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Rembrandt
L'automne Rembrandt
Présent du 11/11/2006
Tandis que continuent l’exposition à la BNF rue de Richelieu (cf. Présent du 14 octobre) et celle de l’Institut néerlandais (Rembrandt et son entourage), deux nouvelles expositions achèvent de transformer cette saison en automne Rembrandt.<o:p></o:p>
Au Petit Palais, les eaux-fortes du legs Dutuit montrent les limites de l’artiste. A l’aise dans le petit format (du timbre-poste à la carte à jouer), il se perd dans les projets plus ambitieux. Cela tient à la technique de l’eau-forte elle-même, qui ne permet le travail des grandes surfaces que par des hachures et des trames croisées : trop raide, le trait est froid, trop souple et négligé il donne l’impression de remplissage gribouillé. Le talent particulier de Rembrandt est aussi en cause : inspiré par des scènes vues, il semble incapable d’interpréter un sujet religieux sous un autre angle que psychologique. A des gravures travaillées telles que Le peseur d’or, Descente de Croix, ou aux portraits divers souvent trop poussés (j’excepte le Jeune homme à la toque de velours, aux très beaux noirs), on préfèrera les cinq études de gueux, croquis à l’eau-forte spontanés et vivants, au trait incisif, autrement supérieurs aux Mendiants recevant l’aumône, dont le côté apprêté et les lignes rondouillardes montrent combien s’éloigner de son génie propre est dommageable. Les paysages des années 1645 sont à compter parmi les pièces les plus sensibles : avec une économie de moyens (abandonnées, ici, les hachures si néfastes), l’artiste campe un paysage et une lumière en quelques traits et c’est avec bonheur qu’on laisse partir notre regard vers l’horizon évoqué.<o:p></o:p>
L’impression est confirmée par les dessins exposés au Louvre : les croquis de Rembrandt, qu’ils soient à la plume, au pinceau, au crayon ou à la craie, révèlent la sûreté de son œil et de sa main à saisir le vif. La technique du trait le garde du piège du clair-obscur qui a si affaibli sa peinture. Tandis qu’une Annonciation ou d’autres scènes bibliques déçoivent par leur tonalité fausse, les paysages et les croquis de personnages se taillent la part la plus belle de notre admiration : ainsi en est-il de Vieillard debout, de Homme oriental debout, de l’Etude pour Saint Jérôme. Le dessin Intérieur avec Saskia au lit, mêlant encre, crayons et rehauts, plus abouti sans avoir rien perdu de sa fraîcheur, est d’une aisance merveilleuse. Côté animaux, un lion (photo), et surtout deux Oiseaux de paradis, à la plume et au lavis rehaussé de blanc, d’une modernité graphique frappante – le dessin est la plus intemporelle des techniques.
Deux copies de dessins mogols (cat. 60 et 61), librement interprétés, au-delà d’être des curiosités, nous rappellent que le monde ancien n’était pas cloisonné et que la curiosité pour les autres cultures existait sans qu’on crût nécessaire de vanter le métissage. La nôtre, de culture, existe-t-elle encore ? Devant Disciples sur la route d’Emmaüs, j’ai écouté un dialogue navrant : « Ça existait déjà Emmaüs ? – Ah non, il doit s’agir d’autre chose. – Mais c’était qui Emmaüs ? – Je crois que c’était une ville où… qui… enfin, la route d’Emmaüs, quoi. »<o:p></o:p>
Samuel
Rembrandt, eaux-fortes, jusqu’au 14 janv. 2007, Musée du Petit Palais
Rembrandt dessinateur, jusqu’au 8 janv. 2007, Musée du Louvre. On ne comprend pas pourquoi le Louvre présente parallèlement William Hogarth (le billet donne accès aux deux expositions) : après la pureté des dessins de l’un, le côté pain beurré de la peinture de l’autre est insoutenable.
illustration (c) RMN
Tags : Rembrandt, dessins, gravures
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