• Musée vétérinaire

    A Maisons-Alfort

    Anatomie comparée

    Présent du 19 septembre 09

    Le musée Fragonard, musée de l’Ecole vétérinaire de Maisons-Alfort, a rouvert, rénové, il y a un an. Levons toute ambiguïté : le Fragonard en question n’est pas le peintre Jean-Honoré mais un de ses cousins, Honoré (1732-1799). Chirurgien, il fut employé à l’école vétérinaire de Lyon puis devint directeur de l’école parisienne voulue par Louis XV. Il excella dans la conservation des organismes humains et animaux, modèles nécessaires à la formation des étudiants : « l’anthropotomie, ou l’art d’injecter, de disséquer, d’embaumer et de conserver ». Fragonard préférait cette technique à la céroplastie utilisée également à l’époque.

    Les principales étapes de sa méthode sont connues. Il s’agit d’abord de vider le corps de son sang, puis d’injecter dans le système artériel une mixture composée de graisse de mouton et de résine de pin portées à ébullition. En refroidissant, cette préparation durcit et préserve tout le système sanguin. Le cadavre est ensuite disséqué, plongé dans un bain d’alcool, puis séché. Les veines sont peintes en bleu, les artères en rouge suivant la convention qui a encore cours. La préparation est enfin recouverte d’un vernis qui protège les tissus.

    Ce sont des milliers de pièces que réalisa en une dizaine d’années Honoré Fragonard. La collection fut dispersée à la fin de sa vie, malgré tous ses efforts pour la préserver. Il en reste vingt et une pièces. Il y a des singes, une chèvre ; un bras ; un buste, mais aussi des « compositions » ambitieuses, moins à des fins didactiques que pour manifester son savoir-faire et alimenter les cabinets de curiosités, pour lesquels il travailla après qu’une mésentente l’eut fait quitter l’Ecole vétérinaire. A ranger dans cette catégorie, l’homme à cheval dit Cavalier de l’Apocalypse (illustration, entre 1766 et 1772), l’homme debout dit Samson (il est effectivement muni d’une mâchoire d’âne). Trois fœtus dansant constituent une mise en scène qui sent son carabin.

    (Au début de cette année 2009, l’exposition Our body (notre corps) qui présentait des corps traités par imprégnation polymérique, version moderne du procédé employé par Fragonard, a été interdite après la plainte d’associations, Ensemble contre la peine de mort et Solidarité Chine. La justice n’a pas contesté l’intérêt didactique mais a mis en cause d’une part l’origine des corps, vraisemblablement tirés des geôles chinoises sans consentements préalables des intéressés ; d’autre part la possession de cadavres à titre privé puisqu’ils n’appartiennent pas à une collection publique ; enfin la « commercialisation des corps par leur exposition », l’entrée étant payante.)

    H. Fragonard a eu des successeurs à l’Ecole. Louis Auzoux (1797-1880) a fabriqué des modèles anatomiques en papier mâché peint, soit agrandis, soit rapetissés. Eugène Petitcolin (1855-1928) a pratiqué le moulage, en cire ou en plâtre. Son activité a été considérable. André Richir (1887-1959), après s’être formé à la sculpture et au métier de praticien, a été engagé à Maisons-Alfort où il s’est spécialisé dans la myologie et les poissons.

    Le musée regorge de crânes : tortue, crocodile, brochet…, de squelettes entiers : girafe, verrat, dromadaire, éléphant. Il y a des « pièces sèches » comme des arbres bronchiques de mulet ou de bœuf, véritables bonzaïs, ou des estomacs de bœuf, oreillers cauchemardesques. Les « pièces humides », formolées, en bocal, ne sont jamais appétissantes, qu’il s’agisse d’un fœtus de mule ou d’un ténia. Le visiteur n’est pas à l’abri d’un sentiment nauséeux et on évitera d’autant plus d’emmener au musée des enfants jeunes ou impressionnables qu’il possède une importante collection de monstres, animaux siamois, veaux-bouledogues, jusqu’à une patte de coq à six doigts. Le squelette d’un veau à deux têtes et six pattes est une infrastructure incompréhensible.

    La tératologie est une science récente, à laquelle est associé le nom de Saint-Hilaire (XIXe) mais dès 1573 Ambroise Paré publiait un traité illustré. Il voit treize raisons à la génération de monstres, certaines divines, d’autres diaboliques, mais la plupart biologiques (défaut de semence, malformation de la matrice). Il rassemble les histoires antiques mais aussi force témoignages contemporains. « L’an 1569, une femme de Tours enfanta deux enfants gémeaux, n’ayant qu’une tête… et ils me furent donnés secs et anatomisés par maître René Ciret, maître barbier et chirurgien. » D’autres lui sont signalés, rue des Gravilliers (1570) ou aux Ponts-de-Cé (1572). Les enfants meurent rapidement, non sans avoir été baptisés comme le note A. Paré : les gens ne les considéraient pas d’origine diabolique. De nos jours on préconise la suppression des « monstres ». Mais qu’est le législateur ?

    Samuel

    Musée de l’Ecole Vétérinaire.

    7 avenue du Général De Gaulle, Maisons-Alfort (94).

    illustration : H. Fragonard, Le cavalier de l’Apocalypse © Photo P. Landmann


    Tags Tags : , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :