• Slovaquie

     

    Au musée de Cluny<o:p></o:p>

    Sculptures en Haute-Hongrie<o:p></o:p>

    Présent du 16 octobre 2010<o:p></o:p>

    Au XVe siècle régna en Hongrie un grand roi, Mathias Corvin, qui dégaina contre les Habsbourg à l’ouest et les Ottomans à l’est. Cette « terreur du monde » une fois morte (tels sont les termes de son épitaphe), les Habsbourg fédérèrent la région dans la lutte contre les Turcs, contenus à grand-peine : Pest, soumise à la pression ottomane, perdit son rang de capitale en 1536 au profit de Presbourg, plus sûre (l’actuelle Bratislava).<o:p></o:p>

    Pest tomba en 1541, et la Hongrie centrale. Pas le Nord du royaume, qui correspond à l’actuelle Slovaquie. Province riche en vins, en textiles, en métaux précieux, au moyen âge nombreux sont les marchands allemands qui y font affaire avec une bourgeoisie en grande partie d’origine saxonne et germanophone, tandis que les paysans parlent slave et l’aristocratie magyar. Cette aristocratie pèse peu dans la vie artistique : si Mathias Corvin a encouragé l’italianisme, l’élite bourgeoise favorise un art sous influence germanique, celle des ateliers de Nuremberg, de Vienne, de Salzbourg…<o:p></o:p>

    La ville de Levotsa, ville libre de marchands, est représentative de l’activité artistique, qui se manifeste par une floraison de retables, non sans gigantisme. L’église Saint-Jacques se voit dotée d’une dizaine de retables, dont le plus haut atteint 18,6 mètres. Le centre de la ville a été inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco en 2009 : bien des choses sont restées dans leur jus. Une partie des œuvres prêtées au musée de Cluny demeure dans les églises et non dans des musées, par une grâce particulière à cette région où la Réforme a été modérée, et donc aussi les destructions ; que la Contre-réforme a frôlée plus que marquée.<o:p></o:p>

    Comme souvent, l’orfèvrerie a souffert : nombreux ont été les vases sacrés à être fondus pour financer la lutte contre les Ottomans. Ce qui demeure est éblouissant : calices et ostensoirs sont œuvres d’orfèvres hors pair. Deux ostensoirs, l’un de 110 cm de haut, l’autre de 117, sont de véritables architectures gothiques tout ajourées, à niches, à pinacles, le métal décuplant les possibilités. Les deux ostensoirs datent des années 1500-1520. La Vierge à l’Enfant y figure, et sur le plus haut les anges portant les instruments de la Passion, ainsi que saint Ladislas et saint Etienne, les deux saints dynastiques hongrois : deux rois du XIe siècle canonisés.<o:p></o:p>

    Les voici en bois, en armure à la mode du XVe siècle, avec un manteau. Ils ont une trogne émaciée, une barbe refouillée, deux indices de l’influence germanique, lointaine manière d’après Sluter, expressionniste.<o:p></o:p>

    Autre saint envers qui la dévotion était grande, saint Nicolas. Même face barbue pour cet évêque efflanqué, à l’habit taillé à grands pans. La plupart des sculptures sont en tilleul, bois tendre entre tous, qui a favorisé une taille des drapés extrêmement creusée, les plis venant en tranche, perpendiculairement au regard. Cela donne des ombres marquées. Saint Nicolas apparaît dans les retables peints. Le salut des trois soldats et l’apparition en songe à Constantin sont deux bonnes œuvres de l’évêque de Myre, interventions en faveur d’hommes emprisonnés ou condamnés à mort sans raison. Elles sont racontées dans la Légende dorée, où ne figure pas l’histoire du saloir.<o:p></o:p>

    Les peintures sont moins impressionnantes que les sculptures. Notons un Portement de croix (provenant d’Allemagne du Sud), aux personnages maladroits mais expressifs, riches en coloris ; un Martyre de saint Jean, dont l’évangéliste réchappa : l’empereur Domitien l’ayant mis à bouillir dans une cuve d’huile sans résultat, il l’envoya à Patmos en exil. Le plus beau panneau provient du musée des beaux-arts de Lille : une Adoration des mages, d’un maître signant « MS ». L’artiste a opposé l’or des rois qui ruisselle sur leurs manteaux à la simplicité de la Vierge et à la nudité de l’Enfant.<o:p></o:p>

    Hommage est rendu à maître Paul, dit « de Levotsa », où il travailla et vécut la majeure partie de sa vie. Né vers 1470, il meurt vers 1540. Ses œuvres sont présentes dans tout l’Est de la Slovaquie. Le grand crucifix (2 mètres de haut, illustration) frappe par la puissance. Lorsqu’il sculpte un petit crucifix (56 cm), la même puissance se constate. A la rigoureuse équerre que forme le corps – telle l’instrument de mesure de l’Amour de Dieu dont parle saint Paul –, le perizonium dansant apporte une note baroque (la dorure l’est, à l’origine il était peint en brun). Le bois est peint, les veines sont indiquées, le sang coule, mais décapée l’œuvre n’y perdrait rien tant le modelé est concentré, tant la forme est à sa plénitude. Maître Paul est le contemporain de Veit Stoss, actif à Cracovie, à Nuremberg, il est aussi le frère slovaque du maître de Chaource et du rémois Pierre Jacques.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    D’or et de feu, l’art en Slovaquie à la fin du Moyen Age.<o:p></o:p>

    Jusqu’au 10 janvier 2011, musée de Cluny.<o:p></o:p>

    illustration : Maître Paul de Levotsa, Crucifix (Kezmarok, église catholique Sainte-Croix)<o:p></o:p>


    Tags Tags : , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :