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L'Egypte et la mort
Le roman de la momie<o:p></o:p>
Présent du 4 avril 2009<o:p></o:p>
Le Louvre entrebâille les Portes du Ciel qui fermaient les chapelles privées et cachaient le dieu, et sont un aspect parmi d’autres des portes qui pour les Egyptiens de l’ancien monde séparaient les différents secteurs d’un univers ordonné. Exposition plus didactique qu’artistique, empruntant de belles œuvres à la haute époque, de moins fortes à la basse époque, quoique parmi ces dernières la fraîcheur ne soit pas absente.<o:p></o:p>
C’est le cas de la stèle de la dame Tapéret (illustration), plaquette de bois fort modeste en comparaison des stèles de pierre, joliment peinte. Au recto, sous forme de fleurs colorées, les rayons de Ré-Horakhty, le soleil zénithal, réchauffent le visage de la défunte. Le sol, la voûte céleste, les lotus qui symbolisent le Nord et les lys le Sud (les deux Egypte) sont autant de repères. Au verso, le jour baisse, s’éteint, Dame Tapéret adresse ses prières à Atoum, le soleil couchant ; la déesse Nout forme cadre, elle qui avale le soleil le soir et lui donne naissance le matin, ce qui situe l’Ouest et l’Est. Pour la fidèle, la course du soleil est l’image de sa propre vie, et sa renaissance le gage de sa propre éternité. <o:p></o:p>
L’immortalité a d’abord été le propre du Pharaon qui, en tant que dieu puisqu’il était un autre Ré, avait sa place post mortem à l’Est parmi les étoiles. Mais la dévotion à Osiris, dieu assassiné, démembré puis ressuscité après que son épouse Isis l’eut embaumé, cette dévotion en se répandant donna à chacun la possibilité de s’associer à son histoire et de prétendre à la vie dans l’au-delà. La « démocratisation » d’Osiris eut lieu vers -2000. <o:p></o:p>
Où le soleil disparaît, là sont les portes de l’au-delà souterrain, le Bel Occident. Le plan des enfers peint sur le sarcophage permettait au défunt de trouver son chemin jusqu’à l’endroit où il proclamait sa droiture devant quarante-deux juges puis son âme était pesée devant Osiris. Son ka (énergie vitale) demeurait auprès d’Osiris, son ba (autre énergie), figurée sous la forme d’un oiseau à tête humaine, regagnait le corps momifié, devenu sanctuaire. La conservation du corps était indispensable, sinon l’âme du mort eut erré. Sur un coffret à viscères de l’époque ptolémaïque, on voit le ba du défunt adorer le soleil sous ses trois aspects. Autres conditions à la survie : la mémoire du nom. Il est inscrit sur la stèle, et rien que cela a pleine et entière force pour faire « vivre » le défunt ; mais l’aide de la famille et des passants est invoquée elle aussi, comme celle des anciens collègues (grande stèle de Mérou, calcaire peint, -1800). La nourriture reste un besoin fondamental : le guéridon, sur la stèle de dame Tapéret, est chargé de victuailles, les inscriptions demandent du pain, de la bière et de la viande pour l’éternité. <o:p></o:p>
Les factures retrouvées donnent les tarifs pratiqués par l’artisanat funéraire. Les quatre vases canopes, utilisés lors de la momification pour recevoir les viscères, coûtent quinze jours de travail. Une statuette représentant le défunt, un mois ; on en voit de superbes en bois (-2200), mais aussi en pierre : Bak, chef des sculpteurs, en compagnie de son épouse Tahéry (14e siècle av J. C.). Ces représentations trouvaient place en général devant les « fausses portes », pierre symbolisant la chapelle funéraire, lieu de communication entre le mort et les siens.<o:p></o:p>
L’objet le plus cher à déposer dans la tombe était Le Livre des Morts : six mois de travail pour le calligraphier et l’illustrer. Grâce aux nombreux exemplaires du livre on est bien renseigné sur le processus funèbre. Qui mieux que l’Egyptien, en son temps, a cru à l’immortalité ? A envisagé la mort avec plus de couleurs ? La croyance à l’éternité s’est doublée d’une continuité temporelle pendant 2500 ans. La permanence religieuse et politique de l’Egypte, qu’on nomme immobilisme, s’explique par l’idée que le Ma’at (l’Ordre et son train : la justice, le bien, etc.) est toujours susceptible d’être vaincu par le Chaos originel. Ainsi chaque nuit Ré doit lutter contre le serpent Apophis, du même mouvement de lance que saint Georges contre le dragon (bois peint, -1250). Pharaon, quand il combat l’invasion étrangère, est un autre soleil luttant contre un autre Apophis. Il est garant des rites qui, inchangés, assurent l’Ordre ; il est l’intermédiaire entre les Dieux et son peuple car dans le sanctuaire le dieu n’est accessible qu’aux prêtres, aussi les laïcs s’adressent-ils à la statue du Pharaon installée devant les portes du temple. La belle statue de Séthi II (13e siècle av. J. C.), assis, avait cet usage. Son hiératisme, comme celui des statues cubes, est une autre manière d’exprimer l’éternité.
Samuel
Les Portes du Ciel, Visions du monde dans l’Egypte ancienne,
jusqu’au 29 juin 2009, Musée du Louvre, Hall Napoléon.<o:p></o:p>illustration : Stèle funéraire de la dame Tapéret, vers -800 © Musée du Louvre / G. Poncet<o:p></o:p>
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