• Van Dongen (Kees)

    Au musée d’Art moderne

    Van Dongen,

    en noirs et couleurs

    Présent du 28 mai 2011

    Kees Van Dongen, peintre mondain ? Il est souvent caractérisé ainsi. Son œuvre mérite-t-elle cette dépréciation ? Pas toute. Le peintre a été snobé, victime de son refus des « ismes », à commencer par celui qui englobe presque tous ceux du XXe siècle : l’intellectualisme, qui a, sinon tué, meurtri la peinture. Il a revendiqué le fait d’être célèbre, de vendre, quand d’autres qui jouaient l’élévation au-dessus des contingences, l’étaient autant, vendaient encore plus, mais avec l’air de ne pas y toucher.

    Il y eut l’anarchisme dans sa jeunesse. Ce fut la forme prise par une farouche indépendance à l’égard des convenances, à commencer par celles des ateliers, laquelle lui fera assumer d’être un peintre mondain au début des années vingt, ou de participer en 1941 au « voyage d’Allemagne ». Ce tourisme incongru lui vaudra d’être interdit de Salon en 1945 et explique qu’il s’installe à Monaco en 1946, où il meurt en 1968. Pour le reste, ce natif de Rotterdam (1877) a fait carrière à Paris. Ses logements successifs suivent l’air du temps : Montmartre, Montparnasse, XVIe arrondissement.

    Ses premières toiles, pourraient s’y rencontrer Van Gogh ou Steinlein (une buveuse d’absinthe, 1903). Cette buveuse, faite de crayon, d’encre et d’aquarelle, a de la force. Une femme affalée sur la chaussée est victime d’une hallucination : au ras du pavé, un crâne sous haut-de-forme la regarde, goguenard.

    En 1905-1907, Van Dongen fréquente le Bateau-Lavoir et s’y installe. Voisin de Picasso, qui le surnomme « le Kropotkine du Bateau-Lavoir » (Kropotkine était un anarcho-communiste), il fréquente les fauves : Derain, Matisse, Vlaminck. Il dessine au cirque Médrano, au Moulin de la Galette. Une toile immortalise « la Mattchiche », danse vaguement brésilienne chantée par Félix Mayol, la tante flamboyante du café-concert : « C'est la danse nouvelle / Mademoiselle / Prenez un air canaille / Cambrez la taille / Ça s'appelle la Mattchiche / Prenez vos miches / Ainsi qu'une Espagnole / Joyeuse et folle ! » La vulgarité chansonnée ne date pas d’hier.

    La maîtresse de Picasso, Fernande Olivier, pose régulièrement pour lui. Ce sont de bons portraits, où Van Dongen se plaît à opposer, à un noir profond, coloré, un noir vif si l’on peut dire, d’autres couleurs non moins vives (illustration – en gris…). Le portrait du marchand Kahnweiler (1907) semble descendre de Van Gogh (fond rouge, noirs colorés de la chevelure et du costume, vert Véronèse clair dans les chairs), de même que La Commode (1912), en bleu et jaune orangé les plus crus de près mais qui s’accordent lorsqu’on s’éloigne. Cependant on est loin de l’intériorité de Van Gogh. Mais le portrait d’Adèle Besson a de la douceur et de la profondeur.

    Où situer le Van Dongen des années 1900-1910 ? Il est quelque part entre les fauves français et les expressionnistes allemands. Il pratique la tâche colorée qui réveille en sursaut, le cerne vif qui retentit. Le portrait de Modjesko, soprano travesti, est une symphonie de tons juxtaposés sans demi-teintes, et l’arbitraire d’un épiderme à la Simpson convient à ce monstre hommasse. Van Dongen est à classer parmi les peintres de l’Ecole de Paris. Ses nus ont la chair blafarde, typique de cette école mal circonscrite. Il en est de très réussis.

    Durant la guerre, Van Dongen rompt avec sa femme et se met en ménage avec Jasmy Jacob, directrice commerciale d’une maison de couture. De 1918 à 1929, c’est la période des portraits mondains : actrices, cinéastes, chanteurs, écrivains, défilent devant le chevalet. Fernande Olivier note, dans ses souvenirs (Picasso et ses amis, préface de Léautaud), qu’il avait gardé des bals et cafés montmartrois « ce côté réaliste, voire un peu canaille, que l’on trouve encore dans certains de ses portraits mondains ». Portraits trop faciles parmi lesquels, tout de même, quelques-uns ressortent : La Sphinx et L’écuyère sont rigoureux, approchent certains Derain.

    D’autres tableaux nous renvoient aux fêtes qu’aimait donner Van Dongen et qui étaient courues. Elles n’ont pas peu contribué à sa réputation. Soirées d’avant-guerre, plus folles soirées d’après, débridées, « non conventionnelles », nous dit-on. Un bal des années folles (1925) montre un homme en costume dansant avec une femme nue. Quant au peintre, il se représente tel qu’il apparut lors d’une soirée : en Neptune (1922). Difficile de déterminer la part de second degré qu’il mettait dans ces fêtes et dans ces tableaux.

    La crise de 1929 mit Van Dongen au pas. L’exposition s’arrête là. On connaît le joli portrait de BB, qui date de 1954 : il restait peu de créativité à cet artiste qui avait tant peint et aimé les femmes.

    Samuel

    Van Dongen, fauve, anarchiste et mondain.

    Jusqu’au 17 juillet 2011, musée d’Art moderne de la Ville de Paris.

    illustration : Kees Van Dongen, Le Chapeau rose, 1907 © Musée Fabre de Montpellier Agglomération Photographe Frédéric Jaulmes © ADAGP, Paris, 2011


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