• Tombuscule de Paul Léautaud (par Laurent Dandrieu)

    Il faut se méfier des petits jeunes hommes à la mine modeste, à peine relevée par un bouc effilé, aux discrètes lunettes cerclées de fer, au léger sourire en coin. Cette apparence bénigne cache parfois un esprit fort qui ne s’en laisse pas compter, par personne, à commencer par lui-même. Etonné par l’admiration que professait pour lui Octave Mirbeau, de l’attention dont, sans qu’ils se connaissent, l’écrivain célébré, membre de l’académie Goncourt, honorait le presque débutant ayant si peu publié, le jeune Léautaud, dans son Journal, tentait de se l’expliquer ainsi, à la date du 21 novembre 1907 : «Je comprends néanmoins son goût pour moi, et je crois que je peux le croire sincère. Nous avons en effet le même goût pour le trait vif, dit sans ménagements ni périphrases, pour l’anecdote ou le mot méchants, l’ironie mauvaise, le trait satirique dur. Je comprends qu’il ait aimé In Memoriam, où il y a un peu de tout cela, avec la morale très libre qu’il montre aussi lui-même dans ses livres, la blague pour les préjugés de société autant que de sentiments.» Méchant, mauvais, dur : Léautaud ne s’épargne pas.

    A cette aune, si l’on est bien obligé de le croire sincère, il est en revanche bien difficile de comprendre le goût pour Léautaud affiché par Philippe Delerm dans le bref essai qu’il vient de lui consacrer, Maintenant, foutez-moi la paix! (dernières paroles prononcées par lui avant de mourir). Prototype de l’écrivain pour table basse, où ses livres sans aspérité font bon ménage avec la dernière livraison de Télérama, Delerm semblait peu fait pour s’emballer en faveur de l’abrasif Léautaud, pour ce ton sec, percutant, cet esprit grinçant, libre de tout préjugé et de toute hypocrisie, cette horreur des conventions bourgeoises, cette parole dénuée de toute prudence qui obéissait moins au plaisir de choquer qu’à l’irrépressible besoin de dire et d’écrire, en toutes circonstances, rien que la vérité, mais toute la vérité, de sa pensée.

    Retrouvez l'intégralité de l'article de Laurent Dandrieu

     dans lovendrin n°10.


  • Commentaires

    1
    visiteur_dandrieu
    Lundi 15 Mai 2006 à 23:04
    Quel style !
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