• Rembrandt et la Nouvelle Jérusalem

    Au musée d’Art et d’Histoire du judaïsme<o:p></o:p>

    Juifs et protestants à Amsterdam au XVIIe<o:p></o:p>

    Présent du 2 juin 2007

    La protestante Amsterdam, au XVIIe, se considère volontiers comme une Nouvelle Jérusalem. L’impression d’avoir régénéré le christianisme explique ce sentiment. Le retour régressif des protestants à la Bible juive et l’arrivée massive de Juifs fuyant le Portugal favorisent les échanges entre les deux communautés. Une même habileté dans le commerce parfait le rapprochement. Que le musée d’A. & d’H. du judaïsme monte une exposition qui ne parle pas des années les plus sombres de notre histoire mais d’un âge d’or est une bonne surprise. Ce ne sont que gentils protestants et riches Juifs vivant en termes fraternels – sous-entendu : à l’abri du méchant catholique persécuteur.<o:p></o:p>

    Mais, tout de même, dans le contexte d’antisémitisme actuel, quand l’enseignement de la Shoah est si difficilement délivré dans les classes des banlieues réticentes à l’enregistrement de l’histoire convenable, quand l’accroissement de la durée de vie, par l’augmentation du nombre de malades d’Alzheimer, fragilise la pratique du Devoir de Mémoire, est-il judicieux de mettre sous les yeux du commun l’ouvrage de Joseph Penso de la Vega, dans lequel celui-ci explique comment spéculer en bourse sans argent ni même actions, activité qu’on nous présente comme typique des Juifs portugais d’Amsterdam particulièrement adroits à ce jeu ? Il est beaucoup question de banquiers et de marchands juifs excellant au commerce international et juteux. Est-il opportun de préciser que M. Da Costa contrôlait le négoce du sel avec le Portugal et l’importation des bois précieux du Brésil ? Que M. Antonio Lopes Suasso, qu’on admire en marbre et sur toile, vendait laine, tabac, argent, bois exotique, diamants et pierres précieuses ?  On voudrait nous faire croire à l’existence – à cette époque – d’un lobby juif fortuné qu’on ne s’y serait pas pris autrement.<o:p></o:p>

    Baruch Spinoza (1632-1677) appartenait à ce milieu de commerçants d’origine portugaise. Lui-même dirigea la maison paternelle de 1654 à 1656. Le commerce n’était pas sa préoccupation première, il se sentait surtout philosophe. Ses thèses jugées athées entraînèrent son exclusion de la communauté. Le décret de son exclusion (juillet 1656) a de ces raffinements orientaux : « Qu’il soit maudit pendant son sommeil et pendant qu’il veille… Qu’il ne lui soit rendu aucun service et que personne ne l’approche à moins de quatre coudées… » Spinoza partit à La Haye ; c’est à Hambourg que fut imprimé le Tractatus theologico-politicus continens dissertationes aliquot (1670), d’une belle typographie.<o:p></o:p>

    La lecture qui est faite des gravures et tableaux exposés de Rembrandt, dont la vie recoupe cette période, qui pour cette raison ont été choisis comme témoins de la présence juive à Amsterdam, laisse rêveur. L’identification de quantité de personnages fait débat, paraît-il. Tel vieillard est-il juif ? Tel jeune homme l’est-il vraiment (illustration) ? « Le caractère de ces Juifs a été vivement récusé ces dernières années », lit-on au sujet de petites eaux-fortes. Sur quels douteux critères physiques ou vestimentaires se fondent les historiens de l’art ? Telle interprétation illustrera « le processus de judaïsation par les historiens juifs », tandis que telle autre témoignera du « processus de déjudaïsation de l’œuvre de Rembrandt »… Etonnante terminologie pour une étonnante préoccupation en des murs aux oreilles qu’on aurait crues plus délicates.<o:p></o:p>

    Ce petit jeu n’affecte heureusement pas les œuvres inspirées de manière irréfutable par la Bible, si nombreuses chez Rembrandt. Quelques tableaux, et surtout de nombreuses gravures : les eaux-fortes des années 1630 sont remarquables.<o:p></o:p>

    Un certain climat eschatologique régnait dans la Nouvelle Jérusalem amstellodamoise, auquel s’ajoutait pour les Juifs l’attente messianique. Cela explique que quelques uns d’entre eux aient cru à l’authenticité de Sabbataï Tsevi, dont Apollinaire eût aimé l’histoire : elle est digne des contes de L’Hérésiarque et Cie. En voici l’argument : Sabbataï Tsevi se proclama messie le 31 mai 1665. Ce jour-là, il fit symboliquement sept fois le tour de Jérusalem. Il annonça la fin du monde pour le 18 juin 1666. Tout permet de penser qu’elle ne se produisit pas. Cependant cet extravagant personnage réveilla des espoirs. Les Juifs accoururent à Jérusalem depuis la Hollande, le Yémen, la Russie, le Maroc. Tant d’agitation devait finir par inquiéter le sultan, devant qui Sabbataï Tsevi fut traduit en septembre 1666. A l’issue de sa comparution il se convertit à l’islam, entraînant à sa suite de nombreux coreligionnaires. C’est presque un apologue, qui supporte plusieurs morales toutes plus édifiantes les unes que les autres, à moins qu’on ne préfère le considérer comme un simple épisode burlesque.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Rembrandt et la Nouvelle Jérusalem, jusqu’au 1er juillet 2007, <o:p></o:p>

    Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme, 71 rue du Temple Paris 3e<o:p></o:p>

    illustration : Buste d’un jeune Juif, par Rembrandt © K.A.M., Texas<o:p></o:p>


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