• Lippi

    Au musée du Luxembourg

    Les Lippi
    Présent du 18 avril 2009


    La cité de Prato souffrit de dépendre de Pistoia sur le plan religieux – elle ne devint évêché qu’au XVIIe siècle –, et de Florence, dont elle est séparée par quinze petits kilomètres, sur le plan politique. Elle ne pouvait échapper à son attraction mais ne fut jamais éclipsée. Elle refléta une part de l’éclat florentin. La prise de contrôle, effective au milieu du XIVe siècle, fut d’abord fiscale, puis artistique. Les Médicis imposèrent leurs hommes sur les chantiers. Ainsi la surélévation des voûtes de Santo Stefano fut-elle confiée en 1368 aux architectes qui avaient travaillé auparavant à Santa Maria Dei Fiori. Passèrent ensuite Giovanni Da Milano, Paolo Ucello, Donatello, Della Robia, Settignano… Tous ont laissé, qui une fresque, qui une sculpture ; nul n’a marqué Prato autant que les Lippi, père et fils, et leurs nombreux suiveurs.

    Fra Filippo Lippi, né à Florence en 1406, séjourna à Prato de 1452 à 1466 où on l’appelait pour peindre les fresques consacrées aux vies de saint Etienne et saint Jean-Baptiste dans la cathédrale qui conserve deux reliques, deux pierres : l’une qui servit lors de la lapidation du proto-martyr, l’autre sur laquelle fut décapité le Baptiste. A cette date, Filippo a allégé sa manière : l’espace n’est plus encombré de figurants, de surnuméraires juxtaposés tels qu’ils apparaissent dans les tableaux des années 1440-1450 (Le Couronnement de la Vierge, Florence).

    La relique la plus insigne de Prato, sa fierté, est la Ceinture de la Vierge, tombée du ciel pour convaincre saint Thomas de la réalité de l’Assomption, acquise plus tard à Jérusalem par un marchand qui la rapporta dans sa cité natale. L’histoire a été racontée sur une prédelle par B. Daddi, en fresques par A. Gaddi (cf. Présent du 11 avril). Le couvent Santa Margherita commanda à Fra Filippo Lippi un tableau reprenant l’histoire de la Sainte Ceinture (illustration) mais ce frère Carme à la vie peu régulière enleva, avant d’avoir achevé le tableau, une des religieuses. Les historiens pensent que Lucrezia Buti est représentée en sainte Marguerite (à gauche dans le tableau). Le scandale fut grand, il fallut tout l’entregent de Cosme l’Ancien, protecteur du peintre, pour stopper l’action judiciaire et obtenir du pape que soient relevés de leurs vœux les fautifs qui eurent deux bambins, Filippino et Alessandra, mais ne se marièrent pas : Filippo abandonna sa maîtresse pour partir à Spolète où il mourut en 1469. Sur son tombeau il figure en moine. L’épitaphe est un lieu commun de l’époque : « Ci-gis-je, moi Philippe, gloire de la peinture. (…) Sous mes doigts les couleurs s’animèrent et les gens, trompés, s’attendirent à les voir parler. La nature même s’étonna en voyant mes personnages et me reconnut son égal. »

    Parmi les autres œuvres de Filippo : des Vierges à l’Enfant où affleure la joliesse, du lot sort l’étonnante Vierge à l’Enfant emmailloté, jeune fille aux cheveux blonds cendrés ; la belle Annonciation avec saint Julien, d’une coloration expressive, et de grands panneaux (Nativité avec saint Georges et saint Vincent Ferrier). Filippo a eut comme collaborateur Domenico Zanobi et Fra Diamante, dont la Nativité (Louvre) montre son assimilation du style Lippi. Mais peut-être Fra Diamante a-t-il été, pour le père comme pour le fils, puisqu’il prit le jeune Filippino sous son aile, le dénominateur commun de stabilité de ces talents irréguliers.

    Filippino Lippi (1457-1504) et Fra Diamante collaborent à une prédelle (1470, église Santa Margherita), dont la Présentation au temple reprend la grande version peinte auparavant par Filippo et Fra Diamante pour l’église Santo Spirito. De la même époque, la Mise au tombeau de Filippino est une merveille, toute fluide, presque aquarellée, les quatre personnages inscrits dans un arc en tiers point.

    Sa carrière fut ensuite romaine (la chapelle Carafa à Sainte-Marie-Minerve) puis florentine. Il revint à Prato pour peindre une Vierge à l’Enfant entourée de saint Etienne et saint Jean-Baptiste, destinée à la salle de l’Audience. La technique employée ? Une détrempe grasse sur bois. La matière est laide, dure, les couleurs inharmonieuses. On est loin de l’élégance dorée du même sujet traité par son père en 1453. En fin de compte, les œuvres de Filippino présentées ne donnent qu’une image imparfaite de son talent. Celles du Louvre, la Vierge à la grenade en particulier, n’auraient-elles pas pu être déplacées ? Ou les peintures de la vie de Virginie, de la vie d’Esther ? Une grâce s’y manifeste, la grâce de Botticelli, qui après s’être formé auprès de Filippo eut son fils comme élève.

    Samuel

    Filippo et Filippino Lippi, la Renaissance à Prato,

    jusqu’au 2 août 2009, Musée du Luxembourg

    illustration : Filippo Lippi et Fra Diamante, Vierge à la Ceinture, 1456-1460 © Archivio Museo Civico di Prato


    Tags Tags : , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :