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La Hyre
Au musée du Louvre
Présent du 1er août 09
Laurent de la Hyre (1606-1656) est un contemporain de Poussin, de Vouet, de Le Sueur. Louis Gillet le classa dans « cette école française qui ne sort guère du médiocre ». Il répétait une opinion lancée par A. Félibien au XVIIe siècle qui ne voyait que mollesse dans sa peinture. Du coup on la croira longtemps insipide. L. Gillet rectifia son jugement une quinzaine d’années plus tard : La Présentation au temple lui laissait pressentir un plus grand talent.
Il est vrai que La Hyre arrive après l’Ecole de Fontainebleau, après les verriers du XVIe siècle, dont un des chefs-d’œuvre est cette Histoire de Psyché dont nous parlions la semaine dernière ; qu’il reste en-deçà des grands peintres du XVIIe. Mais s’étant formé d’abord au château de Fontainebleau en étudiant le Primatice, Rosso, et étant dans sa maturité un des membres fondateurs de l’Académie royale de peinture et de sculpture (1648), La Hyre est à l’évidence un maillon fort.
Le Louvre expose en permanence une dizaine de peintures et, jusqu’à la Saint-Matthieu, une quarantaine de dessins et d’esquisses peintes. Les sujets mythologiques, profanes, sont fréquents (Adonis mort, La tuile). La Hyre est un paysagiste sensible (Paysage aux baigneuses, et bien des arrière-plans de tableaux). Cependant les sujets religieux constituent la partie essentielle de son œuvre (remarquable Assomption, 1635). Ce père de famille qui, pour se délasser de son art, aimait chanter et chasser, était connu pour sa piété, proche de l’esprit franciscain et marquée par la notion de retrait du monde.
Les fondateurs d’ordre retenus pour la décoration du réfectoire des Minimes de la Place Royale ont d’ailleurs tous pratiqué, à un moment donné, la Solitude. Commande en fut faite à Simon Vouet mais, celui-ci décédé, le projet fut confié à La Hyre qui était déjà en charge des paysages alternant avec les figures. Les esquisses peintes à l’huile sont tout ce qui reste aujourd’hui : le Christ, le Baptiste, et seize fondateurs d’ordre, Minimes, Carmes, Antonins, Camaldules, etc. Nobles figures, parmi lesquelles on retiendra, pour l’attitude, pour la force, saint Antoine, saint Augustin, saint Pierre Nolasque, saint Jean de Matha, fondateur des Trinitaires dont le but était de libérer les captifs, d’où les entraves (illustration) : chacun est en habit de l’ordre, avec les attributs fixés par la tradition.
Les figures furent peintes en grisaille, technique qui s’explique à la fois par son aspect austère : les Minimes avaient un quatrième vœu, celui de Carême perpétuel, et par le désir d’imiter la sculpture. Le maintien monolithique des Pères calmement drapés est aussi typique d’un certain atticisme parisien. Laurent de La Hyre, à l’instar d’Eustache Le Sueur, à l’inverse de Simon Vouet, n’a pas fait le voyage de Rome et n’a pas été comme lui marqué par l’art de la Contre Réforme.
Autre contrat, paroissial, celui que les marguilliers de Saint-Etienne du Mont passèrent avec La Hyre pour des dessins relatant la vie de saint Etienne, destinés à être tissés. Des difficultés avec le lissier, la Fronde : raisons qui expliquent qu’il n’y eut que cinq tapisseries réalisées, vraisemblablement détruites à la Révolution. Fort heureusement, les dessins par contrat revenaient à la fabrique de Saint-Etienne du Mont, qui les avait conservés.
La vie de saint Etienne est bien connue par les Actes des Apôtres, que La légende dorée suit fidèlement et auxquels elle ajoute l’invention du corps trois siècles après. Une tapisserie du XVe siècle (musée de Cluny) fait débuter l’histoire avec l’Institution des diacres et développe longuement les aléas merveilleux de la translation des reliques. Le cycle prévu pour Saint-Etienne du Mont est plus resserré : il commence dès la Pentecôte, évoque les difficultés de la première communauté chrétienne qui mènent à instituer des diacres ; la conversion de Saül, qui gardait les vêtements des bourreaux lors du martyre, trouve sa place comme événement appartenant au cycle. La Translation des reliques n’occupe qu’un panneau, où la leçon n’est plus tirée d’une geste providentielle mais d’un geste humain enseignant : un homme montre la châsse à un enfant.
La connaissance qu’avait La Hyre de l’Antiquité par le biais des gravures apparaît dans le décor, dans les drapés, traités différemment de ceux de la série des pères fondateurs. Si on compare, encore, les scènes à celles de la tapisserie gothique susmentionnée, on y voit le désir d’être plus lisible. Mais les personnages y sont aussi expressifs : certains de leur foi (Etienne) ou de leur effroi (les membres du Sanhédrin). La sûreté du trait est la même, elle reflète la foi de l’artiste.
Samuel
Laurent de La Hyre, dessinateur, collection du Louvre.
Jusqu’au 21 septembre, Musée du Louvre, Aile Sully.
illustration : Laurent de la Hyre, Saint Jean de Matha © 2006 Musée du Louvre / Martine Beck-Coppola
Tags : peinture, france, xviie
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