• Retables médiévaux

    Au musée du Louvre

    Premiers retables

    Présent du 30 mai 09

    L’autel a rarement été décoré : une frise, un chrisme, rarement plus, souvent moins. Le goût décoratif médiéval s’est déployé en dehors de la table sacrée mais tout près d’elle (retro tabula), comme pour en relever encore la grandeur. Dans notre imaginaire, retable est synonyme de tableau peint, que nous dotons volontiers de volets. En réalité, les retables ont d’abord été sculptés. Ils sont apparus vers l’an mil, peut-être en France. Les œuvres conservées ne remontent pas au-delà du XIIe siècle car, accessibles, les retables sculptés ont particulièrement pâti des changements dus à la mode ou à la rage. Les œuvres exécutées en métal, donc convertibles, réutilisables sous une autre forme, ont presque toutes disparu. Le retable de Stavelot, intact, n’en a que plus de valeur. Représentant la Pentecôte, il est en cuivre sur âme de bois, avec des parties émaillées, et date des années 1160.

    Entiers ou fragmentaires, il reste assez de retables pour avoir une idée claire du genre. Par sa forme allongée, le retable appelait la compartimentation et la hiérarchie : scène centrale, scènes latérales. Au centre, le Christ ou la Vierge en majesté tenant l’Enfant. Au douzième siècle, cette dernière est présente sur les tympans ; sa position au centre de l’autel est justifiée par la majesté avec laquelle elle présente le Christ, telle une Elévation. Les scènes latérales illustrent souvent la vie de la Vierge, la vie du Christ, et de plus en plus la vie des saints.

    Le retable de Carrières-sur-Seine (illustration) se compose d’une Annonciation, d’une Vierge Trône, d’un Baptême du Christ. Le cadre est composé de rinceaux, d’architectures qui forment dais. Les fonds sont profondément refouillés pour que les personnages ressortent bien, ceux-ci se caractérisent par une gracilité et une élégance dont l’art roman fait parfois la surprise.

    Un autre retable d’Ile-de-France (XIIIe) est caractéristique de l’association du culte des saints à l’autel, déjà pratiquée par l’inclusion des reliques. Central, le Baptême du Christ ; de chaque côté, des épisodes de la vie de l’évêque rouennais saint Romain. La composition est continue : aucune séparation entre les scènes. Remarquable morceau de sculpture gothique, à étudier de près. La trace de l’outil restitue du sculpteur le geste, lequel révèlerait son intention si nous étions suffisamment attentifs.

    De qualité presque égale, un degré en-dessous, un retable de la même époque est entièrement consacré au martyre de saint Hippolyte. Le disciple de saint Laurent  à gauche est déchiré par des peignes de fer, à droite a la bouche meurtrie à coups de pierre. Premiers tourments ordonnés par l’empereur Dèce, qui envoie ensuite Hippolyte devant le gouverneur Valérien. Devant son refus réitéré de sacrifier aux dieux, Valérien le fait traîner par deux chevaux parmi pierres et ronces jusqu’à ce que mort s’ensuive : c’est la scène centrale du retable, d’une composition audacieuse, les chevaux semblant sur le point de disloquer le malheureux corps, au-dessus duquel l’âme du martyr, sous la forme d’un homme nu, monte au ciel dans un drap hissé par deux anges. La paix qui émane de cette âme ascendante contraste avec la violence du supplice. La présence de saint Hippolyte au centre du retable n’est pas indue car le saint fut arrêté au moment même où il venait de communier, après qu’il eut enseveli le corps de saint Laurent : son martyre est lié à l’eucharistie.

    Au quatorzième siècle, le retable est adapté à la dévotion privée, en ivoire, en bois sous forme d’une Vierge centrale autour de laquelle se replient des volets qui, ouverts, présentent des scènes de sa vie. Sous sa forme architecturale, il continue son chemin : les saints populaires sont l’occasion de cycle narratifs vivants, mais l’alignement des douze apôtres devient de plus en plus fréquent. Ils posent en général avec les attributs qui les personnalisent, dans un décor d’architecture gothique à fleurons et contre-courbes ; les attitudes sont plus ou moins variées.

    La fin du XIVe est marquée par une grande circulation des artistes. La Bourgogne voit se croiser locaux, Italiens, Flamands. Arrachés à leur décor, neuf statuettes en bois composaient un Couronnement de la Vierge en présence de divers saints. Puis voici un retable peint par Henri Bellechose pour la chartreuse de Champmol. L’ordonnancement montre qu’il suit la tradition sculptée : le Christ en croix au centre ; à gauche le Christ donnant la communion à saint Denis : à droite la décapitation du saint évêque. Le flamboiement gothique va noyer l’autel sous la pierre ; la simplicité s’exprimera désormais en peinture.

    Samuel

    Les premiers retables (XIIe – début XVe siècle), Une mise en scène du sacré,

    jusqu’au 6 juillet 2009. Musée du Louvre, Aile Richelieu.

    illustration : Retable de Carrières-sur-Seine, XIIe siècle. © 2008 Musée du Louvre / Pierre Philibert


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