• Lamazou (Titouan)

    Au musée de l’Homme<o:p></o:p>

    L’Eve actuelle<o:p></o:p>

    Présent du 2 février 08<o:p></o:p>

    Titouan Lamazou (né en 1955 au Maroc) est connu du grand public pour sa carrière nautique : équipier de Tabarly, vainqueur du premier Vendée Globe (1990) et de la Route du Rhum (à consommer avec modération), fondateur avec Florence Arthaud du Trophée Jules Verne.<o:p></o:p>

    C’est comme artiste qu’il se fait un nom désormais. Ayant mis fin à sa carrière de navigateur en 1993, il est revenu à sa première passion, la peinture, qu’il a plus jeune étudiée aux Beaux-Arts d’Aix-en-Provence. L’exposition « Femmes du monde » récapitule six années de voyages à travers la planète à dessiner et photographier des femmes, jeunes filles, grands-mères, coiffeuses, religieuses (illustration), danseuses, mères de famille… <o:p></o:p>

    L’œuvre est séduisante. Grands tirages photographiques, croquis au pinceau, gouaches sur papier, etc. : Titouan Lamazou maîtrise ses moyens techniques, pour un résultat souvent plus proche de l’illustration que de la peinture, ce qui en soi n’est pas un défaut mais donne à tous ses visages un caractère répétitif, malgré la diversité des types – écho très affaibli du travail des peintres orientalistes, des artistes des salons coloniaux (1881-1962), qui voyageaient en Afrique noire, au Maghreb, en Asie ; je pense en particulier à Charles Cordier, dont on admira les bustes en 2004 au musée d’Orsay. <o:p></o:p>

    Ce rapprochement sera-t-il du goût de Lamazou ? « Les légendes très succinctes ne font aucune allusion aux pays d’origine de mes modèles. Cela est délibéré de ma part et reflète ma défiance à l’égard de la notion de nation », explique T. Lamazou, qui souhaite présenter chacune de ces femmes « en dehors de son appartenance ethnique, confessionnelle et a fortiori nationale ». Discours convenu, et paradoxal puisque l’ensemble se veut un hymne à la diversité, laquelle est manifestement liée à des appartenances ethniques, confessionnelles et, pour une part difficile à mesurer mais certaine, nationales. <o:p></o:p>

    Les mécènes enfoncent lourdement le clou. Outre l’Unesco, France 5 ou Gallimard, le Musée de l’Homme loue cette manifestation « aux antipodes du refus de l’Autre », mais ces antipodes ne seraient-ils pas le refus de Soi ? La présence d’un mécène tel que L’Oréal semble le corroborer puisqu’on connaît la position de son président Jean-Paul Agon : « aujourd’hui, lorsque nous rencontrons un candidat qui a un prénom d’origine étrangère, il a plus de chance d’être recruté que celui qui porte un prénom français de souche. »<o:p></o:p>

    Titouan Lamazou est donc solidement arrimé à quelques bittes conformes aux normes européennes, ce qui surprend de la part d’un marin, que nous autres du plancher des vaches imaginons épris de liberté.<o:p></o:p>

    Cet hommage aux filles d’Eve, quoi qu’il en soit, est la preuve d’une bonne santé et fait plaisir à voir. Mais l’artiste ayant laissé les femmes dans leur décor quotidien, tout n’est pas que joie : leurs conditions de vie ne sont pas toujours roses.<o:p></o:p>

    Parfois, ab ovo, elles ont du mal à naître. L’Inde et la Chine connaissent des avortements massifs de fœtus féminins. Le déséquilibre créé est affolant : 40 millions d’Indiens et autant de Chinois ne trouveront pas d’épouses. Cela occasionne un commerce matrimonial : achat d’épouse préalablement enlevée, polyandrie… Il est de bon ton, en Occident post-chrétien, de s’émouvoir avec discrétion à ce sujet. Avortements décidés pour des raisons économiques par des couples aisés à qui l’échographie est accessible, ils ne sont qu’une variante de l’avortement de confort tel qu’il se pratique chez nous.<o:p></o:p>

    En Afrique noire, sur une bande Est-Ouest entre le 5e et le 20 parallèle nord et dans des proportions diverses suivant les pays, l’excision menace les fillettes. Titouan Lamazou aborde la question avec des schémas. C’est violent. L’excision se décline sur différents modes, le plus radical et le plus ignoble étant l’infibulation, qui consiste à coudre partiellement les grandes et petites lèvres. Pratique d’origine animiste, l’excision trouve dans les mentalités musulmanes un surcroît de justifications.<o:p></o:p>

    La France, du fait de ses racines animistes ? ne peut ignorer le problème : on estime à 60°000 sur notre territoire le nombre de filles déjà excisées ou menacées de l’être. Les spécialistes de la question, en général des médecins travaillant en PMI, sont peu entendus. Le plan typique consiste à déscolariser les filles en fin d’école primaire, à les envoyer « au pays » où elles sont excisées et mariées, et à les faire revenir en France à 16 ans, domestiquées et traumatisées. Citoyens du monde comme il se doit, vous et moi avons beau nous persuader de la parfaite égalité des pratiques culturelles de tout poil, notre balance interne nous signale de temps à autre un déséquilibre flagrant.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Zoé-Zoé – Femmes du monde, jusqu’au 30 mars, <o:p></o:p>

    Musée de l’Homme, Place du Trocadéro.<o:p></o:p>

    illustration : Rose-Mary © Titouan Lamazou<o:p></o:p>


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