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Mont Athos
Athos et Byzance
Présent du 25 avril 09
Le Mont Athos est une principauté monacale qui depuis dix siècles bénéficie d’une juridiction particulière établie sous Byzance, respectée par les Ottomans, inscrite dans la Constitution de la République hellénique. La péninsule, habitée dans l’Antiquité, se trouva déserte au Ve siècle suite aux invasions slaves et bulgares, aux attaques de pirates. Les moines la colonisèrent à partir du IXe siècle, y trouvant refuge lors de la persécution iconoclaste. Ab ovo, le monachisme athonite est lié aux images.
Les premiers temps, les moines vécurent en ermites ou regroupés en laures, petites équipes sans capitaine dont les membres se soutiennent. Une icône du XVe siècle représentant La Dormition de saint Ephrem le Syrien situe la scène dans le contexte de l’anachorétisme : tandis que des moines s’assemblent autour du mourant, d’autres sont encore occupés dans leurs grottes à prier, étudier, travailler. Un moine place dans un panier la nourriture pour un stylite, assis dans une chaire au sommet d’une colonne. Saint Siméon le Stylite apparaît sur une autre icône, avec Denis de Thessalonique qui était, lui, un dendrite : il émerge du feuillage d’un arbre. Le culte des saints prédécesseurs, modèles d’ascétisme parfois extrême, était fort ; celui des pères de l’Eglise aussi, une icône rassemble Basile de Césarée, Grégoire de Naziance, Jean Chrysostome, revêtus de la belle chape qu’on voit aux hiérarques : blanches à semis de larges croix noires.
Saint Athanase apparaît sur les icônes, sur les manuscrits, sur les fresques (remarquable tête sur une fresque de 1447, monastère Saint-Paul). C’est le plus vénéré : il est le « père » du mont Athos. Il y introduisit la vie cénobitique, y établit le premier monastère : la Grande Laure. Les ermites ne virent pas cela d’un bon œil, et Athanase aurait sans doute échoué s’il n’avait eu le soutien de Nicéphore II puis de Jean 1er Trizmiskès, lequel s’entremit et fit signer à tous les partis le Typicon (972), qui réglait la vie monacale de la région. Par la suite l’intervention impériale est constante : le mont Athos conserve les chrysobulles, ainsi nommées parce que scellées d’or, qui confirment les monastères dans leurs droits, leurs propriétés, leurs exemptions fiscales. Quels documents que ces chartes signées de l’Empereur des Romains ! (Autocrator Rhomaiôn – les mots « empereur byzantin » sont modernes.)
En 1424, six ans avant l’invasion de la Thessalonique, trente ans avant la chute de Constantinople, la fédération des monastères fit allégeance aux Ottomans. Rompus aux rapports avec les puissants, habiles à préserver leurs intérêts, les moines ne faisaient pas un mauvais calcul : ils gardaient leur indépendance moyennant impôt et restaient à l’écart des soubresauts de l’Empire agonisant.
Préservé de l’histoire, le Mont Athos est un conservatoire unique de l’art byzantin. La majeure partie des trésors sont des donations impériales ou de la haute société, qui, on le sait, était pieuse et s’adonnait volontiers à la théologie : luxueux ouvrages, icônes pour garnir les iconostases, vases sacrés, encolpia (bijoux pectoraux), etc. Jean VI Cantacuzène (XIVe) projetait de se retirer dans le monastère de Vatopédi. Il prépara sa venue par le don de vingt-six manuscrits, de quatre grandes icônes et d’un splendide tissu liturgique brodé d’or et d’argent : le Christ mort, quatre anges en diacre. Deux frères, Alexis le Grand et Jean le Grand Primicier fondent le monastère de Pantocrator, d’où provient une grande croix peinte. Au sommet, une scène particulière aux orthodoxes : le trône vide dans l’attente de la Résurrection, devant lequel se prosternent Adam et Eve.
Les icônes, qu’elles fussent peintes ou se présentassent sous forme de mosaïques portatives (constituées de minuscules tesselles sur bois), ont influencé la peinture occidentale, sans en modifier l’expression artistique propre. Dans le monde des icônes, le Christ, la Vierge, les saints, les anges (le plus aimé est Gabriel, ill.), sont des apparitions, la matérialisation d’un être spirituel au milieu d’un or immatériel, alors qu’en Occident le fond d’or ni l’hiératisme n’empêchent l’humanité de s’exprimer, la narration de se déployer, la spiritualité d’être transcrite.
Après la chute, la production artistique se transport de Constantinople en Crète. Au XVIe siècle, la peinture byzantine brille de ses derniers feux (icône de saint Jean-Baptiste, église du Protaton). Dans les siècles suivants, des moines peintres s’installent au mont Athos. Les icônes du XIXe ne sont que répétition ; un manque d’intérêt pour le Réel explique ce dépérissement pictural.
Samuel
Le Mont Athos et l’Empire byzantin, Trésors de la sainte montagne,
jusqu’au 5 juillet 2009, Musée du Petit Palais
illustration : L’archange Gabriel, début du XIVe siècle. Attribué à Georges Kalliergis © Monastère de Vatopédi
Tags : icônes, christianisme, peinture
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