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Mode français XXe siècle
Au Musée des Arts décoratifs et au Mémorial Leclerc
La mode de chez nous
Présent du 15 août 09
Madeleine Vionnet (1876-1975) est un grand nom de la mode d’entre les deux guerres. Elle apprend la couture dès l’âge de douze ans. Après un passage chez Kate Reily, maison de couture londonienne, elle rentre à Paris et travaille chez les sœurs Callot, sans qui, disait-elle, « j’aurais continué à faire des Fords. Ce sont elles qui m’ont permis de créer des Rolls. » Jacques Doucet l’embauche ensuite, mais les idées solidement arrêtées de la jeune créatrice, relativement au rapport du corps et du vêtement, ne plaisent pas. Elle fonde sa propre maison en 1912.
M. Vionnet a le sens des réalités et de l’essentiel. Elle est marquée par le Purisme du Corbusier et d’Ozenfant, mais évite tout cérébralisme : « On n’est pas couturier dans l’abstraction pour suivre son inclination […]. Un couturier habille des êtres humains, non des rêves… » Elle juge contraire au bon sens d’ajouter à la structure qu’est le corps humain, une structure supplémentaire qu’est un vêtement contraignant. Adieux corsets, tournures, boutons, agrafes, baleines et doublures ! Le vêtement doit être un tégument. La toge antique, une unique pièce drapée, inspire son travail. Les tissus sont légers, c’est du tulle, de la crêpe, des mousselines, qui, grâce à la coupe en biais, plissent naturellement, comme le montre cette robe faite de quatre losanges de tissu noués sur les épaules et tenus par une ceinture (illustration), utilisation exemplaire de la géométrie au service du corps.
Ses robes et manteaux se signalent encore par des teintes unies, franches, un noir, un vert, un café crème, gages de clarté de l’idée générale.
Madeleine Vionnet eut à cœur d’améliorer les conditions de travail des petites mains, et lutta contre la contrefaçon qui, elle l’avait compris, menaçait la santé des maisons de couture : le dépôt systématique, à cette fin, des photographies de ses créations constitue désormais une belle archive. Elle arrêta son activité en 1939, après une vie professionnelle bien remplie.
La mode évoque la futilité, l’éphémère. M. Vionnet en avait une tout autre conception : « Le mot mode pour moi ne signifie rien que des idées d’ordre général, universel, participant du caractère immuable et éternel de la beauté. »
Age sombre et semelles de bois
Le même terme de mode a paru inconvenant, appliqué aux années les plus sombres de notre Histoire. Présent dans le titre initial de l’exposition du Mémorial Leclerc, il en a été ôté. Craignait-on Chr. Girard en embuscade ? La mode existe pourtant, les journaux spécialisés paraissent. Avec quelques clichés d’André Zucca, nous nous rendons aux courses en compagnie de Choupinette, mannequin chez Schiaparelli, photographiée à l’entrée du métro, en vélo-taxi, etc. Le chic de la Parisienne appartient autant à l’imaginaire allemand qu’à l’imaginaire français, pour lequel être pimpante malgré tout est un acte de résistance culturelle et morale.
L’influence des circonstances se mesure à la coupe volontiers militaire des tailleurs, à l’utilisation du tissu écossais, clin d’œil aux alliés. Au rayon des accessoires, les foulards ont un parfum vichyssois. Colcombet édite « les Carrés du Maréchal », sur le thème de ses déplacements en France, ou avec son portrait, des citations ; on peut aimer, mais enfin ça n’est pas les Gobelins. Un carré Hermès prône le Retour à la terre, sous forme d’un dessin d’enfant.
La mode est surtout pragmatique : faire la queue dans le froid, circuler à vélo, passer la nuit dans les abris, exigent une modification des vêtements. D’une façon générale la créativité est en panne, pour preuve l’extravagance croissante des chapeaux.
La créativité, mais pas l’inventivité. Le système D triomphe. La pénurie des matériaux de luxe fait se tourner les créateurs vers d’autres matériaux. La modiste Mme Agnès orne ses chapeaux de longs copeaux de bois vernis ou laqués. Albouy fabrique des chapeaux en papier journal.
Même les matériaux de base se raréfient ou disparaissent. Les semelles en bois articulées de la marque Smelflex sont les bienvenues. L’absence de bas est palliée par le trompe-l’œil : le Filpas, le Bas Liquide se peignent à même la jambe, vendus en flacon, déclinés en teinte chair, dorée, ou brune. Les ménagères s’essayent à la fabrication maison : « Avec 55 cm de drap, je fais ce sac », explique un Marie-Claire de 1940. Chutes de pneus, sangles de sommier, poils de chiens, cheveux… Récupérons ! proclame une affiche du Service de la récupération et de l’utilisation des déchets et vieilles matières, anticipant la mode écolo-éthique actuelle.
Samuel
Madeleine Vionnet, puriste de la mode.
Jusqu’au 31 janvier 2010, Musée des Arts décoratifs.
Accessoires et objets, témoignages de vies de femmes à Paris, 1940-1944.
Jusqu’au 15 novembre 2009, Mémorial du Ml Leclerc de Hauteclocque (Paris XVe).
illustration : Robe, par M. Vionnet (1920), Les Arts Décoratifs, Union Française des Arts du Costume © Patrick Gries
Tags : mode, xxe, france
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