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Les Jardinières de Saint-Pierre
Léglise Saint-Pierre, de Savennières (Maine-et-Loire), dont les murs les plus anciens peuvent être datés du xe siècle, présente deux groupes de modillons, ceux du portail sud et ceux du chevet, tous du xiie. Un troisième groupe de sculptures, toujours omis dans les descriptions parce que hors duvre, est constitué de trois jardinières, posées à même le sol aux abords du portail sud. Les jardinières romanes nexistant pas, elles sont bien sûr des remplois après dépositions. Ces jardinières semblent, au premier coup dil, former toutes trois un ensemble. À y regarder de plus près, on constate que deux pierres, que nous appellerons A et B, sont de même dimensions, alors que la troisième pierre (Z) est de taille légèrement supérieure. En A et B, un décor architectural met les sculptures en valeur : quatre colonnes (une à chaque extrémité, deux accouplées au centre), chacune avec piédestal, tore, astragale, chapiteau (lun à angles volutés, lautre orné) et tailloir, supportent deux arcs segmentaires où des traits gravés simulent les claveaux. Rien de tel en Z, qui est un bas-relief coïlanaglyphe : le cadre qui entoure les sculptures est en fait la saillie de la pierre elle-même. Les trois pierres ne forment donc pas un tout : Z doit être mise à part.<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>
Un examen rapide de A et B révèle que le sujet traité est : les quatre saisons. De façon rationnelle, chaque pierre est occupée par deux saisons, chacune occupant une moitié de la pierre, la séparation étant matérialisée par les colonnes accouplées susdites.<o:p></o:p>
Les calendriers mois à mois, parfois couplés au zodiaque (symbole du temps qui sécoule, cyclique), ont été fort en vogue au Moyen Âge ; ordinairement, ils sont composés de douze activités rustiques (dans lesquelles activités sinscrivent la sieste ou le dîner. Les quatre saisons ont été moins représentées ; les premiers saisonniers furent composés de personnages appelés à devenir allégoriques : à Reims, la vigne nest plus vendangée, elle est le siège dun homme qui médite, et lhiver est un vieillard frileux. Cette formule (personnages allégoriques avec attributs) se maintiendra longtemps, jusquaux façades de nombreux hôtels de notre Marais : Sully, Soubise, Carnavalet Doù la particularité des sculptures des pierres qui nous occupent, où chaque saison est matérialisée par lactivité la plus représentative qui, dans une calendrier complet, ne serait quun douzième de lannée.
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Si la signification des sculptures est claire, lorigine et lhistoire des pierres sont indéterminables. Doù viennent-elles ? Quand ont-elles été déposées ? Doù vient la pierre C, si proche de la pierre B ? Où est lélément Y représentant le printemps et lautomne, qui faisait la paire avec Z ? La survie de sculptures hors duvre est compromise, or celles-ci nous parviennent bien conservées, seules les épaufrures du temps les ont marquées. Leur style permet de les classer antérieures aux sculptures du portail et de labside. Étaient-ce les linteaux dune porte (séparée par un trumeau) ? De tels linteaux sculptés étaient fréquents dans une première manière romane ; léglise Saint-Pierre de Champagne a deux portes, à gauche et à droite du portail ; elles sont coiffées dun linteau en bâtière sculpté. Et les calendriers sont presque toujours aux portes. <o:p></o:p>
Cette hypothèse nexplique pas doù vient la pierre Z ; labsence de documents nous laisse sur notre faim. <o:p></o:p>
Quoi quil en soit, sil est toujours bon dêtre renseigné sur le contexte dune uvre, cest une des qualités, et une des forces, des uvres plastiques que de pouvoir être goûtées quand bien même leurs origines et les circonstances de leur existence nous sont inconnues.<o:p></o:p>
Samuel
<o:p>Retrouvez l'intégralité de cet article dans lovendrin n°7.</o:p>
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