• Mobilier national XXe

    A la Galerie des Gobelins

    Mobilier national

    et Art Déco

    Présent du 13 juin 09

    Belle au Bois dormant assoupie tout en tissant, la manufacture des Gobelins fut réveillée par un Prince charmant caché sous les dehors prosaïques d’un critique d’art devenu son directeur l’an mil neuf cent huit, Gustave Geffroy. Au lieu de réutiliser les vieux cartons, il en fit dessiner par des artistes, ce qui rendit au Mobilier national son rôle de commanditaire.

    Les figures qui ornent l’ensemble commandé à Jules Chéret en 1908 (Les Saisons) sont d’un naturalisme atténué par leur évanescence, laquelle en accentue la vulgarité, caractéristiques incompatibles avec le procédé de la tapisserie. Même remarque pour le salon dessiné par Félix Bracquemond. Le goût d’Odilon Redon est plus fin : des fleurs légères et claires, aux coloris délicats, montées sur un bois noir, ou sur du sycomore, suave et blond (deux fauteuils et un écran, 1909 et 1913). Chéret et Redon ont travaillé avec L. Roustan pour les montures. La politique désormais est d’associer un tapissier et un ébéniste pour une création originale et concertée.

    Le réveil des Gobelins provoque celui de Beauvais et de la Savonnerie. Jean Veber, ancien caricaturiste de l’Assiette au Beurre, est sollicité pour le Mobilier national : c’est comme si le directeur de Charlie Hebdo devenait directeur des programmes à France Inter. Ses ambitieux ensembles des années dix et vingt, sur les thèmes des contes de fées et des animaux de la forêt, sont laids : couleurs rappelant les canevas les plus plébéiens, montures grasses et aurifiées, dues pour une part à Paul Follot qui mène à partir de 1923 l’atelier Pomone, la partie production d’ameublement du Bon Marché. P. Follot est plus inspiré pour les tapisseries qu’il dessine sur le thème du Parc (1925-1929), avec des motifs Art Déco, dont l’épanouissement a lieu après la Première Guerre.

    Des années vingt et trente, le Mobilier National a des spécimens de choix, mais, à côté de ces joyaux, quelques meulières, parmi lesquelles les dix-huit fauteuils pour la salle du Conseil de l’Elysée, dus à Emile Gaudissart (tapisserie) et André Fréchet (directeur de l’Ecole Boulle, monture). Chaque dossier est orné d’un emblème symbolisant un ministère (Intérieur, Justices, Colonies…). Les sièges sont d’une lourdeur désagréable ; pas encore bling-bling, la République est plon-plon.

    On s’envole heureusement grâce aux aéroplanes, qui figurent souvent dans le décor, signes d’extrême modernité interprétés par un antique procédé : le paravent de L. Pascalis leur est entièrement consacré (l’Hydravion, le Dirigeable, l’Avion, le Planeur, 1931). Ch. Edelmann décline l’Aviation, l’Auto, le Canot, le Ski (1933). L’Art Déco reflète la joie de vivre de l’époque, sa qualité de vie et ses loisirs : les Plaisirs de la plage (C. Dufresnes), les Sports (M. Taquoy), compositions assez chargées surtout si on les compare au paravent dessiné par Charles Martin, qui donne de jolies tapisseries : Natation, Chasse à Courre, Pêche, Canotage (1933). On reconnaît là des sujets déjà traités lorsqu’il illustra chacun des Sports et Divertissements d’Erik Satie (1914), le recueil de vingt pièces courtes, que les interprètes, au lieu de reprendre pour la millième fois les Gymnopédies ou les Gnossiennes, seraient inspirés d’enregistrer. Ch. Martin (1884-1934) est représentatif de l’illustration Art Déco, il a travaillé pour les magazines du luxe, de la mode, français et américains.

    Toutes aussi élégantes sont les créations d’André Groult, à la fois d’époque et personnelles. L’ensemble Les Rubans (1932) est, monture et tapisserie, de sa main (illustration). Les montures sont en hêtre, plaqué de galuchat blanc ; la ceinture est incurvée, le dossier polylobé. La décoration, rose et bleue, des rubans brisés qui encadrent des fleurs. On retrouve A. Groult, pour des montures moins originales, avec des tapisseries de Raoul Dufy : grand ensemble sur le thème de Paris (1924-1933). L’assise est ornée de fleurs qui n’ont rien de l’apesanteur qu’on attend de cet artiste, mais les paysages parisiens sont pleins d’audace.

    Ce parisianisme est tempéré par des sièges consacrés à la Provence, particulièrement précieux tant au niveau de la tapisserie (G. Leroux) qu’à celui de la monture, due à Léon Jallot, créateur du temps de l’Art Nouveau, touché par la grâce de l’Art Déco (1935). Autrement moins léger est le canapé des frères Lurçat (Les illusions d’Icare, 1938). La ligne sévère d’André, architecte et designer, la décoration austère de Jean, le tapissier, en font une réussite mais la froideur de ce rationalisme annonce les meubles cafards des années quarante et cinquante, que nous laisserons délibérément de côté.

    Samuel

    Elégance et Modernité (1908-1958), Un Renouveau à la française.

    Jusqu’au 26 juillet 2009, Manufacture des Gobelins.

    illustration : André GROULT, Les Rubans, 1932 © Isabelle Bideau / Mobilier national


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