• Kiraz (les Parisiennes)

    Au musée Carnavalet<o:p></o:p>

    Les élégantes de Kiraz<o:p></o:p>

    Présent du 7 juin 08<o:p></o:p>

    Les Parisiennes de Kiraz méritaient de s’afficher au musée Carnavalet : connues de tous, en partie grâce aux vieux magazines dont les tables basses de salles d’attente sont encombrées, mais, contrairement à eux, jamais démodées, elles font partie de l’histoire moderne de la capitale. <o:p></o:p>

    Après des études au collège cairote des Frères français, Edmond Kirazian, né au Caire en 1923, se lance très tôt dans le dessin journalistique, influencé par le style du dessinateur britannique David Low. Les caricatures politiques publiées dans les quotidiens égyptiens pendant la Seconde guerre ne laissent en rien présager qu’il deviendra l’artiste de l’élégance mutine. Il est sûr que Hitler ou Staline ne s’y prêtaient guère. <o:p></o:p>

    Séduit par Paris, il s’y installe définitivement en 1948. Il donne force dessins d’humour, dont les journaux sont prodigues, à pleines pages remplies de noms qui n’ont pas percé et d’autres qui sont restés : Pouzet, Dubout, Faizant… Rien d’extraordinaire là-dedans, ni du point de vue du dessin ni de l’humour : le genre survit dans les éphémérides agrémentés de la blague du jour. Kiraz se cherche encore.<o:p></o:p>

    La première femme qu’il dessine de manière récurrente à partir de 1951 s’appelle Line. Rapidement rejointe par des copines avec qui elle forme le « Carnet de belles ». Elles se produisent en noir et blanc dans Samedi soir puis dans Ici Paris jusqu’en 1964. L’originalité de Kiraz commence à poindre. Marcel Dassault le remarque et l’embauche à Jours de France en 1959, lui trouvant même l’intitulé de sa rubrique : « Les Parisiennes ». Kiraz n’est pas emballé par le titre, mais va y trouver une ligne directrice.<o:p></o:p>

    Les Parisiennes passent à la couleur en 1964, début d’une carrière publique remarquable. En présentant plus de cent gouaches originales, l’exposition met en valeur les nuances qu’une impression finit toujours par hélas aplatir. Les couleurs de Kiraz, crémeuses, tiennent du parfait ; légères, du sorbet. Elles appellent des noms fruités. Ce ne sont que teintes vanille, fraise, pistache, vert angélique, onctueuses couleurs de confiture en train de cuire.<o:p></o:p>

    Ces Parisiennes sont futiles comme les filles de Nicolas Lavreince, moins vénéneuses que les demi-mondaines de Constantin Guys. Délurées, elles sont toujours bien habillées, même en tenue légère. Elles n’existent pas seules, il leur faut un faire-valoir, jeune homme, amie, mère. Au premier, chez le marchand de chaussures : « J’achète deux paires parce que quand tu fais cette tête, ça m’enlève la moitié du plaisir. » A la deuxième : « Elle m’a dit tant de choses qu’il ne faut pas que je te répète que je ne sais plus par où commencer. » (illustration) <o:p></o:p>

    Légende quasi sociologique : « Toutes tes amies divorcent, et toi, tu n’es pas encore mariée », dit une mère à sa fille. Infra-poétique : « Je ne me lasse pas de l’écouter parler : dans chacune de ses phrases il y a un sujet, un verbe et un compliment. » Comme il le reconnaît lui-même, Kiraz attache moins d’importance à la légende qu’au dessin : elle naît après le dessin, lequel est susceptible d’en changer, comme c’était le cas pour les lithos de Daumier. <o:p></o:p>

    La carrière des Parisiennes à Jours de France s’arrêta un an à peine après la mort de Marcel Dassault. Elles reprirent dans Gala entre 1995 et 2000. Parallèlement à la presse, elles ont, du fait de leur succès, été souvent sollicitées pour des campagnes publicitaires. Représentatives d’une certaine image de la féminité, elles ont illustré la crème Nivéa, les sucres allégés Canderel, la lingerie Scandale, mais aussi des stylos, des parfums, des alcools, etc.<o:p></o:p>

    Dessinateur de mode à l’occasion, et comment n’en aurait-il pas été ainsi puisque ses héroïnes passent beaucoup de temps dans les magasins (elles vivent dans un monde aisé et les sacs de boutiques de luxe constituent leur seule charge), Kiraz se montre remarquable décorateur. D’un paysage parisien, il fait un décor dans lequel elles évoluent sans contrainte, si juste qu’elles s’y meuvent à l’aise. L’œil de Kiraz est tout aussi perçant en ce qui concerne les intérieurs, parfaitement cohérents du point de vue ameublement (meubles, bibelots, rideaux…).<o:p></o:p>

    Images réductrices d’une féminité volontairement cantonnée dans le superficiel et la minceur, comme telles témoignages d’une époque, les Parisiennes ont une qualité qui n’appartient pas à l’époque mais à l’artiste : elles sont dépourvues de toute vulgarité, même quand il travaille pour le Playboy américain (depuis 1970). C’est un point que Kiraz a en commun avec Sempé, ce qui les place aux antipodes de Reiser et de Wolinsky. Sa fraîcheur n’a d’égal que l’ingénuité de ses créatures, dont l’une déclare à son admirateur : « Tu as bien fait de dire que tu aimais mes grands cils : il faut que j’en rachète. »<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Les Parisiennes de Kiraz, <o:p></o:p>

    jusqu’au 21 septembre 2008, Musée Carnavalet,<o:p></o:p>

    illustration : Gouache parue dans Gala, février 1996 © Laurent Lecat<o:p></o:p>


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