• Rodin et le japonisme

    Au musée Rodin<o:p></o:p>

    Un Japon décanté<o:p></o:p>

    Présent du 7 juillet 07<o:p></o:p>

    En 1911, le groupe d’écrivains et esthètes japonais qui publiait la revue Shirakaba envoya en hommage à un Rodin septuagénaire et renommé trente estampes. Le sculpteur, pour remercier, offrit trois bronzes, dont il reçut, en guise de délicat accusé de réception, des photographies réfléchies (épreuves gélatino-argentiques) : les œuvres avaient été attentivement méditées. Les trente estampes enrichirent la déjà très honorable collection du Maître. A côté des planches de Hiroshige, il possédait des Kunisada, aux à-plats vigoureux, des Harunobu tout en finesse ; des dessins préparatoires, moins habituels. Il possédait également des brûle-parfums et autres bibelots plus ou moins encombrants.<o:p></o:p>

    En matière de japonisme, Rodin n’était pourtant pas un précurseur : il s’y intéressa à partir des années 1880, soit trente ans après que l’art et l’artisanat nippons aient attiré l’attention des Français. Les premiers japonisants avaient été Edmond de Goncourt, Félix Bracquemond, Emile Guimet, Octave Mirbeau…<o:p></o:p>

    L’influence du japonisme sur les artistes de l’époque fut variable mais il est certain qu’il épura le regard de beaucoup. Vincent Van Gogh avait vigoureusement éclairci sa palette après sa découverte des Japonais, et tempéré de poésie son réalisme nordique originel. S’il s’installa en Provence, c’est qu’il y trouva « son Japon », à savoir une terre baignée d’une clarté presque pure. Rodin acquit, sur les conseils d’Octave Mirbeau, dont l’influence en ce domaine fut sur lui décisive, le Portrait du Père Tanguy que Van Gogh avait représenté sur un fond décoré d’estampes, interprétées à l’huile et à la brosse. <o:p></o:p>

    A aucun moment, Rodin ne fit dans le japonais, à part quand il expérimenta certaines techniques, comme celle des cuissons des grès et des glaçages : il collabora avec des spécialistes de ces pratiques comme Paul Jeanneney et Edmond Lachenal pour des essais de tirages : on voit trois exemplaires de la tête du Balzac monumental en grès émaillé, l’une en brun et vert jaune, l’autre avec des éclaboussures en bleu verdâtre et la dernière en gris vert jaune. Le résultat n’est pas extraordinaire : car la manière de traiter un sujet et la technique mise en œuvre sont indissociables, or cette tête de Balzac n’avait pas été conçue pour cette technique.<o:p></o:p>

    L’art japonais a nourri et enrichi la réflexion artistique de Rodin. Pour lui ce grand art du trait rejoint l’art grec. Pas d’œcuménisme métissant ni de relativisme intellectuel dans cette manière de voir, mais la perception que sous des aspects différents règne une beauté unique, qui est celle de la Création. Constatant dans les dessins japonais « l’harmonie et la simplification de lignes des artistes anciens », il ajoute : « C’est que la nature est éternellement la même, et l’artiste n’est-il pas celui qui, s’étant mis à son école, a su mieux que les autres la voir et la comprendre. »<o:p></o:p>

    Concrètement, son œuvre est marquée par une Japonaise, la geisha Hanako. Cette femme se fit connaître en Occident dans les années 1900 en compagnie d’une troupe de danseuses et d’acrobates, que Loïe Fuller prit sous sa coupe. Elle joua des pièces adaptées du kabuki, à la fin desquelles elle mimait un hara-kiri, scène d’une violence inhabituelle pour les spectateurs de nos longitudes. Rodin la prit pour modèle entre 1907 et 1914. A part un buste qui est un portrait « classique » d’un intérêt limité, et outre des dessins de nus, il reste de cette rencontre féconde de nombreuses études et des masques qui montrent que les recherches du sculpteur furent acharnées : voulant rendre la sérénité ou la douleur, mais une douleur sans grimace, sans facilité, une douleur intériorisée ne se percevant en surface qu’avec subtilité, il s’épuisa en variantes et en essai. En terre cuite, en plâtre, en bronze ; grandeur nature, en plus petit ou plus grand que nature, aucun de ces masques que Rodin a fait de Hanako ne semble avoir abouti mais tous ont une grande force. Ils inspirèrent le photographe américain Edward Steichen, dont les épreuves montrent qu’il sut mettre en valeur ce qu’ils ont de fort malgré leur rang d’études.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Nota Bene. – Le musée Rodin ne se limite pas au septième arrondissement de Paris : la villa des Brillants à Meudon, où Rodin résida, se visite d’avril à fin septembre. Après un passage dans le pavillon du sculpteur, où il avait un petit atelier, on s’attarde dans la grande halle : toutes sortes de plâtres, des études pour le monument Victor Hugo, pour le monument Balzac, La Porte de l’Enfer, etc. Le parc est agréable, sur les hauteurs. Rodin et sa femme Rose y sont enterrés, sous un bronze du Penseur. Mais qu’une tombe, même ornée de la plus belle œuvre qui soit, est triste sans croix !<o:p></o:p>

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    Rodin, le rêve japonais, jusqu’au 9 septembre 2007, <o:p></o:p>

    Musée Rodin, 79 rue de Varennes, Paris VIIe<o:p></o:p>

    Et l’autre Musée Rodin, 19 av. Auguste-Rodin, Meudon (92), ouvert jusqu’à fin septembre, ven., sam. et dim. 13h-18h.<o:p></o:p>

    illustration : Masque de Hanako © Musée Rodin



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