• Journées du Patrimoine

    Journées du Patrimoine<o:p></o:p>

    Notes patrimoniales<o:p></o:p>

    Présent du 20 septembre 08<o:p></o:p>

    Un attroupement de jeunesses en liesse ou en pâmoison devant un hôtel XVIIe, ce n’est pas ce que vous croyez. Pas d’engouement subit pour la bonne architecture, mais une arrivée d’extatiques fans débraillés et percés. L’hôtel de Brossier (3e arr.) fête les Journées du Patrimoine à l’insu de son plein gré en hébergeant depuis hier soir les candidats de la Star Academy, apprentis paillettes ou futures paillasses enfermés pour trois mois dans ces vénérables murs. Programme vraisemblable : glapissements dans la cage d’escalier, verlan dans les ruelles, caméras dans les commodités… Qu’en penseront les Mânes de Guillaume Brossier, trésorier des Guerres dans les années 1640 ? Les bobos de la rue Charlot sont plus fâchés par le dérangement occasionné, plus inquiets du débarquement d’un peu de banlieue que choqués par l’irruption de la télé-réalité dans le Marais historique. <o:p></o:p>

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    Les Mânes des vieux Romains, Joachim du Bellay au moment de méditer sur les Antiquités de l’Urbs et sur le destin d’icelle, les invoquait classiquement : trois tours de tombeau, trois appels, « J’invoque ici votre antique fureur / En cependant que d’une sainte horreur / Je vais chantant votre gloire plus belle. » Méthode douce que l’acclamative ! Désormais le marteau-piqueur les réveille. La gestion des travaux à Rome ne se simplifie pas. Le creusement d’un parking de 700 places dans le quartier du Pincio est bloqué suite à la découverte d’une citadelle. La construction de la ligne C du métro a trébuché dans un escalier impérial. Entre l’évacuation nocturne des vestiges par de ruffians entrepreneurs et l’immobilisation du paysage, les Romains au cas par cas tentent de trouver une solution qui ne lèse ni le passé ni le futur. A Naples, où le problème se pose autant, les vestiges d’un temple du 1er siècle ont été intégrés à la station de métro à l’origine de leur invention. Roberto Cecchi, haut responsable au ministère des Biens culturels, s’extasie : « Avant de monter dans les rames, les passagers marcheront dans un temple romain… Splendide. » Les pique-poquets en provenance de Dacie ou d’Illyrie en profiteront pour invoquer Mercure, dieu des voleurs.<o:p></o:p>

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    Chez nous, la manie est à la restauration menée selon les règles de l’art puis, au nom d’une prétendue continuité, à l’installation d’œuvres saugrenues au beau milieu des vieilles pierres remontées. C’est le thème même de ces 25e Journées : liens entre création et patrimoine. Ce qui est en réalité un parasitisme esthétique est d’ailleurs né il y a environ cinq lustres. Les emblématiques colonnes de Buren datent de 1986. Les Angevins se souviennent de la suspension aux murailles du château, par Grau-Garriga en 1989, de gigantesques draps qui semblaient attendre l’essorage. Aujourd’hui le procédé est commun. Ainsi les figures ectoplasmiques et fumeuses de Claudio Parmiggiani  dénatureront-elles prochainement les lignes gothiques du Collège des Bernardins, dont la lisibilité architecturale était en rapport avec la clarté intellectuelle qu’y acquéraient jadis les Cisterciens (cf. Présent de samedi dernier) ; ainsi les châteaux s’encombrent-ils de pouilleries, Fontainebleau d’une quinzaine de bêtises en partenariat avec le Palais de Tokyo, et Versailles des plus coûteux bibelots au monde, ceux de Jeff Koons, l’artiste ne connaissant d’autres étiquettes que celles des prix.<o:p></o:p>

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    Cependant tout cela passera, hormis les séjours qu’ont bâtis nos aïeux : ils ont une durée de vie excellente puisque édifiés en matériaux nobles – j’appelle matériaux nobles les matériaux qui vieillissent bien, c’est-à-dire capables de résister à l’usure tout en se patinant –, leur lente usure ne demande de restauration que rarement tandis que le moderne s’effrite et se gâte avec une rapidité plaisante. La rénovation des susdites colonnes de Buren commence symboliquement ce week-end et comme il n’y a pas de petits profits, la palissade du chantier a été dessinée par Daniel Buren lui-même. Le Centre Pompidou a dû être restauré au bout de vingt ans. On peut prévoir qu’il mourra toutes gouttières crevées, infiltré de partout, dans une incontinence totale. Les zœuvres contemporaines pour lesquels le plasticien emploie tout ce qui lui tombe sous la main, voire les matières les plus organiques de son enveloppe corporelle sous l’emprise d’une inspiration métabolique, posent d’ores et déjà de cruelles difficultés aux restaurateurs. Avec quoi restaurer un gratin de pâtes jeté sur une toile mal tendue tout en respectant le travail de l’artiste ? Il suffira d’une génération désoccupée de ces choses, ou simplement désargentée – on sait que le budget du patrimoine est de plus en plus restreint –, pour que pourrisse dans les réserves, tel le portrait de Dorian Gray, la quasi-totalité d’un art congénitalement sujet à péremption.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Illustration : Portail de l’Hôtel de Brossier : lion et cornes d’abondance © Schwa Ltd<o:p></o:p>


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