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La Vieille Obsession
Ayant voté non au référendum et refusé la collection dart moderne de François Pinault, les Français sont d« indécrottables ploucs » : tel est lavis de Beaux Arts Magazine (n°253, juillet 2005, p. 32). Le ton est donné.<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>
Que cette revue présente les créatures du Coréen Ham Jin, « réalisées avec de lanchois séché, du pop-corn, du dentifrice, ou du chewing-gum, [qui] frappent par leur virtuosité ténue et leur sexualité parfois échevelée bien que minimale » (p. 76), ou bien quelle traite des créateurs qui « distillent quelques virus pour perturber le champ visuel des signes dun quotidien trop policé » (p. 14), elle ne se dépare jamais de lObsession, allant jusquà louer « les nourritures transgressives le jeu transgressif du manger moderne lavè-nement et la banalisation de cette cuisine internationale ont détruit le caractère transgressif de la cuisine ethnique, de la cuisine de lautre. » (p. 30)<o:p></o:p>
« Lautre » : notion importante, qui a supplanté celle de prochain, et qui revient dans la bouche de Donnedieu de Vabres, linterviewé ministre à la culture (pp. 48-51). Loccasion pour lui de sinquiéter des « formes renaissantes dintégrismes, de fanatismes, de discriminations, dexclusions, de racismes Louverture à lautre et au changement suscite des peurs savamment entretenues » Il connaît son texte. Ses bonnes intentions sont indéniables : il veut « créer une spirale de confiance chez nos concitoyens Si vous êtes frileux, si vous avez peur, vous nacceptez pas ce qui vous dérange ».<o:p></o:p>
<?xml:namespace prefix = v ns = "urn:schemas-microsoft-com:vml" /><v:shapetype id=_x0000_t75 stroked="f" filled="f" path="m@4@5l@4@11@9@11@9@5xe" o:preferrelative="t" o:spt="75" coordsize="21600,21600"><v:stroke joinstyle="miter"></v:stroke><v:formulas><v:f eqn="if lineDrawn pixelLineWidth 0"></v:f><v:f eqn="sum @0 1 0"></v:f><v:f eqn="sum 0 0 @1"></v:f><v:f eqn="prod @2 1 2"></v:f><v:f eqn="prod @3 21600 pixelWidth"></v:f><v:f eqn="prod @3 21600 pixelHeight"></v:f><v:f eqn="sum @0 0 1"></v:f><v:f eqn="prod @6 1 2"></v:f><v:f eqn="prod @7 21600 pixelWidth"></v:f><v:f eqn="sum @8 21600 0"></v:f><v:f eqn="prod @7 21600 pixelHeight"></v:f><v:f eqn="sum @10 21600 0"></v:f></v:formulas><v:path o:connecttype="rect" gradientshapeok="t" o:extrusionok="f"></v:path><o:lock aspectratio="t" v:ext="edit"></o:lock></v:shapetype><v:shape id=_x0000_s1027 style="MARGIN-TOP: 78.3pt; Z-INDEX: -1; LEFT: 0px; MARGIN-LEFT: 99pt; WIDTH: 127.3pt; POSITION: absolute; HEIGHT: 169.85pt; TEXT-ALIGN: left; mso-wrap-distance-top: 8.5pt" stroked="t" strokeweight=".25pt" type="#_x0000_t75" wrapcoords="-254 -191 -254 21504 21727 21504 21727 -191 -254 -191"><v:imagedata grayscale="t" o:title="100_0993" src="file:///C:\DOCUME~1\martin\LOCALS~1\Temp\msohtml1\01\clip_image001.jpg"></v:imagedata><?xml:namespace prefix = w ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:word" /><w:wrap type="tight"></w:wrap></v:shape>On reconnaît là un parfum politique bien identifié, plus explicite, si besoin était, page 27 : une création du festival dAvignon (« Anathème ») « fera entendre des textes extraits principalement de lAncien Testament où tonne abondamment la voix dun Dieu vengeur et intolérant.<v:shape id=_x0000_s1026 style="MARGIN-TOP: 7.85pt; Z-INDEX: -2; MARGIN-LEFT: 171.7pt; WIDTH: 127.3pt; POSITION: absolute; HEIGHT: 169.45pt; mso-wrap-distance-top: 8.5pt; mso-position-horizontal-relative: char; mso-position-vertical-relative: line" stroked="t" strokeweight=".25pt" type="#_x0000_t75" wrapcoords="-254 -191 -254 21504 21727 21504 21727 -191 -254 -191"> <v:imagedata grayscale="t" o:title="100_0991" src="file:///C:\DOCUME~1\martin\LOCALS~1\Temp\msohtml1\01\clip_image003.jpg"></v:imagedata><w:wrap type="tight"></w:wrap></v:shape>En son nom, la civilisation occi- dentale a justifié quantité de mas- sacres. [ ] Et à se demander si lon peut établir un lien entre monothéisme et génocide ». Les Juifs et les Mu- sulmans appré- cieront, mais on a compris que ce ne sont pas eux qui sont visés.<o:p></o:p>
Le décor est planté, le joli paysage où sinscrit si bien larticle de Christine Angot, « Prière de toucher » (pp. 60-63). « Louise Bourgeois a livré sa version très personnelle de lincarnation en sculptant le mobilier dune église à Bonnieux, dans le Vaucluse. » Ladite église, du xviie, a été inaugurée lannée dernière par Jack Lang. On se félicite quelle ne soit pas consacrée lorsquon voit le mobilier sculpté : un bénitier dans lequel sont taillés des seins de mémères, un « Christ en croix » fait dun avant-bras emmanché de deux mains (cf. ill. ci-dessous).<o:p></o:p>
Évacuons dabord les commentaires de Christine Angot. Ils sont, ou alambiqués : « La biographie de Louise Bourgeois , si présente soit-elle, est broyée par la main droite, crispée de douleur, ou crispée tout court, du Christ dans le chur. La biographie est broyée par lincarnation. » Ou malsains, perturbés, mêlant le religieux à lérotisme (antique recette qui doit porter un nom en psychiatrie) : « Et lérotisme de ce bras , main ouverte main crispée, magnifique, est immédiat ». Ne nous arrêtons pas en si bon chemin : ce bras, « je voudrais lemporter chez moi. Je comprends les femmes mystiques en extase devant ce corps dhomme qui est Dieu » Quant au bénitier : « y plonger la main, les caresser, être presque gênée. » <o:p></o:p>
En réalité, les uvres de Louise Bourgeois ne sont pas originales : elles sont caractéristiques dune époque où les artistes et autres plasticiens sont obsédés par le catholicisme, au point de sacharner sans cesse à le tourner en dérision dans des uvres blasphématoires. Ils pourraient nêtre pas catholiques et uvrer sans se soucier de la religion ; mais il ne sagit pas dart <o:p></o:p>
Jai vu, il y a quelques temps, dans une galerie rue Saint-Paul, un petit Christ aux bras levés manière janséniste, vêtu du périzonion bref, un Christ de crucifix. Sauf quil nétait porté par aucune croix et soulevait des haltères. Où peut germer une telle idée, sinon dans un esprit obsédé ? Comme le « crucifix » de Louise Bourgeois, ce Christ-là était de facture réaliste : cest le blasphème de goût bourgeois, pour le bour- bourgeois. Un semblant dart adoucit la provocation. Limitation étant la plus basse forme de lart, elle convient, en lespèce, aux plus basses idées.<o:p></o:p>
Dautres courants artistiques expriment la même obsession sous dautres formes et des dehors plus violents. Le Manifeste de lArt Brutal (une dérive de lart brut) de Miguel Amate, corrigé çà et là de coquilles nombreuses, ne sen cache pas :<o:p></o:p>
LArt Brutal nest pas né dun geste ou dune action spontanée, mais sancre dans lhistoire de lhumanité, du premier jour où lhomme de Cro-Magnon se brûla avec le feu ; ceci fut le premier « cri brutal ».<o:p></o:p>
LÉglise catholique na rien compris, récupérant Jésus sur la croix, car limportant fut la couronne dépines, les trois clous et le Suaire.<o:p></o:p>
La balle du pistolet dOswald est plus pertinent que lenterrement médiatique de Kennedy, comme le pneu qui explosa volatilisant James Dean est plus approprié à la notion de destin que la fin dun acteur.<o:p></o:p>
La fin des illusions et des mystifications apparaît enfin à la lumière du jour, comme le fait que se fut le crayon de Marx qui écrivit Le Capital, et donc transforma le monde Et dans lhistoire de lart, loreille de Vagh [Van Gogh] est plus représentative que ses tableaux <o:p></o:p>
Un autre manifeste, signé El Bruto, que je suppose être encore Miguel Amate, précise :<o:p></o:p>
Nous proposons, comme Sainte Thérèse dAvila, de sanctifier lineffable puisquil na ni odeur ni corps Et, comme le prônait le Marquis de Sade, cest le sexe qui, à la place du prophète, devrait être crucifié ![1]<o:p></o:p>
En voilà assez, nest-ce pas ? On voit combien lidée de la Crucifixion, donc de notre rachat, leur est insupportable. Jai eu loccasion, lannée dernière, de réagir au livre de Mgr Rouet LÉglise et lArt davant-garde, dans lequel javais trouvé les mêmes haines. Quon me permette de me citer moi-même.<o:p></o:p>
« Mais alors, comment lart davant-garde que promeut lÉglise de France ne répond-il pas à nos vux, lui qui nest pas abstrait ? Monseigneur Rouet ne se fonde-t-il pas, lui aussi, sur lIncarnation ? Ne nous laissons pas abuser. Il est manifeste que dans la bouche de monseigneur Rouet la créature est la fin et non le moyen ; que quand il répète « le Christ sest fait chair », il entend « un homme nommé Christ na été que chair ». Et puisque tout nest que chair, cet art nous présente invariablement des images de cadavres, de chairs sanguinolentes et malades. À travers ces représentations, que nous dit lart davant-garde ? Quil y a la mort, la maladie et la solitude. Nous apprend-il quelque chose ? Non : chaque homme, dans son âme blessée par le péché originel et par son expérience quotidienne, connaît cette triade. Lart davant-garde ne nous surprend pas et ne nous apprend rien.<o:p></o:p>
« Au-delà de nos maux, la mort du Christ est la tragédie suprême, puisque nulle souffrance humaine ne lui est comparable. Elle anéantit la tragédie grecque en la surpassant infiniment au point que le sentiment tragique de celle-ci semble nen être plus que le pressentiment. (Les Pères de lÉglise ne se firent pas faute de voir en Eschyle un inspiré.)
Bien plus, trois jours après, la Résurrection est la mort définitive de la tragédie. Mort, où est ta victoire ? Lart davant-garde, niant la Résurrection et la Rédemption, soutient, lui, que la mort est victorieuse, doù ses obsessions anti-catholiques : du Christ en travesti au boudin consacré, de la femme en croix à la Vierge salie, il nest quun blasphème continu. »[1]<o:p></o:p>
Léon Bloy, parlant dÀ Rebours, disait : « Je ne sais pas sil sest jamais vu un aussi ferme parti pris déconduire la Vérité et la Beauté pour nadmettre que lanomalie et la déviation, lexception même étant abhorrée, si elle impliquait léquilibre de la force ou de la grandeur. »[2] Il y aurait dautres, et de multiples, citations de Bloy à faire sur le sujet, car cet écrivain avait pressenti bien des évolutions.[3] Lanomalie et la déviation sont aujourdhui la norme ; elles prennent leur plein sens quand elles mettent au jour le blasphème qui les enfante.<o:p></o:p>
Louise Bourgeois connaît-elle Mgr Rouet ? Les mettre en contact serait une pieuse idée. Cet évêque se ferait un devoir de consacrer léglise de Bonnieux, avec Jack Lang en diacre. Mais ils refuseront : ils auraient préféré, dit-on, dautres attributs dans le bénitier. Les gens ne sont jamais contents.<o:p></o:p>
Samuel<o:p></o:p>
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[1] « Le beau vu den bas », dans Présent du 3 avril 2004. Javais écrit, sur le même sujet, un pamphlet (Avant-garde et Arrière-train), qui a effrayé quelques éditeurs.<o:p></o:p>
[2] Sur la tombe de Huysmans (1913), in O. C., t. 4, Mercure de France, 1965, p. 349.<o:p></o:p>
[3] Voyez par exemple « Le Christ au dépotoir », ibid., pp. 82-89. Larticle est de mars 1885. « Il ny a que deux sortes dimmondices, les immondices des bêtes et les immondices des esprits. On la connaît, la boue révolutionnaire et anticléricale ! Elle est fabuleusement surannée et plus vieille encore que le christianisme. Elle coule des parties basses de lhumanité depuis soixante siècles »<o:p></o:p>
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