• Lexicologie diocésaine

    Lexicologie diocésaine

    par Amédée Schwa

    I. Avenir de l’entreprise

    Une toute récente publicité du groupe Suez frappe par sa ressemblance avec la campagne pour le synode qui a eu lieu en 2005 – 2007 dans le diocèse d’Angers (1 & 2). Le slogan est le même, le logo aussi : personnage ou croix, c’est tout un du point de vue graphique. Qui aurait dit que l’église d’Anjou donnerait le ton en matière de communication ? Celle-ci était un des thèmes du synode. Suez partage également des valeurs avec le diocèse. Le laïus accompagnant la publicité rappelle des passages de la Charte synodale : diversité des cultures, écologie, action citoyenne… Le grand groupe se démarque par sa politique de recrutement et par sa devise, « Vous apporter l’essentiel de la vie ». L’une comme l’autre seraient jugées agressives et intolérantes si les chrétiens se les appropriaient.

    II. En ce temps-là je franchissais des portails

    L’ancien séminaire d’Angers, devenu Centre diocésain en l’absence de prêtres, est en cours de totale restructuration. Il arbore un portail flambant neuf. Portail ni roman, ni gothique, ni classique, ni rien. Portail à l’emporte-pièce, tôle percée de mots indignes d’être gravés dans l’airain mais auxquels le vide convient. La technique répond à l’intention. (photo 5)

    Pour parler juste, c’est un ensemble : le portail est accosté d’une clôture, travaillée de la même façon. (photo 3) La première impression est celle d’un fatras de mots, de répétitions difficilement comptables à cause de la variation de la taille des caractères (une police Courier New, à peu près). Il y a cependant une organisation. Comme on le constate sur la vue d’ensemble (photo 3), on passe de gauche à droite d’une disposition touffue à une dissémination. Un premier groupe de mots A est répété tel quel en B ; repris dans une disposition différente sur le portail proprement dit (C) ; la dernière partie (D) fait appel à une nouvelle série de mots ; le retour maçonné, où les mots sont en creux, présente une suite de mots nouveaux répétée quatre fois. (photo 4)

    On dénombre sur la tôle près de quatre-vingt dix mots, classés comme suit (en respectant majuscules et minuscules) :

    Le trio de tête est constitué de : Bonne nouvelle (18), PAIX (14), JOIE (13).

    Viennent ensuite : PAROLE (9), partage (9), Dialogue (8).

    En deux exemplaires : ACCUEIL, NOËL.

    Une seule occurrence : Formation, ANIMATION, RASSEMBLEMENT, Rencontre, Etoile, amour, Vie, Lumière.

    Sur le muret de béton, nous lisons : Respect (8), Ecoute (8), Ecrit (8), Eau (8), ROC (4) Ciel (4), Lumière (4).

    L’absence de syntaxe est significative. Justifiée dans une devise, elle constitue précisément ici une logorrhée, un flux de mots à peine maîtrisé : les maîtres mots des panneaux qui fleurissent encore dans les sanctuaires, invention de Vatican II, supposés porter un message fort, donner un sens à la messe. Maintenant que ces messes, puisqu’elles furent de fort mauvais spectacles, se jouent à gradins vides, la vieille garde a souhaité pérenniser ce que les panneaux avaient d’heureusement biodégradables, et communiquer à l’homme de la rue son lexique de base. Car le portail est l’application des propos de Mgr Bruguès : « Notre message ne portera guère d’écho si l’on ne perçoit pas que nous sommes heureux de vivre à notre époque. » (Charte du Synode) D’où le mot « joie » dans le peloton de tête, joie manifestée à l’occasion par les gesticulations d’un clergé en pleine danse de Saint-Guy (photo 6, lors d’un rassemblement synodal). Notez combien le curé X, à cet instant précis, ressemble au personnage ectoplasme de la publicité Suez.

    Il est incertain que les passants soient attirés par ce discours. Les mots ne démentent pas la tristesse incommensurable du bâtiment, enlaidi un peu plus par la pose d’huisseries modernes – en matière de rénovation, le saccage des ouvertures révèle immédiatement le manque de goût. Ce défaut d’œil est confirmé par la pose toute récente, dans le hall du centre, d’une sculpture de Guylaine Chaveton qui représente le Buisson ardent, où l’Esprit (photo 8) n’est qu’un esprit, un mort-vivant sorti d’un film d’horreur de troisième rang.


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