• Vanités

     

    Au musée Maillol<o:p></o:p>

    Les Vanités<o:p></o:p>

    Présent du 20 février 2010<o:p></o:p>

    Au XVIIe naît la vanité, nature morte au crâne. Celui-ci est associé au sablier ; aux objets de divertissement, dont il rappelle le caractère vain : le verre, la pipe, les cartes, les instruments de musique. La vanité est un genre du Nord. Le Sud préfère placer le crâne, support de méditation, entre les mains de saint François d’Assise, en prière ou en extase (le Caravage, Zurbaran…). Le crâne accompagne saint Jérôme (Pietro Paolini), la Madeleine pénitente (Francisco Trevisani).<o:p></o:p>

    La vanité tire son origine du moyen âge. Les danses macabres sont collectives. Elles entraînent riches et pauvres vers la fin unique. C’est un lieu commun, mais puissamment exprimé. Selon un des commissaires de l’exposition du musée Maillol, cette égalité devant la mort est à l’époque « la seule forme de pensée démocratique… la seule véritable consolation à tant de peuples écrasés sous le joug de la servitude constante imposée par les pouvoirs constitués » (lol !). Est-il indispensable d’être « Directeur général du Ministère de la Culture italien » pour écrire pareille ânerie ? <o:p></o:p>

    Au XVe siècle, la représentation s’individualise. Au gisant succède ou s’ajoute le transi, figuration cadavérique. Tel était le programme iconographique du tombeau du roi René dans la cathédrale d’Angers, établi par ses soins.<o:p></o:p>

    Le cadavre en putréfaction, en proie à la vermine, plut à une époque et rebuta par la suite. Le goût explique qu’on ait fini par ne garder que le crâne. Le goût, et l’art : le squelette entier se prête aussi mal à la peinture qu’à la sculpture. L’intérêt plastique du crâne est indéniable. Par ses volumes, ses arrêtes, ses saillies et ses ombres, il attire l’attention de l’artiste, pour qui il reste, malgré tout, un visage : c’est encore un portrait. (Tout portraitiste se surprend de temps à autre à « deviner » le crâne sous les chairs. C’est technique.) En tant qu’objet d’étude, le crâne appartient au matériel d’atelier. Géricault en peint trois, Braque en pose un à côté de la palette, parmi les brosses. La vanité réapparaît épisodiquement, chez Cézanne, Hélion, Buffet, Picasso… <o:p></o:p>

    Le paganisme antique a pratiqué la vanité. La mosaïque pompéienne ci-dessus (illustration) est célèbre. La Roue de Fortune peut faire d’un homme, à vie ou tour à tour, un riche (vêtements à gauche) ou un mendiant (haillons et besace à droite), la fin sera la même, comme le rappelle le crâne sous lequel les ailes, nœud papillon, représentent l’âme. L’essentiel est de trouver son équilibre, exprimé par l’équerre à fil – ancêtre du niveau à bulle – qui couronne comme un toit cet édifice symbolique. Cette image rassemble deux thèmes que la chrétienté traitera distinctement : la vanité et la Fortune.<o:p></o:p>

    L’Antiquité a connu un autre squelette, celui qui circulait pendant les banquets. Chez Trimalcion, c’était un petit squelette en argent, « si bien pensé que ses articulations et ses vertèbres flexibles pouvaient se mouvoir en tous sens. » Son rôle était tout autre, invitation à jouir avant qu’il ne soit trop tard (« Ergo vivamus, dum licet esse, bene »), attitude impie que dénonçait en son temps Salomon. <o:p></o:p>

    Qu’en est-il du paganisme post-chrétien ? L’exposition permet de s’en faire une idée puisque les 2/3 des œuvres appartiennent à l’art « contemporain ». Le crâne y est un sujet de choix. Mais crâne signifie-t-il vanité ? Le drapeau pirate ni la casquette SS n’en sont. Il ne faut pas sous-estimer, dans cette obsession du crâne, le rôle de la communauté underground new-yorkaise confrontée au sida dans les années quatre-vingts. Keith Haring, décédé à l’âge de vingt-huit ans, est l’artiste phare de cette mouvance. Ici le crâne représente la force d’attraction du néant.<o:p></o:p>

    Les plasticiens actuels sont en bonne santé, plus florissants que les arts. Le crâne est exploité en tant que petite provoc’ facile. Il est moins Néant que Vide : la médiocrité est celle de l’époque, dont la conception de l’humanité, particulièrement basse, est perceptible dans l’art funéraire actuel, débile (1), et dans cet art débilo-ludique ou blasphématoire.<o:p></o:p>

    Confiez à Erik Dietman des crânes, des fémurs, un socle en bois et un capot en fer : il réalise La Sainte famille à poil, nature morte pour Carême (sic, 1990). A Damien Hirst, un crâne, une toile, de la laque, des couteaux et des coquillages : The Death of God (La mort de Dieu, 2006). Annette Messager compose un crâne géant au moyen de gants et de crayons de couleur (Gants-tête, 1999). Chacun y va de son crâne, l’essentiel étant de surprendre par l’utilisation et l’association de matériaux inattendus. L’inspiration quincaillière tient lieu d’originalité.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    (1) Cf. « La fosse très commune », Lovendrin n°5, mai-juin 2005.<o:p></o:p>

    C’est la vie ! Vanités, de Caravage à Damien Hirst.

    Jusqu’au 28 juin 2010, Musée Maillol. <o:p></o:p>

    illustration : Mosaïque polychrome de Pompéi, Ier siècle

    © Archives surintendance spéciale Beni et archologici Naples et Pompéi<o:p></o:p>


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