• Monet et les abstraits

     

    Au musée Marmottan Monet
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    Monet et les abstraits<o:p></o:p>

    Présent du 31 juillet 2010<o:p></o:p>

    Le musée Marmottan Monet se propose de montrer la filiation existant entre Claude Monet et la peinture abstraite, européenne et américaine, d’après la Seconde Guerre.<o:p></o:p>

    Ce n’est pas du Monet de l’impressionnisme qu’il s’agit, mis sur la voie de l’observation de la nature par Eugène Boudin, mais du Monet d’après. Comme Renoir, Monet a eu une longue vieillesse post-impressionniste qui est loin de valoir sa peinture antérieure.<o:p></o:p>

    Bernard Dorival (auteur de La peinture française, 1946, dans l’excellente collection « Arts, styles et techniques » de chez Larousse) a des mots sévères pour la voie que Monet emprunte à partir de 1890 jusqu’à sa mort en 1926. « Effets faciles », harmonies « facilement fausses »… « le contact avec la nature se perd dans les ensembles téméraires qu’il entreprend, sans en avoir peut-être le souffle » : les fameux nymphéas de l’Orangerie. S’opposent, d’une part, des toiles comme Impression, soleil levant où la touche est signifiante (1873, illustration), Bras de Seine à Giverny, paysage d’une extraordinaire netteté (1885) et, d’autre part, Bras de Seine près de Giverny, soleil levant, recouvert d’une taie blanche et savonneuse (1897), Le pont japonais, où la touche dégouline (1918), Le saule pleureur où elle est filasse (1919).<o:p></o:p>

    En abordant toute chose par la lumière et non par la forme, les impressionnistes allaient à l’impasse. Renoir, Monet cherchèrent à en sortir. Monet, en refusant toujours la forme, devait logiquement aboutir à l’informel. On comprend comment les peintres abstraits y trouvèrent des morceaux tout rôtis pour leur bec. On comprend aussi qu’ils sont le terme d’une suite d’erreurs.<o:p></o:p>

    L’idée même d’une peinture « abstraite » est absurde. La peinture, par le fait de ses deux dimensions, est une abstraction de la réalité qui en a trois. Elle s’abstrait même d’une quatrième dimension, le Temps, en se présentant sans déroulement, à l’inverse des vers, de la mélodie. Les formes et les couleurs, qui constituent le langage plastique, sont des abstractions, des pensées ; et l’artiste exprime sa pensée par le biais de la réalité qui n’est pas là comme fin mais comme langage. (Voyez L’art et la pensée d’Henri Charlier, chap. L’art et l’intelligence.) <o:p></o:p>

    Le peintre Jean Legros n’écrivait pas autre chose : « Ce qui est le plus abstrait est ce qui est le plus mental et si l’on me demandait de désigner ce que je considère comme étant la peinture mentale, je désignerais Vinci, Piero Della Francesca, Vermeer, et non pas la grande part de la peinture d’aujourd’hui qualifiée d’abstraite sous le prétexte qu’il y a absence d’objets. » L’art dit abstrait a été un art plus intellectuel que mental. Cependant Jean Legros s’exprima par une peinture non-figurative (ce terme est préférable à abstrait), croyant, on le devine en le lisant, à un « sens de l’histoire de l’art » qui aurait rendu caduc le figuratif.<o:p></o:p>

    La seconde moitié du vingtième siècle est imprégnée de cette croyance en l’avènement inéluctable d’un non-figuratif supérieur. En effet, si le problème se pose en termes d’un art abstrait d’un côté, d’un art concret de l’autre, implicitement le débat s’embarrasse des valeurs qu’on peut attacher à ces termes : un art d’idées pures, éthéré, l’emporte sur un art prosaïque, grossier.<o:p></o:p>

    Qui dit supériorité dit hiérarchie. Inavouée mais perceptible, la hiérarchie des genres exista au XXe siècle, impérieuse. Les ouvrages consacrés à l’art de cette période n’envisagent que le fleuve de l’art abstrait. L’art figuratif n’y apparaît pas, ou qu’à titre de ruisselet. On peut cependant mépriser cette hiérarchie, car le recul, l’expérience permettent de savoir que le Temps, s’il travaille contre les pigments, trouve à chaque toile la cimaise qu’elle mérite.<o:p></o:p>

    Les toiles de Monet vieillissant, les toiles des peintres qui lui sont rattachés, respirent la tristesse. Ce n’est pas le vocabulaire risible qu’elles suscitent qui l’amoindrira. L’un des rédacteurs du catalogue parle de la nature qui « se nappe dans son devenir-peinture » chez Rothko (peintre américain d’origine lettone, 1903-1970), de l’« alliage non-compositionnel » chez Riopelle (québécois, 1923-2002) – deux abstraits et un abstrus.<o:p></o:p>

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    Le musée Marmottan Monet, pour ses collections, est à visiter. Il est riche en peintures et enluminures des XVe-XVIe siècles, possède toute une collection de petits portraits de Louis Léopold Boilly. Et puis il y a un Gauguin sur grosse toile, à la matière lourde et mate (Bouquet de fleurs, 1897), un fin Renoir (Portrait de Julie Manet, 1894), un Caillebotte suranné (Rue de Paris, temps de pluie, 1877) et toute une série de tableaux de Berthe Morisot, frais et savants : Eugène Manet à l’île de Wight (1874), Les foins à Bougival (1883)…<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Monet et l’abstraction.

    Jusqu’au 26 septembre 2010, Musée Marmottan Monet.<o:p></o:p>

    illustration : Claude Monet – Impression, soleil levant, 1873 © musée Marmottan Monet, Paris / Bridgeman Giraudon<o:p></o:p>


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