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Hokusai
Au musée Guimet<o:p></o:p>
Hokusai, l’art du trait<o:p></o:p>
Présent du 14 juin 08<o:p></o:p>
Après avoir connu la célébrité avec ses vues du Mont Fuji au début des années 1830, Hokusai (1760 – 1849) finissait sa vie relativement pauvre, négligé par les élites. Les estampes ukiyo-e, « images du monde flottant », c’est-à-dire du monde de la rue et du demi-monde, des occupations populaires et des loisirs triviaux, genre auquel Hokusai s’était adonné sans réserve, les peintres lettrés leur refusaient toute considération. Peu importait à ce sage qui depuis des décennies s’était décerné le cognomen de « Vieil homme fou de peinture », ne jugeant rien ni personne indigne de son regard, ni les fabricants de tuiles, ni les portefaix, ni les décorateurs qui s’affairent autour d’un gigantesque vase, ni un simple porte-lanterne ; ou le poète Tôba à cheval, en arrêt devant un arbre chargé de neige ; ou une courtisane et ses suivantes admirant des cerisiers en fleurs. <o:p></o:p>
Après sa mort naissait en France un mouvement dit japonisme qui allait avoir une influence décisive sur les artistes, donnant à Hokusai et Hiroshige (1797 – 1858) une postérité lointaine par la géographie mais proche par l’esprit. Le japonisme fut une aventure esthétique et intellectuelle menée par des gens de valeur qui s’attachèrent à comprendre les écoles, les périodes, les spécificités de chaque artiste, etc. Collectionneurs savants tels qu’Edmond de Goncourt qui publie une monographie sur Hokusai en 1896, marchands connaisseurs tels que Tadamasa Hagashi ou Siegfried Bing qui fait paraître « Le Japon artistique » de 1888 à 1891, se rencontrent dans un esprit d’émulation. Le nom de Bing apparaît dans la correspondance de Van Gogh, grand collectionneur de « japonaiseries », qui en échange avec Emile Bernard, conseille son frère Théo.<o:p></o:p>
Au XXe la passion se transmet, avec l’historien d’art Henri Focillon (il publie à son tour une monographie sur Hokusai en 1924), le collectionneur Pierre Berès, dont une partie du fonds a été rachetée par le musée Guimet. Celui-ci, à l’occasion des 150 ans des relations diplomatiques franco-japonaises, rend hommage à ces japonistes, et au dernier d’entre eux, Norbert Lagane, qui a légué au musée en 2001 près de 130 estampes et objets.<o:p></o:p>
Emerveillés par la pureté des estampes japonaises, si exotiques, si familières aussi, on oublie qu’avant d’influencer l’art européen elles furent influencées par lui. Depuis le XVIIe siècle, les eaux-fortes européennes entraient au Japon. Elles provoquèrent un développement du genre paysage et de l’angle panoramique, au moment même où les Japonais connaissaient une période économique favorable au tourisme. Ainsi s’expliquent les séries, qui constituent de véritables guides, autant pratiquées par Hiroshige (les célèbres Cinquante-trois relais du Tokaïdo) que par Hokusai : il publie en quelques années les Trente-six vues du Mont Fuji, les Vues des célèbres ponts, les Tours des chutes d’eau des différentes provinces, etc.<o:p></o:p>
Les Trente-six vues du Mont Fuji ont un autre élément européen : le bleu de Prusse. Appelé « bleu de Berlin », il est arrivé au Japon en 1829 et a séduit immédiatement les artistes, comme il avait conquis l’Europe au XVIIIe. (Le bleu de Prusse a été créé par erreur en 1704 par un fabricant de couleurs allemand qui pensait obtenir du rouge.) Il est dix fois moins cher que l’outremer fabriqué avec du lapis-lazuli, permet de jolies transparences comme des foncés proches du noir. Les artistes japonais l’adoptent et l’utilisent jusqu’à l’ivresse. Hokusai l’utilise pour le trait, pour des à-plats, et même pour des tirages monochromes où toutes ses nuances apparaissent. C’est encore un aller-retour : une couleur occidentale, son utilisation orientale (pure), et sa réappropriation en couleur franche par les Européens.<o:p></o:p>
En japonais les natures mortes se nomment « peintures d’objets tranquilles » : une pièce d’armure et un radis blanc sont en effet des objets tranquilles. Hokusai a peint des séries de fleurs, qu’accompagnent un oiseau ou un insecte : Chrysanthèmes et taon, Hibiscus et moineau ; ses iris sont inférieurs à ceux de Van Gogh, si charnus, par contre ses lys sont un exemple magnifique de l’art du trait : celui-ci modèle délicatement le calice, donne le volume de la fleur et les plus subtils changements de direction des pétales dans l’espace. <o:p></o:p>
Outre les estampes, des croquis et des dessins préparatoires aux estampes laissent saisir d’autres aspects du travail de l’artiste ; des peintures, tellement plus rares que les estampes, dont une paire, un Dragon parmi les nuages (don N. Lagane) et un Tigre (musée Ota, Kyoto), réunis le temps de cette rétrospective Hokusai. Lequel, à 89 ans, déclarait au moment de mourir – sagesse asiatique ou artistique – : « Encore 5 ans et je serais devenu un grand artiste. » <o:p></o:p>
Samuel<o:p></o:p>
Hokusai, « l’affolé de son art », d’Edmond de Goncourt à Norbert Lagane, <o:p></o:p>
jusqu’au 4 août 08, Musée Guimet<o:p></o:p>
illustration : Lys, 1833-1834 © musée Guimet / Thierry Ollivier
Tags : Hokusai, Japon
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