• Rodin et l'art décoratif

    Au musée Rodin<o:p></o:p>

    Le corps et l’ornement

    Présent du 26 juin 2010<o:p></o:p>

    Devenant au fil du temps le puissant modeleur qu’on sait, Rodin s’est fait la main, longuement, en tant qu’ornemaniste. Son passage à l’Ecole spéciale de dessin et de mathématiques l’avait préparé à cette spécialité (1854-1857), quoiqu’il ait eu en tête un autre projet. La « Petite Ecole » formait des artistes décorateurs et préparait les étudiants au concours d’entrée des Beaux-Arts. Auquel Rodin fut refusé trois fois, vive le système ! Et de se rabattre sur l’art décoratif.<o:p></o:p>

    Parmi les ateliers pour lesquels il travailla, celui de Carrier-Belleuse fut le principal. Carrier-Belleuse avait le goût de la gracieuseté : une terre-cuite telle que L’Innocence tourmentée par l’Amour (1871) est représentative de cette joliesse datée, empreinte de vulgarité. Rodin suit son patron de près avec La toilette de Vénus (1871) : la jeune femme dénudée, le petit Amour potelé, la guirlande, éléments d’un style gentillet. On décèle cependant dans ce petit nu féminin une qualité plastique qui n’appartient pas à tout le monde. <o:p></o:p>

    Le sujet existe avec des variantes : dans l’atelier de Carrier-Belleuse on pratiquait l’assemblage de diverses figures moulées, de façon à produire rapidement des compositions différentes à peu de frais. Rodin pratiquera cela toute sa vie, mais à des fins de recherches artistiques et non d’exploitation commerciale.<o:p></o:p>

    Rodin passe plusieurs années à Bruxelles où il a suivi Carrier-Belleuse sur des chantiers, non sans se brouiller avec lui. Les Atlantes et les Cariatides réalisés pour un immeuble du boulevard d’Anspach datent de 1874 : on note l’influence de Michel-Ange. La force est dictée par la fonction décorative : à la même date Rodin n’a pas affranchi ses bustes de la joliesse, de l’accessoire. Le buste de Mme Almire Huguet, bien qu’austère, est encombré de détails (1874). Celui de Suzon, par le traitement de la chevelure, du corsage, du minois, est-il assez mignard (1875) ? Un temps viendra où Rodin confèrera la force à n’importe quel sujet, en dotera la chair la plus délicate ou les figures les plus petites, comme les quatre titans qui soutiennent la vasque réalisée par Carrier-Belleuse. Malgré leur brouille, celui-ci fit par la suite appel à Rodin lorsqu’il fut nommé à la direction des travaux d’art de la manufacture de Sèvres. De nombreux vases ont été créés, agrémentés de sujets en léger relief.<o:p></o:p>

    La statue de Jean-Baptiste d’Alembert, qui prend place dans une niche de l’Hôtel de Ville reconstruite (1880, angle nord-ouest), marque une étape. La pose est pensée : le philosophe tient son écritoire de la main gauche, mais posé en appui sur sa cuisse droite, créant un dynamisme par cette torsion qui sera réutilisée pour Le Penseur et pour une figure d’Adam, laquelle est reprise lorsque Rodin modèle plusieurs projets de cheminée, complétée par Eve à l’autre piédroit (illustration ; La mort du poète orne le manteau). Ces figures des premiers Parents, au cou cassé par la Faute – « Atlas de la maison d’Adam / Nous portons le monde et son Prince » – sont belles et peut-être trop élevées pour cette cheminée plutôt bourgeoise. Il s’agit d’une commande du collectionneur Errazuriz.<o:p></o:p>

    Rodin a en effet conçu des décors pour de riches particuliers, Maurice Fenaille (villa de Neuilly, baigneuses et colonne torse agrémentée de figures, le tout très symboliste), le baron Joseph Vitta (villa d’Evian, les quatre Saisons ; hôtel des Champs-Elysées).<o:p></o:p>

    En 1880, Rodin reçoit la commande de la Porte de l’Enfer, qui devait ouvrir le futur musée des Arts Décoratifs. Les figures naissent de la lecture de Dante, de Baudelaire, d’Hugo. L’art décoratif et la « sculpture pure » se confondent. Les figures peuvent exister indépendamment de la Porte, avant elle comme en dehors d’elle, ou se soumettre à ses lignes, pour dans son cadre servir l’ensemble.<o:p></o:p>

    En mûrissant sa Porte, Rodin repense aux portes des cathédrales gothiques et Renaissance. Il se souvient des pèlerinages artistiques qui l’ont mené vers les grands sanctuaires médiévaux, où il a pris des notes, dessiné les jeux d’ombre et de lumière dans les archivoltes et les moulures, comparé les effets du jour et de la nuit pour saisir l’intention artistique des maîtres d’œuvre. Son témoignage sera consigné dans Les cathédrales de France (1914). Puissante analyse qu’interrompent la colère contre les restaurations sans vie, la sollicitude pour le patrimoine incompris. « Ce qui est le plus difficile, ce n’est pas de penser avec la primitive ingénuité de l’enfance : c’est de penser avec la tradition, avec la force acquise, avec tous les résultats thésaurisés de la pensée. Or, l’esprit humain ne peut aller très loin qu’à cette condition : que la pensée de l’individu s’ajoute, avec patience et silence, à la pensée des générations. »<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Corps et décors – Rodin et les arts décoratifs.

    Jusqu’au 22 août 2010, Musée Rodin.

    illustration : Adam et Eve et la Mort du Poète, projet de cheminée. Terre cuite (Meudon, musée Rodin)<o:p></o:p>


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