• Tapisseries de Louis XIV

    Aux Gobelins

    Haute lisse

    Présent du 10 octobre 2009

    Vers la fin de son règne, Louis XIV possédait cinq cents tentures, soit deux mille cinq cents tapisseries. Il avait hérité du fonds constitué à partir de François Ier, l’avait enrichi par des achats et surtout avec les œuvres sorties des manufactures organisées par ses soins. Un tiers de cette collection a survécu. Les tapisseries du XVIe ont presque toutes été brûlées en 1797 pour en récupérer les fils d’or et d’argent dont elles étaient rehaussées.

    Réchappé du recyclage, Le triomphe de Bacchus (1560) est une grande pièce à registres : cinq scènes, frises, figures. Règnent le pittoresque et les grotesques. Certaines tapisseries disparues sont connues par des copies postérieures. Comparons deux versions du Triomphe de Minerve, l’une du XVIe, l’autre du XVIIe redessinée par Noël Coypel. On note des modifications de détails (habillements, gestes) ; le socle où se tient la déesse est désormais en marbre ; la séparation des compartiments narratifs est plus ambitieuse, ce sont des entablements. La bordure est recomposée.

    (Les bordures des tapisseries ne sont pas moins intéressantes que les sujets, car elles expriment le génie décoratif d’une période, comme les moulures en architecture. Tour à tour, ce sont des rinceaux, des grotesques, des arabesques ; des cuirs, des guirlandes de fruits, de fleurs, où émergent des putti, des figures, des scènes secondaires en camaïeu… Les bordures sont tellement typiques que souvent on les changeait pour mettre la tapisserie au goût du jour.)

    Il arrive que seuls des dessins restituent une œuvre détruite. Les Guise possédaient une tenture sur le thème des Ages de la vie. Les dessins de Thomas Vincidor montrent ainsi la succession des jeux, des plaisirs, du travail, de la réussite – et cette conclusion moins riante : la vieillesse auprès des enfants qui se disputent l’héritage.

    Th. Vincidor, comme Jules Romain souvent repris par les lissiers, était un élève de Raphaël. La tenture réalisée par le Maître en 1516 pour la chapelle Sixtine, Les Actes des Apôtres, a connu un succès européen. François Ier en possédait un exemplaire, brûlé en 1797. Celui d’Henri VIII fut détruit à Berlin en 1945. Il reste l’exemplaire du duc de Gonzague (Mantoue). La gloire de cette œuvre était telle que Charles Ier d’Angleterre acquit les cartons originaux en 1620, et la fit tisser par sa manufacture de Mortlake. La qualité de cette édition anglaise est excellente, d’une grande finesse. Les coloris sont préservés, contrairement à tant de tapisseries dont les verts ont jauni. La Pêche miraculeuse, composition audacieuse construite sur une unique horizontale étayée par les échassiers, en est un exemple (illustration). Le Surintendant Fouquet possédait une version tissée vers 1650 à la manufacture de Maincy qu’il avait créée près de Vaux-le-Vicomte et dont les employés partiront ensuite grossir les rangs des Gobelins. Mais le petit format de ce tissage des Actes des Apôtres n’est pas heureux.

    La première moitié du XVIIe voit tisser une belle Histoire de Diane, d’après Toussaint Dubreuil (1561-1602). On apprécie, dans Les Paysans changés en grenouille, la clarté de la scène et les personnages vigoureusement dessinés. Ce peintre mourut hélas trop tôt. Les tapisseries réalisées d’après La Hyre sont passées, ce sont deux mythologies : L’enlèvement d’Europe et Pygmalion et Galatée, dont le Louvre possède le dessin. Rubens et Vouet se partagent la vedette. Louis XIII fait appel au premier pour une Histoire de Constantin, au second, rentré de Rome, pour des scènes de l’Ancien Testament : Le sacrifice de la fille de Jephté. Simon Vouet est à l’aise, ses tapisseries ont de l’ampleur, quelque chose d’aérien.

    Viennent Le Brun et Mignard. Leurs Automnes respectifs, sans être rivaux, n’ont rien de commun. La tapisserie de Le Brun est une sorte d’emblème, tandis que Mignard invente un riant cortège de Bacchus. Les Mois à grotesques de Claude Audran, qu’assistent Desportes pour les animaux et Watteau, son élève, annoncent le dix-huitième et ses élégantes singeries.

    Qu’au XVIIe siècle la tapisserie ait été considérée comme un art égal à la peinture à l’huile, les collections royales en témoignent donc largement. Les techniques coexistent car elles ne font pas double emploi. La tapisserie garde sur l’huile l’avantage du grand format sans effet de reflet et aisé à transporter ; également d’habiller une pièce bien plus chaudement. En donnant aux peintres le contrôle sur les lissiers, en soumettant la créativité de ceux-ci à l’exécution stricte des cartons réalisés par ceux-là, Le Brun améliora la production dans un premier temps, mais l’effet pervers fut de gauchir le métier de la tapisserie qui devint une annexe de la peinture et perdit de son âme.

    Samuel

    Fastes royaux, La collection des tapisseries de Louis XIV.

    Jusqu’au 15 novembre 2009, Galerie des Gobelins.

    prolongement jusqu'au 7 février 2010!

    illustration : La Pêche miraculeuse d’après Raphaël, Manufacture de Mortlake, vers 1630.


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