ne compte que la Tour Eiffel et l’Opéra Garnier. La tour a assuré la gloire à Eiffel. L’opéra n’a pas rendu ce service à Garnier, dont ni la vie, ni la personnalité, ni même les autres constructions ne sont connues.

    L’Ecole des Beaux-Arts revient sur celui qui fut son élève de 1842 à 1848. Quelques travaux sont exposés : des projets pour un phare à structure métallique, pour un hôtel balnéaire, pour une sacristie. Deux étapes : le plan et l’élévation. Le sujet « Un conservatoire des Arts et Métiers » fut donné au concours pour le prix de Rome en 1848, que Charles Garnier remporta.

    Pensionnaire de la Villa Médicis de 1849 à 1854, il en profite pour découvrir l’Italie, ainsi que la Grèce et Constantinople. Les « envois de Rome », ces travaux que les pensionnaires envoyaient en France afin que les professeurs suivissent les progrès, consistent en relevés de monuments (basilique Saint-Pierre), de peintures (fresques de Pompéi, fresques étrusques de Tarquinia), de sculptures. Egalement, en relevés de monuments antiques ruinés qu’accompagne une proposition de restitution (temple de Vesta à Rome ; de Jupiter à Egine).

    A côté de ces devoirs, Garnier pratique l’aquarelle pour le plaisir. Les costumes orientaux lui parlent. Il rapporte du voyage de 1852 des aquarelles représentant des Grecs, hommes et femmes, des Turcs, des juives de Constantinople, un récureur de chibouque – un métier, croyez-moi, qui n’a pas de code de désignation dans les ordinateurs du Pôle Emploi.

    Au retour d’Italie, comme c’est humain, Garnier fit une grosse dépression. Puis il commença sa carrière parisienne. Ses premières affectations : sous-inspecteur pour la restauration de la tour Saint-Jacques, qui alors perdait ses gargouilles, puis inspecteur des travaux des barrières, zones mythiques de l’urbanisme parisien !

    En 1860 est lancé le concours de l’Opéra. La voie du concours était une première et un tour de passe-passe : il s’agissait d’écarter Rohault de Fleury, architecte ordinaire de l'Opéra à qui revenait de droit le chantier, pour confier celui-ci au favori du couple impérial, Viollet-le-Duc. 171 participants entrèrent en lice. Le projet de Charles Garnier fut vainqueur au second tour et Viollet-le-Duc se retrouva Jospin comme devant.

    La première pierre fut posée en juillet 1862 et l’inauguration eut lieu en janvier 1875. Pour ce chantier énorme, Garnier dirige son agence avec fermeté et bonne humeur. La masse de travail est colossale. Plans, dessins à l’encre ou en couleurs, s’accumulent. Dallages, colonnades, ornements, modénatures… Tout est supervisé par le patron. Les peintres et sculpteurs amis sont embauchés. Les maquettes en plâtre des principaux morceaux de sculptures sont exposées : allégories de l’Harmonie et de la Poésie (Charles Cordier), du Drame et de la Musique (Gabriel-Jules Thomas), l’Apollon d’Aimé Millet et, bien évidemment, la Danse de Carpeaux.

    Le numéro du Trombinoscope consacré à Charles Garnier, paru le mois même de l’inauguration de l’Opéra, juge que « ce ne sera guère que dans trente ans, quand la pluie, la fumée et la poussière auront recouvert d’une teinte noire et uniforme cette énorme pièce montée en sucre d’orge, angélique, jujube, amandes, chocolat, pistaches, abricots confits et gelée de groseilles, que l’on pourra vraiment juger de son effet ». Description amusée de cette accumulation d’éléments antiques, Renaissance et baroques.

    L’Opéra, considéré comme réussi, vaudra à Charles Garnier des commandes multiples, le casino de Monte-Carlo, le théâtre Marigny, les Bouffes Parisiens, l’Observatoire de Nice. Sans compter les immeubles et demeures particulières, et, éphémère monument, le catafalque dressé sous l’Arc de Triomphe lors des funérailles de Victor Hugo (31 mai 1885).

    Proche, par son passage aux Beaux-Arts et son séjour romain, de nombreux artistes, Garnier a été portraituré par Bouguereau, par Bénouville, par Baudry, par Carpeaux. Il a aussi été caricaturé : le XIXe a tant aimé les portraits-charges ! Celui dessiné par Nadar est tout à fait réussi.

    Garnier lui-même a pratiqué la caricature tout au long de sa carrière. Quelques dessins évoquent la vie à la Villa Médicis, avec ses anecdotes magnifiées (un duel entre Cabanel et Tourny alors que deux autres peintres s’enivrent, indifférents), mais aussi, bien plus tard, les séances à l’Institut où Garnier ne manque pas de saisir d’un trait les vieillards assoupis.
    Samuel
     
    Un architecte pour un empire. Jusqu’au 9 janvier 2011, ENSBA, 13 rue Malaquais, Paris VIe.

    L’œil et la plume : caricatures de Charles Garnier. Jusqu’au 30 janvier 2011, ENSBA, 14 rue Bonaparte, Paris VIe.

    illustration : Charles Garnier, Vue de trois-quarts du nouvel opéra, printemps 1862, encre et aquarelle, 82 x 154 cm © BMO

    Tags Tags : ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :