• Vollard (Ambroise)

    Au musée d’Orsay<o:p></o:p>

    Monsieur Vollard,

    marchand<o:p></o:p>

    Présent du 14 juillet 07<o:p></o:p>

    Le musée d’Orsay a rassemblé des toiles qui toutes sont passées un jour par la galerie d’Ambroise Vollard (1866 –1939). Certaines, à nous connues, appartiennent au musée, d’autres proviennent de collections américaines et européennes : il est toujours bon de voir une toile face à face et non en reproduction.<o:p></o:p>

    Ça commence par des Cézanne, et des meilleurs, paysages, natures mortes et figures comme le célèbre petit autoportrait ou les Joueurs de cartes. L’exposition que Vollard organisa en 1895 (Cézanne avait déjà 56 ans) fit connaître le peintre à un cercle élargi d’amateurs et prépara sa révélation au public. Le public… devant La corbeille de pommes, deux jeunesses discutaient de l’épisode de Grey’s anatomy qu’elles avaient regardé la veille.<o:p></o:p>

    Les Van Gogh qu’il acheta le furent principalement à la femme de Théo Van Gogh. Signalons comme tableaux venus de l’étranger L’Arlésienne, Tournesols, Les lauriers-roses (1888), magnifique bouquet qui allie vigueur de la touche et finesse des coloris. Deux volumes sont posés près du vase, dont un Zola, de même que sur une autre toile figurent un Goncourt et un Maupassant : la littérature naturaliste était très appréciée de Van Gogh, qui pensait faire la peinture correspondante. En réalité tout ce qu’il peignait prenait de la hauteur. On comparera un portrait du père Tanguy à celui du musée Rodin (Présent du 30 juin) : portrait encore descriptif, mais où perce déjà la volonté d’exprimer l’intériorité et non la matière.<o:p></o:p>

    Continuons : des pastels de Degas, des peintures de Renoir, de Gauguin (la presque fresque Pastorale tahitienne, de Londres) ; et des Nabis, quelques Vuillard, des fusains d’Odilon Redon (illustration). Vollard finança les voyages de Derain à Londres, où il peignit trois vues fauvistes de haute tenue. On finit par des Picasso, dont le plus valable n’est pas, à mon goût, celui qui a été choisi pour l’affiche de l’expo, mais La coiffure (1906), d’une savante composition, et des teintes terre et bleu gris.<o:p></o:p>

    Ambroise Vollard a aussi œuvré dans l’édition bibliophilique. Il a lancé la mode de tirages luxueux sur beau papier de textes classiques ou non, spécialement illustrés par des artistes : Le Jardin des supplices de Mirbeau illustré par Rodin (1902) ; Passion, de Suarès, par Rouault (1929) ; Le chef-d’œuvre inconnu de Balzac par Picasso (1931), etc. Livres d’art qui, au final, sont illisibles : la composition en caractères de très gros corps est désagréable à l’œil. Un volume qui se tient bien en main, à la typographie serrée, permet une lecture concentrée : c’est ce qui fait le charme de nombreux vieux Livre de Poche.<o:p></o:p>

    Nul doute que les goûts de Monsieur Vollard étaient sûrs ; manque juste à l’exposition un regard critique sur la part commerciale de son activité. Le cartel du tableau Les peupliers indique avec quiétude que Vollard l’acheta à l’artiste pour 200 fr. et le vendit un an plus tard pour 2000 fr, l’artiste étant toujours vivant. Le marchand d’art est un personnage assez récent dans l’histoire. Il apparaît quand les peintres désorganisés par la disparition des corporations se trouvent fragilisés et doivent se mettre en quête d’un intermédiaire entre eux et les acheteurs. Qu’Ambroise Vollard soit « le marchand qui eut l’influence la plus décisive sur le développement de l’art moderne » se vérifie aux sommes colossales en jeu aujourd’hui, évoquées par Jeanne Smits le 23 juin dernier (L’Art Contemporain, vu d’un peu plus près). Les artistes profitent de l’envolée des prix, il n’en était rien autrefois.<o:p></o:p>

    Gauguin, aux Marquises, eut fort à souffrir des manières de Vollard avec qui il était en affaires. Le marchand non seulement envoya irrégulièrement et partiellement les sommes dues, mais encore dissimula l’existence des toiles en sa possession aux personnes qui souhaitaient en acquérir : cela s’appelle de l’accaparement. M. Malingue, l’éditeur des Lettres de Gauguin à sa femme et à ses amis (Grasset), n’hésite pas à désigner Vollard comme « un des principaux responsables de la misère de Gauguin. » Le marchand trouve des défenseurs dont le seul argument est que Gauguin avait un caractère difficile : étrange justification de la spéculation. <o:p></o:p>

    Après avoir envoyé à Gauguin le minimum vital pendant quelque temps en échange de l’expédition de ses toiles, Vollard finit par cesser son soutien, tout en faisant le mort postal, laissant l’artiste dans le désarroi : la dernière lettre de Gauguin (à son ami Monfreid) relate cette situation cruelle, alors qu’il attend plus de 1500 fr dus par Vollard qui le laisse sans aucune nouvelle. Le jeu trouble des marchands d’art, l’histoire n’en est pas encore écrite, et le musée d’Orsay ne s’est pas risqué à aborder la question.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    De Cézanne à Picasso : chefs-d’œuvre de la galerie Vollard,<o:p></o:p>

    jusqu’au 16 septembre 2007, Musée d’Orsay,<o:p></o:p>

    illustration : O. Redon, Profil de Lumière, Musée d'Orsay © Photo RMN - Gérard Blot<o:p></o:p>


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