• Or américain

    Au Muséum d’Histoire naturelle

    L’Or des Amériques

    Présent du 20 juin 09

    Les océans constituent la plus grosse réserve d’or de notre planète, mais qui en tirerait les particules en suspension ? L’homme cherche l’or dans les cours d’eau qui, le charriant, l’amalgame en pépites, ou exploite les filons miniers. L’or à l’état natif prend la forme de cristaux, de lamelles, de dendrites. On admirera divers ors tels que la nature les façonne, en particulier le fameux « buisson d’or » de Californie, dégagé du quartz blanc dans lequel il s’était peu à peu infiltré.

    La primauté de l’or ne relève pas d’une convention. Sur le plan physique, sa malléabilité remarquable permet de le travailler en plaques fines et en feuilles de 1/10000ème de millimètre. Il est inoxydable et résiste à la corrosion (seuls le cyanure et l’eau Régale, mélange d’acides, le dégradent). Ces qualités rendent l’or incontournable en médecine, depuis les temps les plus reculés jusqu’aux recherches d’avenir, et dans les technologies de pointe. Elles expliquent aussi la mythologie dont l’or est le support.

    Par son éclat, l’or est une parcelle solaire. Immarcescible à travers les millénaires, il évoque naturellement le divin et l’éternité. L’idée est commune, elle justifie le fond d’or des Primitifs (jusqu’au 21 juin au musée Jacquemart-André), le masque mortuaire dit « d’Agamemnon » (1500 av. J. C.) et celui d’un roi Nazca (600-700 ap. J. C.).

    Les Nazca sont une des nombreuses cultures précolombiennes, avec les Calimas, les Moches, les Mixtèques, les Aztèques, etc., qui fleurissent entre -200 et +1500. Elles ont toutes utilisé l’or, dont le travail est connu en Amérique depuis le deuxième millénaire avant notre ère. Outre les classiques couronnes, pectoraux et pendants d’oreilles, les Indiens confectionnaient des labrets (ornements sub-labiaux), des ornements de nez, plaques d’or à fixer au niveau des narines qui s’étendaient largement de chaque côté du visage.

    Cela ne doit pas cacher leur habileté dans d’autres domaines comme la poterie ou l’artisanat d’autres matières précieuses : Louis XV possédait dans son cabinet de curiosités un beau miroir d’obsidienne Maya. Cependant c’est évidemment l’abondance de l’or qui, lors de la conquête des Amériques a éveillé la concupiscence des Européens et modifié leur économie. On parlait d’une contrée regorgeant d’or, l’Eldorado ; l’Antiquité avait bien connu le fleuve Pactole. L’abondance d’or correspondait à la croyance scientifique selon laquelle ce métal se trouverait en quantité dans les régions chaudes. Il y eut du sang et des larmes pour les Indiens, qui n’avaient pas attendu les colons pour connaître « un sentiment d’insécurité », comme l’a raconté Mel Gibson dans Apocalypto. Le comportement des colons fut blâmé par des religieux, en particulier le dominicain Fray Bartolomé de Las Casas qui fustigea la soif de l’or, les crimes qu’elle engendre, et rappela la dignité humaine des populations indiennes.

    A l’époque moderne, les ruées vers l’or sont nées du mythe et l’ont alimenté. Celle de Californie, au milieu du XIXe, dans un Ouest américain en gestation, a été un événement formidable. Blaise Cendrars a romancé « la merveilleuse histoire de Général Suter », colon de grand style, dépossédé de ses terres à cause de la Ruée de 1848, qui s’épuisa en procès perdus d’avance (L’Or, 1925). C’est la Ruée vécue par un homme que la fièvre n’atteint pas, qui en meurt tout de même. L’Or est une excellente lecture pour la jeunesse comme pour les grands. La série américaine Deadwood est une sorte de Petite maison dans la prairie, mais pour adultes exclusivement (trois saisons en DVD). Elle retrace l’histoire, lors d’une plus modeste ruée, d’une colonie illégale dans le Dakota du Sud, où s’enivra Calamity Jane, où mourut Wild Bill, où vécurent d’autres légendes de l’Amérique, crasseuses comme dans les aventures du Lt Blueberry.

    La seconde mémorable ruée eut lieu plus au Nord, au Klondike, en 1896. L’accès à ces terres qu’il fallait dégeler à l’aide de grands feux avant de creuser, se faisait par le col Chilkoot, 1500 marches taillées dans la glace. La fièvre de l’or qui poussait les hommes à entreprendre l’ascension de cet escalier infernal, chargés de leur bardât, les photographies nous la montre à l’œuvre. Ces photographies fascinantes, seules d’autres photos, brésiliennes, actuelles, les dépassent : les images de Sera Pelada, la mine à ciel ouvert creusée à partir des années 1980, que le gouvernement a nationalisée sans rien ôter du caractère fantastique et inhumain du travail qui s’y fait (illustration, photographie de Sebastiao Salgado). Des êtres couverts de boue s’activent à flanc de pente, à fond de trou. On les a appelés hommes-fourmis, myrmidons – avec l’or, les mythes ne sont jamais loin.

    Samuel

    Or des Amériques.

    Jusqu’au 11 janvier 2010, Muséum d’Histoire naturelle

    illustration : Sera Pelada, Brésil © Sebastiao Salgado


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