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Vincennes (le donjon)
Au château de Vincennes<o:p></o:p>
Le donjon se visite<o:p></o:p>
Présent du 16 juin 07<o:p></o:p>
Pour le Parisien moyen, Vincennes n’est qu’une direction suburbaine indicative, un terminus extra-muros aux antipodes de la Défense. Tout l’oppose à la Défense, d’ailleurs : c’est un lieu d’histoire et non un quartier d’affaires ; la pierre y absorbe la lumière pour la restituer colorée et adoucie, à l’inverse des surfaces vitrées des gratte-ciels dont les reflets sont aveugles et hostiles.<o:p></o:p>
L’occupation du site commence au XIIe siècle. D’abord simple relais de chasse royal en forêt de Vincennes, il se palatalise peu à peu et Jean le Bon, au XIVe, entreprend l’édification du donjon. Son fils Charles V achève le donjon, et ceint l’ensemble d’une fortification. Résider à Vincennes et y gouverner était stratégique : cela permettait de surveiller les mouvements d’humeur de Paris tous en restant protégé de leurs effets. Charles V n’était pas près d’oublier les remous suscités par les revendications d’Etienne Marcel.<o:p></o:p>
Il entama également la construction d’une Sainte chapelle pour y garder une épine de la Sainte Couronne (les autres étant honorées dans celle de Paris), qui ne fut achevée que sous Henri II par Philibert Delorme. Elle vient d’être fermée au public et sa restauration va commencer, maintenant que celle du donjon est achevée.<o:p></o:p>
Pour découvrir le donjon, la visite guidée est fortement recommandée. Elle dure une heure et demie. J’ai eu droit à une visite type : il y avait la dame qui pose des questions sans écouter la réponse ; et le monsieur qui pose des questions pour le plaisir d’y répondre lui-même. Une humeur égale est aussi nécessaire, pour un guide, qu’une mémoire sûre.<o:p></o:p>
Après un petit détour par les vestiges de la fontaine du manoir d’origine, auprès desquels un chêne a été planté en mémoire de saint Louis, on se dirige vers le châtelet, petite construction fortifiée qui protégeait l’entrée du donjon mais comportait aussi des bureaux et des « pièces à vivre » (pour parler comme un décorateur). Sa façade était très ornée mais peu de sculptures ont résisté. Les armes du roi ont été bûchées, ainsi que deux dauphins, encore lisibles malgré tout – le lien est fait avec les chartes actuellement exposées au Archives nationales (Présent du 26 mai). Une sculpture de la Trinité couronnait le tout, il ne reste que le socle.<o:p></o:p>
Le donjon a fière allure. La lisibilité de sa conception montre l’intelligence de l’architecte. De plan carré, cantonné d’une tour à chaque angle avec un aileron au sud, il s’élève sur cinquante mètres de haut. L’intérieur est tout aussi simplement pensé. Chaque étage est une pièce unique, carrée donc, voûtée de quatre ogives contrebutées sur les côtés par l’épaisseur suffisante des murs et se contrebutant les unes les autres au centre en retombant sur une colonne, qui, du rez-de-chaussée aux étages supérieurs constitue en quelque sorte la colonne vertébrale du bâtiment. Cette colonne confère à chaque salle légèreté et élégance, et met en évidence l’harmonieuse proportion du plan et de l’élévation.<o:p></o:p>
A l’architecture identique correspond un décor identique, du moins pour les trois premiers niveaux, qui sont ceux qu’on parcourt. Les ogives reposent sur des culots : à chaque angle on trouve un des éléments du tétramorphe ; les quatre autres culots sont occupés par un prophète – façon classique d’exprimer la continuité entre Ancien et Nouveau Testament. Cette répétition est assez rare pour une époque qui aimait la diversité des décors et, le thème uniquement religieux surprend dans un lieu profane, quand tant de motifs profanes se répandaient dans les édifices religieux. C’est bien la piété de Charles V qui s’exprime avec ces motifs déterminés – aux deux sens du terme : le cabinet du roi reprend encore le tétramorphe, et une des deux clés de voûte est ornée d’une Trinité qui rappelait celle du châtelet.<o:p></o:p>
Les siècles suivants ont eu le bon goût de ne pas modifier ni raser le donjon tandis que le site évoluait : Louis XIV confia à Le Vau l’édification de deux bâtiments, le pavillon du Roi et celui de la Reine. Mais, Versailles construit, le château de Vincennes perdit son rang de résidence et devint prison, une sorte de quartier VIP. Les cellules étaient aménagées dans les tourelles. Henri de Navarre, l’abbé de Saint-Cyran, le Grand Condé, le cardinal de Retz, Fouquet, Diderot, Mirabeau, Sade, Blanqui, Raspail… y firent un séjour. Napoléon y enferma son confesseur. C’est lui qui acheva l’arasement des tours, pour adapter le château à l’artillerie. <o:p></o:p>
Les miniatures médiévales nous montrent le donjon et les tours émergeant des frondaisons serrées du bois de Vincennes. Aujourd’hui seuls restent le donjon et la tour dite « du village », et le panorama d’une commune de banlieue n’a rien de sylvestre ni de seigneurial. Cependant le château de Vincennes abrite le Service historique de la Défense, un rôle en parfait accord avec son importance patrimoniale.<o:p></o:p>
Samuel<o:p></o:p>
Château de Vincennes
illustration : Le donjon vu de l’Est © Schwa Ltd
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Tags : Vincennes, architecture, Moyen Age
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