• Versailles: les sciences

    Au château de Versailles

    Un palais des sciences

    Présent du 12 mars 2011

    Dès sa conception, Versailles est un lieu d’application et d’expérimentation scientifiques. La construction du château et l’établissement du parc nécessitent d’importants travaux de terrassement pour lesquels on a recours aux traités d’optique, de perspective, à d’étranges instruments d’arpentage, tel un graphomètre à pinnules à échelle transversale. Un astronome, pas moins, intervient lors du nivellement du Grand canal : l’abbé Picard met au point une lunette dérivée de celles qu’il utilise pour les observations célestes. Canaux, fontaines et jets d’eau : la science hydraulique et l’ingénierie se dépassent pour mener à bien l’approvisionnement en eau. La maquette de la « machine de Marly » indique le degré de complexité du système, qui pompait l’eau de la Seine et la remontait à Versailles.

    Plus anecdotique ? La « chaise volante » construite pour madame de Châteauroux. Des maîtresses de Louis XV « la plus avantagée physiquement » (selon Jean de Viguerie), Mme de Châteauroux méritait bien cet ancêtre de l’ascenseur qui lui permettait, dans une cabine à contrepoids, d’accéder sans fatigue aux appartements du troisième étage. La chaise fut imaginée et construite en 1743 par Blaise-Henri Arnoult, l’un des machinistes de l’Opéra royal (sur ce savoir-faire théâtral, voyez l’exposition des Archives nationales, cf. Présent du 26 février).

    Grâce à la Ménagerie qui accueille espèces rares et exotiques, l’art vétérinaire se développe, mais moins que l’hippiatrie mise à contribution dans les Grandes Ecuries. Les naturalistes fréquentent la Ménagerie pour leurs observations. Buffon est plus livresque qu’observateur mais le succès de l’Histoire naturelle témoigne de l’intérêt du temps pour ces questions.

    A côté des naturalistes, les artistes animaliers. Nicasius Bernaerts, le maître de Desportes, dessine des poules, une autruche. Avant lui, Pieter Boel s’est adonné avec passion à dessiner les animaux, dessins complets ou études d’un détail, nerveux, précis. On le connaissait oiseleur, on le voit ici « orientaliste », dessinant le lynx et l’éléphant du Congo.

    La botanique, l’agronomie et la science apothicaire ne sont pas en reste. Dans les jardins, dans les serres, on cultive, on greffe, on acclimate. Le premier ananas à pousser à Versailles (1733) est glorifié par Jean-Baptiste Oudry dans une superbe peinture.

    L’agronomie, en un siècle où les famines locales sont fréquentes, est une préoccupation pour des scientifiques, pour des nobles. Entre tous, on se doit de distinguer Antoine-Augustin Parmentier (illustration). Non, il n’est pas « l’inventeur de la pomme de terre ». Il est d’abord, de formation, apothicaire, il sert aux armées lors de la Guerre de Sept Ans, puis il est le pharmacien principal des Invalides. Sa charité à l’égard des vieux soldats le fait aimer. Altruiste, ce savant solitaire a à cœur de résoudre les grands problèmes d’alimentation de l’époque, ceux de la qualité et ceux de la disette, ceux de la cherté aussi. Il ne dissocie pas les recherches en laboratoire des essais en pleine terre et de l’expérimentation culinaire. S’il reste celui qui a vaincu les préjugés parisiens relatifs à la pomme de terre, il s’occupe aussi du lait, du maïs, des farines, des questions d’hygiène que posent les fosses d’aisances et les cimetières urbains (1). Ses recherches variées sont consignées dans 165 articles et livres. De nos jours, c’est votre quotidien Présent qui s’honore de voir s’y exprimer les gènes Parmentier.

    Les princes reçoivent une solide éducation scientifique. Les instruments, les maquettes et les jeux sont des outils pédagogiques de qualité. Instruits dans cette partie, vivant dans un siècle scientifique, Louis XV et Louis XVI expérimentent eux aussi et disposent d’instruments et machines perfectionnées. La curiosité royale a patronné certains événements qui ont marqué l’histoire de Versailles : le miroir ardent de François Villette qui sous Louis XIV illumine la galerie des Glaces, le ballon des Montgolfier qui s’élève en 1783, ou encore le baquet magnétique de Mesmer qui s’amuse à secouer d’une décharge électrique les courtisans assemblés.

    Au siècle des Lumières, dont le mécanicisme inspire la philosophie et les sciences (comme l’a montré le Pr Xavier Martin), l’intérêt pour les automates croît et l’habileté permet de décupler leurs performances. Le célèbre Vaucanson, le créateur d’un canard plus vrai que nature, offre à Marie-Antoinette une joueuse de tympanon qui exécute un morceau, tout en bougeant bras, tête, yeux (1784). Ce remarquable automate a été réalisé par un horloger (Pierre Kintzing) et un ébéniste (David Roentgen). Magie des automates ! Cette musicienne nous renvoie au Joueur d’échec de Maelzel, analysé par Edgar Poe, à l’Eve future imaginée par Villiers de l’Isle-Adam.

    Samuel

    (1) Voir sa biographie : Parmentier, par Anne Muratori-Philip (Plon).

    Sciences et curiosités à la cour de Versailles.

    Prolongation jusqu’au 3 avril 2011, Château de Versailles.


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