• Révolution

    Au musée Carnavalet

    Images de la Révolution

    Pr ésent du 24 octobre 2009

    Le musée Carnavalet possède la plus impo rtante collection mondiale d’images et d’objets de la période révolutionnaire (2500 numéros). Les petites et grandes dates de la Révolution ne sont-elles pas parisiennes, comme les gravures souvent anonymes, souvent rudimentaires, qui les racontent ? C’est Berthier de Sauvigny qui reconnaît la tête de son beau-père au bout d’une pique, les Dames de la halle qui partent pour Versailles ; le déboulonnage des statues, les massacres de l’abbaye de Saint-Germain ; l’arrestation à Varennes, le roi décapité…

    Plus que tout autre événement, la prise de la Bastille et sa démolition ont provoqué un flot d’images dont le type s’est fixé assez rapidement. Rares sont les gravures ou les aquarelles qui constituent une suite narrative : en général tout est condensé en une seule image. Rolf Reichardt, de l’université de Giessen (Hesse), publie une passionnante étude sur l’iconographie de la Bastille, à partir des collections du musée. (On goûtera au passage l’introduction embarrassée du Pr Michel Biard. Pris en sandwich entre reconnaissance des massacres et « réflexion citoyenne », « patrimoine mémoriel », il craint « une désorientation des citoyens nuisible à toute démocratie digne de ce nom. » Comme dit la légende d’une grossière gravure : « La véritable guillotine ordinaire, ha le bon soutien pour la liberté ».)

    R. Reichardt montre la naissance du mythe d’une prison infernale au cours du XVIIIe, mythe créé par d’anciens prisonniers, puis celle du mythe de la prise de la forteresse, créé par ceux qui y participèrent – ou le prétendirent : une commission examina les témoignages et délivra des brevets aux 954 officiels « Vainqueurs de la Bastille ». La distinction, en période d’égalitarisme, fut mal perçue et les Vainqueurs renoncèrent prudemment aux honneurs annoncés.

    Le patriote Palloy a joué un grand rôle dans l’imagerie bastillaise. De son propre chef, il commença la démolition, puis obtint un mandat officiel et des subventions intéressantes. La forteresse détruite, il l’exploita encore en inondant la France de médailles frappées avec le métal des chaînes, des serrures ; de pierres récupérées taillées à l’image de l’ancienne prison qu’on promena en procession, ou gravées, transportées par des « Apôtres de la liberté » qui agrémentaient le don de déclarations verbeuses et de gravures à la gloire de la Révolution et de Palloy lui-même. La reddition de comptes, embrouillée, rendit celui-ci plus discret.

    Hubert Robert en tant que peintre des ruines ne pouvait manquer de peindre la démolition de la Bastille. Par la suite incarcéré à Sainte-Pélagie et à Saint-Lazare, il peignit les promenades dans la cour, sa propre cellule. Il y fit le portrait du poète Roucher, qui sera guillotiné le même jour que Chénier. Lui-même n’y passa pas. « Dum spiro spero », écrivit-il sur un dessin de sa captivité. L’Italie devait lui paraître loin (cf. Présent du 17 oct.).

    Jacques-Louis David fut le fervent révolutionnaire qu’on sait. Dans Le Triomphe du peuple français sur la monarchie, le peuple français figure en Hercule, comme lors de la fête de l’Etre suprême représentée par Th. Ch. Naudet, ou au sommet d’un Temple de l’Egalité resté à l’état de projet. J.-L. David dessina des vêtements républicains : le décret du 25 floréal an II ne projetait-il pas une « régénération du costume » ?

    Régénéré également, le calendrier inspire au peintre Louis Lafitte douze compositions gravées par Salvatore Tresca. Le sentiment rousseauiste de la nature et l’élégance néo-classique donnent des images charmantes, malgré la relative banalité des jeunes femmes qui personnifient les mois. Les quatrains ajoutés sont mirlitons à souhait.

    Plus réalistes, d’un art fin sous des dehors presque naïfs, les personnages découpés de P.-E. Lesueur ressuscitent personnages, costumes, attitudes. Les légendes sont postérieures. Don patriotique de jeunes ouvrières, repas républicain ; le « Terroriste du temps de Robespierre payé pour susciter des querelles et occasionner des arrestations », le Jacobin « réfléchissant sur la manière de gouverner la France » procèdent d’un fin talent d’observation et de synthèse (illustration).

    Les caricatures sont moins nombreuses que les gravures narratives (le géant Iscariotte Aristocrate), et, comparées aux caricatures anglaises exposées à l’étage, moins talentueuses d’un point de vue graphique, moins incisives. Les Anglais s’en prennent violemment, crûment, tantôt à la famille royale, tantôt aux sans-culotte, voire à tous en même temps.

    Samuel

    La Révolution française, trésors cachés du musée Carnavalet.

    Caricatures anglaises au temps de la Révolution et de l’Empire.

    Jusqu’au 3 janvier 2010, Musée Carnavalet.

    Rolf Reichardt, L’imagerie révolutionnaire de la Bastille (Collections du musée Carnavalet), 2009, 45 euros.

     

    illustration : P.-E. Lesueur, Jacobins et terroristes, 1789 © Carnavalet / Roger-Viollet


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