• Voyage en Gérousie

    Au musée de l’Assistance Publique<o:p></o:p>

    Géronte pensionnaire<o:p></o:p>

    Présent du 16 février 08<o:p></o:p>

    Le musée de l’AP-HP occupe une partie de l’Hôtel de Miramion, sur la paroisse de Saint-Nicolas du Chardonnet, où Mme de Miramion (1629-1696), célèbre d’abord pour avoir été, sans dommage pour son honneur, enlevée par Bussy-Rabutin, installa sa communauté de filles enseignantes et soignantes. On sait l’essor au XVIIe des congrégations aux services des pauvres, des malades, et des plus vulnérables vieillards. Ceux-ci, depuis le Moyen Age, n’avaient guère que les monastères pour abriter leurs dernières années, mais le XVIIe se caractérise par la tentative d’établir une aide plus rationnelle.<o:p></o:p>

    En 1789 la notion d’assistance remplaça celle de charité et un Comité de mendicité fut chargé de l’organiser. Le musée de l’AP-HP revient sur les deux siècles d’accueil des personnes âgées à Paris qui ont suivi. <o:p></o:p>

    L’hébergement des personnes âgées défavorisées ne fut pas uniforme, car dès la période révolutionnaire l’énormité de la tâche empêcha la nationalisation des moyens d’accueil et délégua ceux-ci à la responsabilité des municipalités, tandis qu’au XIXe reprenaient les initiatives religieuses (Petites sœurs des pauvres de Jeanne Jugan – 1839) et laïques (fondation Rossini, par sa veuve, pour accueillir les vieux chanteurs – 1889).<o:p></o:p>

    Pour s’en tenir à l’assistance officielle, trois photographies parlantes : à Sainte-Périne, où sont accueillis les fonctionnaires retraités en difficulté, chambres individuelles meublées ; à la Salpêtrière (et Bicêtre) dortoir de deux rangées de lit à courtines avec chaises et table personnelles ; à Nanterre, dortoir à quatre rangées de lit sans rideau. C’est à Nanterre qu’échouaient les pensionnaires renvoyés d’autres établissements pour alcoolisme ou mauvais comportement. <o:p></o:p>

    A conditions distinctes, rations de vin différentes : 52 cl de vin quotidien à Sainte-Périne, 32 cl à Bicêtre et 25 cl à Nanterre. La ration de vin et de tabac a toujours été codifiée par l’administration. C’était un sujet sensible, objet de contestation de la part des pensionnaires, qui n’hésitaient pas, dans ce domaine comme dans d’autres, à réclamer par voie de pétition. Imaginer des personnes âgées hébergées dans des conditions déplorables, sous la férule d’une administration omnipotente est une erreur. La cruauté du système, bien intentionné, apparaît surtout dans la séparation des conjoints indigents ou incurables, placés dans deux hospices différents.<o:p></o:p>

    Globalement la vie quotidienne n’était pas noire. La corvée d’épluchage, par exemple, n’est pas à considérer comme une exploitation mais à replacer dans le cadre du travail en général (imprimerie, artisanat…) organisé à titre d’hygiène de vie, de maintien de vie sociale. Obligatoire jusqu’en 1897, elle devint ensuite volontaire et rémunérée (illustration). Dans le domaine des loisirs, la qualité et la variété des programmes musicaux et théâtraux proposés surprennent, ainsi que leur fréquence. <o:p></o:p>

    Un repère important des hospices et maisons de retraite était la chapelle, où messes et instructions religieuses étaient fréquentes. La fête patronale de l’établissement était l’occasion de cérémonies qui dépassaient largement le cadre de l’institution. Un carton à la typographie surannée invite ainsi à la fête de l’Asile des Cinq Plaies de Notre-Seigneur, « asile pour les femmes incurables et les jeunes filles idiotes » (1883).<o:p></o:p>

    Pratiques religieuses inexistantes ou presque, de nos jours. Les plaquettes présentant telle ou telle résidence placent la messe occasionnelle à la rubrique Animations, entre le karaoké et le macramé, ou après la coiffeuse et l’esthéticienne. Révélatrice, la disparition, dans le vocabulaire du personnel de maisons de retraite, des mots « agonie » et « mort ». L’expression « fin de vie » les remplace tous deux. « Mme Untel est en fin de vie », « On a eu une fin de vie » sont les tournures correctes qui révèlent un tabou prégnant. Toute préoccupation spirituelle est absente de la gérontologie, qui semble n’être que la version scientifique des mythes de la Fontaine de Jouvence et du Chaudron de régénération : loin sont les ars moriendi. <o:p></o:p>

    L’essai de Simone de Bobeau est lisible (La vieillesse, 1979) mais autrement supérieur est un texte plein d’humanité assaisonnée d’humour : Les derniers jours d’Emmanuel Kant, de Thomas De Quincey, vie imaginaire à la manière de Marcel Schwob (et d’ailleurs traduite par lui, réédition Allia, 2004). Kant nous est dépeint vieillissant, perdant peu à peu ses facultés, mais soutenu par la régularité de sa vie et la délicatesse de ses amis et domestiques. Démonstration de dignité dans le déclin, cette œuvrette est un soin palliatif à l’usage des angoissés du vieillissement.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Voyage du pays de Gérousie, jusqu’au 15 juin,

    Musée de l’Assistance Publique, 47 quai de la Tournelle, Paris Ve.

    illustration : La corvée d’épluchage à l’hospice d’Ivry, vers 1910 © AP-HP/Archives<o:p></o:p>


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