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Roland furieux
Un roman protéiforme<o:p></o:p>
Présent du 28 mars 2009<o:p></o:p>
Dès sa parution en 1516, le Roland furieux connut le succès en Italie puis, immédiatement traduit, en Espagne et en France où sa diffusion se mesure à la naturalisation en noms communs de deux des personnages : Sacripant, roi de Circassie, et Rodomont, roi d’Alger. La version définitive fut publiée en 1532, et les imprimeurs vénitiens satisfirent la demande avec des rééditions régulières en fines italiques, de plus en plus illustrées.<o:p></o:p>
Lodovico Ariosto (1474-1533), proche du cardinal Hippolyte d’Este puis du duc de Ferrare, reprend l’intrigue du Roland amoureux de Boiardo (1434-1494) au point où elle s’arrêtait. Sa technique narrative, complexe, brillante, dépasse celle de son prédécesseur. Il enrichit sa trame en puisant dans le cycle breton et dans la littérature latine (Virgile, Horace, Ovide, etc.) Il opère ainsi « la compénétration harmonieuse de l’épopée médiévale et de l’épopée antique », expliquait A. Mativa, O. J., dans son cours de littérature italienne (Namur, 1950). « En cela l’Orlando furioso est l’œuvre la plus représentative de la Renaissance italienne. Il l’est aussi par son indifférence. Par cette indifférence, absolue et sereine vis-à-vis de la morale, plus encore que par des descriptions passionnées ou franchement licencieuses, c’est un mauvais livre. » Le Roland furieux est-il encore lisible ? Le vers « éblouissant de clarté et de beauté, vide de pensée profonde » (je cite encore A. Mativa), en traduction française est vite lassant. <o:p></o:p>
Au fil du temps la lecture du roman est devenue secondaire et, considéré comme un formidable répertoire d’images, il a glissé du domaine littéraire au domaine pictural. Son origine n’est-elle pas autant visuelle que textuelle ? Pisanello et son atelier, au siècle précédent, dessinent des figures de l’univers courtois et chevaleresque, de jeunes chevaliers et de nobles dames, de même les contemporains de l’Arioste, Nicolo dell’Abate (illustration), Girolamo da Treviso, Bartolomeo Montagna. L’Arioste s’inscrit dans un contexte qui explique et le roman, et sa réception. De très beaux relevés des grotesques des Loges vaticanes font le lien entre les fantaisies ornementales et la fantasy, genre auquel le roman pourrait appartenir si on s’autorise l’anachronisme. (Le roman de J.R.R. Tolkien Le Seigneur des Anneaux et son adaptation cinématographique descendent pour une part du Roland furieux ; l’esprit en est bien différent.)<o:p></o:p>
Viennent les illustrateurs. Girolamo Porro illustre de gravures l’édition vénitienne de 1584. D’autres choisissent un épisode, comme Otto Venius qui représente l’épisode où Isabelle, afin de rester pure, pousse le païen Rodomont à la décapiter. Informel, Fragonard dessine cent-quatre-vingt scènes, d’un trait lâché et virtuose. Quelques uns de ses dessins sont présentés, il y manque hélas la scène où Roger libère Angélique, scène du roman devenu un poncif.<o:p></o:p>
Angélique a été attachée sur le rivage pour être dévorée par un monstre marin qui se repaît de chair fraîche. Roger chevauchant l’hippogriffe se bat contre lui dans une lutte furieuse où le reptile marin frappe la mer de sa queue tandis que les ailes de l’hippogriffe froissent l’air. L’épaisse peau du monstre ne se laisse pas entamer, aussi Roger use-t-il de l’écu magique pour aveugler l’orque, ce qui lui permet de délivrer Angélique.<o:p></o:p>
Chevalier combattant le dragon, héros délivrant la princesse sur le rivage, Roger renvoie à saint Georges, à Persée délivrant Andromède, et parfois se confond avec eux : un dessin de Piagio Pupini (XVIe) peut être interprété diversement. Delacroix, dans son tableautin, insiste sur la mêlée du duel, qu’il situe la nuit. Gustave Moreau en fait un projet d’éventail. Ingres peint trop léché Roger et l’hippogriffe, et Angélique fidèlement au récit : « Roger l’aurait prise pour une statue d’albâtre ou de tout autre marbre précieux, sculptée sur l’écueil par des statuaires habiles… » Ce nu a fait l’objet d’une étude au même format. Louis-Antoine Barye choisit le moment où Roger embrasse Angélique tandis que l’hippogriffe s’envole, laissant sous lui le monstre marin. Le bronze est étonnamment confus (à moins que l’éclairage ait été mal pensé). <o:p></o:p>
Les intrigues amoureuses, les passions, les drames, la féerie n’ont pas laissé indifférents les compositeurs : Lulli, Haydn, Haendel, Vivaldi, dont l’Orlando furioso – le 3ème acte surtout – abonde en dialogues vifs, en fantaisies vocales. Adapté en livret, le roman touffu est simplifié ; c’est parfois une partie, ou un personnage, qui devient l’argument (Rameau, Les Paladins ; Haendel, outre son Orlando, composa un opéra centré sur la sorcière Alcina puis un autre sur le chevalier Ariodante). <o:p></o:p>
Samuel<o:p></o:p>
Imaginaire de l’Arioste, l’Arioste imaginé<o:p></o:p>
jusqu’au 18 mai 2009, Musée du Louvre<o:p></o:p>
Illustration : Scène chevaleresque, Nicolò dell’Abate, (Modène, 1509 - France, 1575) © Musée du Louvre<o:p></o:p>
Tags : renaissance, roman, illustration
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