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Louvre (XVIIIe)
au temps des Lumières<o:p></o:p>
Présent du 1er janvier 2011<o:p></o:p>
Imaginez un palais inachevé, dont certaines parties n’ont pas été poussées plus avant que le gros œuvre, dépourvues de toitures, un domaine que de multiples constructions bancroches et pittoresques ont envahi, à telle enseigne qu’on ne distingue guère le mur palatial de la cloison populaire. Tel se présente le Louvre au XVIIIe siècle, un chantier à l’abandon où survit, au milieu d’agrégats parasitaires, la vague idée d’un projet royal.<o:p></o:p>
(Il faut de plus se représenter le Louvre ainsi : à l’Est, la Cour carrée, prolongée par la Grande Galerie côté Seine, à l’extrémité ouest de laquelle se raccrochent les Tuileries ; et ni galerie symétrique au nord, ni place où caser une pyramide.)<o:p></o:p>
Des tas de gens vivent et travaillent dans ce Louvre. Le roi concède à la haute noblesse des appartements ou des portions de terrain. Le duc de Nevers détient ainsi 780 m2 de constructions diverses. Par un usage qui remonte à Henri IV, des artistes sont logés et ont leur atelier : des graveurs, des peintres (La Tour, Chardin, Greuze), des sculpteurs (J.-B. Lemoyne, Pigalle, Falconnet). L’Académie de peinture et de sculpture siège au Louvre. Le contact avec le public a lieu lors du Salon, organisé à partir de 1737. Avec le Salon naît le compte rendu et la critique d’art, dont Diderot est alors le plus éminent représentant. Les salles pleines de tableaux ont fait l’objet de gravures, particulièrement de Saint-Aubin qui y revient année après année.<o:p></o:p>
Les Bâtiments du roi octroient une multitude de « baraques », humbles boutiques et, dans des endroits plus choisis, des places de bouquinistes et de marchands d’estampes, activité attestée par des relevés et des peintures jusqu’au début du XIXe (illustration), depuis reléguée sur les quais.<o:p></o:p>
Face à ce pullulement anarchique, l’esprit du temps présenta un projet de 75 boutiques (au pied de la Colonnade), toutes sur le même plan (projet anonyme, vers 1770). Combien le siècle a-t-il fait de projets concernant le Louvre ? Délaissé par le roi, le Louvre est en effet devenu l’objet d’une tentative, par la Ville, de le réintégrer au tissu urbain. Comment l’y coudre de façon rationnelle ? La pensée des Lumières se devine dans la critique de l’attitude royale et dans la réflexion sur un urbanisme plus utilitariste.<o:p></o:p>
Louis XV tenta d’affirmer son intérêt pour la question en appelant de ses vœux la création d’une place royale (1748). Un certain « Legrand l’aîné » avait dans l’idée de l’ouvrir côté Colonnade, en rasant tout bonnement Saint-Germain-l’Auxerrois. Sous Louis XVI, l’abbé Lubersac, dit « l’abbé monuments » pour son imaginaire bâtisseur que desservaient ses lacunes en architecture, dessina une place où la statue équestre était remplacée par un obélisque, autour duquel s’organisait un espace où réunir le Roi et la Nation – nous étions en 1783. Un projet de 1790 rassemble au Louvre le Roi, l’Assemblée, la Ville et le Peuple.<o:p></o:p>
A ces plans sur la comète politique s’ajoutent les projets d’intégrer l’Opéra royal et la Bibliothèque. Avec les Académies, le Louvre aurait alors regroupé les organes des sciences et des arts, dans une unité « encyclopédiste ».<o:p></o:p>
Qu’en fut-il concrètement ? Marigny, le petit frère de la Pompadour, remarquable directeur des Bâtiments du roi, entreprit en 1755 le dégagement du terre-plein de la Colonnade et le dégagement et l’achèvement de la Cour carrée (un dessin de Blondel et Saint-Aubin la montre encombrée de vieilles constructions assaillies par les échafaudages).<o:p></o:p>
Son successeur, le comte d’Angiviller – placé là par Turgot qui disposait aux postes-clés ses amis éclairés – a donné l’impulsion à l’idée d’un Louvre musée, voulant rendre accessibles les collections royales au public, jusque là plutôt réservées aux élèves de l’Académie.<o:p></o:p>
Angiviller charge Soufflot de réfléchir aux questions de sécurité (matériaux ignifugés) et d’éclairage. Les débats sont intenses et n’aboutissent à rien. Les projets de Wailly et d’Hubert Robert, deux des premiers conservateurs du Louvre pendant la Révolution, seront repris par Percier et Fontaine sous l’Empire. Les esquisses de 1795 de Robert, Projet pour la Grande Galerie et La Grande Galerie en ruine, sont enlevées et constituent de remarquables simulations.<o:p></o:p>
Sous la Révolution, les Tuileries à leur tour sont soumises à des projets de remaniement, car le Roi et sa famille jugent malcommode la distribution des appartements. Un plan de 1790 renseigne sur les modifications envisagées. On note que la salle de spectacle doit devenir une chapelle, sur un plan analogue à celle de Versailles. La situation se dégradant, le chantier n’avait pas commencé lorsque les Tuileries furent prises, le 10 août 1792.<o:p></o:p>
Samuel<o:p></o:p>
Le Louvre au temps des Lumières, 1750-1792.
Jusqu’au 7 février 2011, Musée du Louvre.
illustration : P.-A. Demachy, Guichet du Louvre côté est : les magasins d’estampes, 1791 © RMN / Christian Jean<o:p></o:p>
Tags : louvre, xviiie
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