• Praxitèle

    Au musée du Louvre<o:p></o:p>

    Praxitèle disparu et deviné

    <o:p>Présent du 21 avril 07</o:p>

    Les œuvres de Praxitèle (qui vécut de -400 à -330 à peu près) présentent cette originalité de n’être plus connues que par des répliques, mais celles-ci nombreuses : deux cents répliques de l’Aphrodite de Cnide, presque autant de l’Apollon Sauroctone. D’authentique à coup sûr, il reste – les destins sont cruels –  deux socles sans statue, marqués d’un « Praxitèle l’a fait ». Certaines statues qu’on a longtemps pensées de sa main doivent être rendues à ses fils ou à ses élèves. Pas d’autre possibilité que d’étudier les répliques ; cependant, copies plus ou moins adroites, interprétées, adaptées, mutilées à leur tour par le temps, ne facilitent pas la tâche. Il faut accepter de se faire une idée de l’art de Praxitèle d’après l’idée qu’en ont eue les sculpteurs romains, sachant que ceux-ci ont laissé de côté tout ce qui se rapportait à l’art funéraire, aux portraits, aux décors architecturaux et privilégié les statues qui se prêtaient le plus à l’ornement des jardins et des palais. <o:p></o:p>

    D’un point de vue du métier, la manière de Praxitèle se définit par un fondu des plans analogue à la morbidezza des peintres. Les plans y sont mais le passage de l’un à l’autre est estompé. Cette douceur est sans doute la cause de son succès ; elle est aussi sa faiblesse, son infériorité par rapport à Phidias dont le ciseau était autrement puissant.<o:p></o:p>

    L’Aphrodite de Cnide a connu un clonage important, et des mutations. Les spécialistes discernent deux courants : selon le premier, conforme vraisemblablement à la conception originale, la déesse, imposante, sans émotion, s’apprête à se baigner ; selon le second, Aphrodite tend à n’être qu’une baigneuse qui, craignant d’être surprise, lance un regard inquiet et ramène vers elle ses vêtements : la Vénus du Belvédère (photo) est un exemple de cet embourgeoisement de l’idée. Les fragments (têtes, torses) montrent l’inégalité des talents des sculpteurs romains, pour qui ce modèle d’Aphrodite était avant tout une manne commerciale. La tête dite Martres-Tolosane est plus fine que celle dite Borghèse ; mais la chevelure de cette dernière est travaillée d’une façon plus soignée, plus fouillée.<o:p></o:p>

    L’Apollon Sauroctone et le Satyre au repos ont eux aussi connu un grand succès. Ils ont en commun un déhanché prononcé, une disposition identique (bien qu’inversée) des pieds. Quantité d’autres sculptures déroutent les historiens de l’art : sont-ce des copies d’œuvres de Praxitèle ? des « à la manière de » qui exploitent une veine ? Quel lien entre le magnifique Hermès d’Olympie (portant le jeune Dyonisos) et l’Apollon Médicis, fort médiocre tant l’adoucissement des chairs et le fondu des plans propres au Maître aboutissent, comme il se doit, à la mollesse ? Prudents, les spécialistes regroupent dans la catégorie des praxitéliens ou praxitélisants ces visages qui ont en commun d’être juvéniles, gracieux, distants.<o:p></o:p>

    Jusqu’au XVe siècle, Praxitèle a plus été connu par les témoignages textuels que par ses œuvres. Aux XVI et XVIIe, l’intérêt pour l’Antiquité grandissant, on restaure et on recrée les statues de façon abusive à partir de fragments, par amour de l’intégrité. La théorie rodinienne (quand la forme est juste, un fragment a quasiment autant de force que l’ensemble) n’était pas encore formulée. Ne jugeons pas hâtivement ces restaurateurs qui pensaient ainsi ressusciter un maître et lui rendre hommage. Girardon s’est trompé en restaurant la Vénus d’Arles offerte à Louis XIV : on le sait uniquement parce que, depuis, des copies mieux conservées ont été retrouvées.<o:p></o:p>

    C’est encore un Praxitèle littéraire qui attire le XIXe siècle. Les anecdotes circulant sur lui, tirées des auteurs antiques, en particulier celles portant sur ses amours avec Phryné – le sculpteur et la courtisane –, ont inspiré écrivains et artistes, autant qu’aujourd’hui la liaison entre un prince et une actrice émeut une salle d’attente. L’anecdote de Phryné dénudée devant l’Aréopage, son avocat lui ayant arraché ses vêtements pour convaincre les sages qu’une telle beauté ne pouvait être convaincue d’impiété, ce qui était le chef d’accusation, nous a valu un mauvais tableau de Gérôme (1861), d’après lequel Falguière et Rivière ont osé réaliser des statuettes. L’ambitieuse statue de James Pradier (1845), évoquant la même scène, a une froideur qui correspond mal à ce qu’on peut imaginer de ladite Phryné.<o:p></o:p>

    L’exposition s’achève par un grand bronze repêché il y a dix ans entre Sicile et Tunisie, représentant un Satyre dansant. Son attribution à Praxitèle ayant été envisagée malgré des caractéristiques dirimantes, il symbolise toute la difficulté de se faire une idée exacte de l’œuvre de ce sculpteur.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Praxitèle, jusqu’au 18 juin 2007, Musée du Louvre

    illustration : Vénus du Belvédère, époque romaine impériale

    © Musei Vaticani / Foto A. Bracchetti

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