• Rodin et la photographie

    Au musée Rodin<o:p></o:p>

    L’album photos

    du Maître<o:p></o:p>

    Présent du 15 décembre 07<o:p></o:p>

    On pense volontiers que les artistes se sont méfiés de la photographie lors de son apparition ; c’est faux. Eugène Delacroix, les Gustave (Courbet, Moreau) par exemple l’ont utilisée pour garder des poses qu’ils voulaient travailler. Né en 1840, Auguste Rodin est un contemporain de la photographie. Le nombre de clichés conservés dans ses archives, sept mille, est éloquent. Deux cents de ces clichés ont été sélectionnés afin de définir les liens entre Rodin et la photographie, entre ses sculptures et les photographes. <o:p></o:p>

    Dans un premier temps (les années 1880), Rodin ouvre son atelier à des photographes restés inconnus : Bodmer, Pannelier, Feuler. Leurs clichés gardent la trace d’une étape de la création : terre en cours, tirage, etc. Photographies sans prétention, mais émouvantes car nous pénétrons dans l’atelier sans que rien n’ait été rangé. Rodin s’est servi de ces clichés comme de croquis : il corrige une courbe ou une masse sur le cliché, à la plume ou au crayon. Coups d’œil objectifs, ils permettent la distanciation et le regard critique. <o:p></o:p>

    Certaines photographies de Victor Pannelier vont connaître une utilisation qui se développera par la suite : elles illustrent un article de T. H. Barlett sur Rodin, paru en 1889 dans American Architect & Building New. La célébrité arrivant, les journaux demandèrent toujours plus de reproductions. Rodin travailla alors avec deux types de photographes : l’un chargé de rendre les sculptures comme lui l’entendait, dans un but de monstration publicitaire ; l’autre, laissé libre d’interpréter, dans une démarche purement artistique. La deuxième manière ne produit pas toujours les plus belles photos, ni la première les plus fidèles : la personnalité de l’opérateur est primordiale.<o:p></o:p>

    Eugène Druet (1867-1916) est un cafetier qui s’ennuie. Il devient le photographe de Rodin de 1896 à 1900. Il suit la volonté du sculpteur, mais sa collaboration est réelle, donc décisive. Ses clichés (épreuves gélatino-argentiques) sont remarquables : contrastés, ils montrent l’aspect charnel des sculptures. Cependant l’entente entre les deux hommes devint de plus en plus difficile et, les clichés de Druet ayant été imposés à la presse pendant quatre ans, un renouvellement s’imposait.<o:p></o:p>

    Jacques-Ernest Bulloz (1838-1942) prit sa suite, jusqu’à la mort de Rodin en 1917. Très professionnel, il obtint un contrat d’exclusivité et géra la diffusion des photographies. La demande de reproductions, accrue avec la gloire, exigeait cette approche moderne, d’agent de presse déjà. Il réalisa un folio commercial de cent photos, dans des teintes sépia, orange, bleu, vert. L’ensemble est fade : sans être trahie, la sculpture tend au douceâtre. Sacrifice au goût du temps ? D’autres tirages de lui ont plus de caractère.<o:p></o:p>

    Les autres photographes à qui l’atelier était ouvert opéraient en toute liberté, sans consigne. La plupart appartiennent au courant pictorialiste, à prétentions esthétiques.<o:p></o:p>

    Edward Steichen s’éprend, depuis les Amériques, du Balzac. Venu à Paris, il se lie d’amitié avec Rodin et réalise, entre autres, les clichés de nuit du Balzac placé dans le jardin de Meudon. Mêlant plusieurs techniques, il obtient des effets fantomatiques. C’est à lui qu’on doit également cette célèbre composition qui rassemble Rodin de profil à contre-jour, le monument à Victor Hugo en pleine lumière et Le penseur à droite.<o:p></o:p>

    Deux jeunes Anglais, Stephen Haweis et Henry Coles, travaillent en 1903-1904. Leur travail est aussi basé sur la lumière, limite du genre : à se complaire dans l’appréhension de la silhouette des sculptures plus que dans leur masse, ils passent à côté de l’essentiel. <o:p></o:p>

    C’est Jean Limet qui, avec des tirages à la gomme bichromatée, donne la vision la plus originale. Peintre et graveur à l’origine, il se tourne vers la patine et travaille pour Rodin. Les étranges teintes des tirages révèlent ses préoccupations de coloriste qui rejoignent celles de ses amis Jeanneney et Carriès (cf. Présent du 8 décembre). Les effets sont étonnants. Avec lui, la fidélité à l’œuvre de Rodin et la création personnelle s’équilibrent parfaitement.<o:p></o:p>

    La belle tête de l’artiste a aussi inspiré les photographes. Les portraits pris par Nadar (non exposés) apparaissent convenus, plats, par rapport aux forts portraits par Gertrude Käsebier, par Alvin Langdon Coburn : Auguste Rodin coiffé d’une toque noire (illustration).<o:p></o:p>

    Cette judicieuse sélection de clichés montre que les photographes se sont montrés dignes des sculptures, inspirés. Et quelle merveilleuse diversité de techniques ! Nos petits pixels font pâle figure face à ces procédés d’alchimistes qui se nommaient aristotype, bichromates alcalins ou collodion humide, et qui permettaient d’obtenir des tirages si riches. <o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Rodin et la photographie, <o:p></o:p>

    jusqu’au 2 mars 2008, Musée Rodin<o:p></o:p>

    Illustration : Portrait de Rodin, A. L. Coburn, avril 1906 © musée Rodin


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