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Ingres, les dessins
Au musée de la Vie romantique<o:p></o:p>
Ingres sur papier<o:p></o:p>
Présent du 27 septembre 08<o:p></o:p>
J.-A.-D. Ingres (1780-1867) eut fort à faire pour que sa peinture soit acceptée sans réticence, mais son dessin – la ligne telle qu’il la peignait, la ligne ingresque épurée – fut toujours louée. Le musée Ingres de Montauban possède une collection considérable de dessins. Catherine Lépront, écrivain, a été invitée à piocher dans ce fonds.<o:p></o:p>
Pas de dessin qui ne soit destiné à être traité en peinture. Le maître ne lésinait pas sur l’esquisse : la réalisation des grandes toiles était précédée de quelques centaines de dessins. Personnage par personnage, détail par détail, le bras comme-ci, le bras comme-ça, la main plus ou moins infléchie… Avant même d’être habillée, la pose est étudiée nue pour que sa justesse anatomique ne pâtisse d’aucune négligence, puis drapée. <o:p></o:p>
Toutes ces références aux œuvres majeures du peintre retracent sa carrière partagée entre Paris et Rome comme entre échecs et succès. Grand prix de Rome en 1801, Ingres n’y partit qu’en 1806, l’Administration n’ayant pas le budget nécessaire. Arrivé là-bas, il apprit que ses toiles présentées au Salon avaient été vivement critiquées, en particulier par David et ses élèves. Les années suivantes ne lui donnèrent pas envie de regagner Paris : ses envois à l’Académie, auxquels en tant que pensionnaire de la Villa Médicis il était tenu, furent jugés sévèrement, ses envois aux Salons de 1814 et de 1819 ne firent pas l’unanimité. Ingres vécut dix-huit années d’exil en Italie.<o:p></o:p>
Cependant la toile peinte pour la Trinité-des-Monts (Jésus remettant les clefs à saint Pierre) fit parler d’elle, et Montauban demanda une œuvre pour la cathédrale. Le Vœu de Louis XIII y fut installé en 1824. La Vierge est raphaélesque, sa pose se ressent du projet initial, une Assomption. Une très belle étude montre les anges qui écartent les rideaux dans des poses chorégraphiques, nettement atténuées malheureusement dans le tableau. Le Vœu fit taire les ennemis d’Ingres, qui rentra à Paris. <o:p></o:p>
Dix ans s’ensuivirent, de reconnaissance : Delacroix et l’école romantique lui rendent justice ; il a la Légion d’Honneur, est nommé président de l’Ecole des Beaux-Arts. Le Martyre de saint Symphorien lui est commandé par l’évêque d’Autun, lieu du martyre. De nombreux dessins mettent en lumière la mise en place, lente, des nombreux personnages, de leurs attitudes et de leurs gestes. Le tableau reprend la légende dorée du saint : la mère de Symphorien s’adresse à son fils « de dessus le mur » en lui montrant le ciel, « Mon fils, mon fils, souviens-toi de la vie éternelle ; lève les yeux en haut, et contemple celui qui règne dans le ciel. On ne t’ôte point la vie, on la change pour une meilleure existence », tandis que le préteur, d’un geste (illustration), ordonne le supplice du jeune homme qui a refusé d’honorer la statue de Vénus.<o:p></o:p>
Hélas ! le tableau, présenté au public en 1834, s’attira une bordée immédiatement lâchée, cruelle. Ulcéré, le peintre demanda et obtint le poste de directeur de la Villa Médicis, où il resta six ans. (Il fut un excellent directeur, actif, proche des élèves, exigeant.) L’estime que provoqua son tableau Stratonice (1840) adoucit sa blessure et le décida à regagner Paris, à jamais cette fois. L’unanimité qui avait fait défaut était totale désormais, n’y manqua que l’acquiescement de Delacroix avec qui le désaccord artistique était définitif.<o:p></o:p>
La peinture d’Ingres a souvent, malgré bien des qualités, un côté ennuyeux. Ses dessins aussi , ils expliquent ce défaut, d’ordre technique et non imaginatif : il a cherché la pureté calligraphique du trait et non sa spontanéité (pour reprendre l’analyse et les termes d’Henri Charlier). Quand Catherine Lépront écrit que « Plus l’idée se précise plus le dessin est épuré. Le corps semble perdre de sa matière, littéralement se désincarner pour qu’il n’en subsiste que son contour essentiel, sa forme stricte, comme si Ingres avait procédé par gommages successifs de données superflues » – quand elle écrit cela elle a partiellement raison dans la mesure où Ingres a en partie tort, ce ne sont pas des données superflues qui ont été gommées, mais la vie même du corps que seule la vivacité du trait communique. « Il faut modeler rond, et sans détails intérieurs apparents », disait Ingres ; les figures deviennent alors ces silhouettes que C. Lépront nomme des ombres permanentes.<o:p></o:p>
Ingres était tout exigence à l’égard de son art, et c’est à son honneur, mais il se trompa de méthode. Ce pourquoi ses contemporains l’admiraient, était en réalité une faiblesse. Ingres, à force de surveiller sa ligne, ennuie comme, à table, une femme qui surveille la sienne au lieu de profiter.<o:p></o:p>
Samuel<o:p></o:p>
Ingres, Ombres permanentes, <o:p></o:p>
jusqu’au 4 janvier 2009, Musée de la Vie romantique<o:p></o:p>
Illustration : Le préteur (détail du Martyre de st Symphorien) © Musée Ingres, Cliché Roumagnac<o:p></o:p>
Tags : Ingres, dessin XIXe
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Commentaires
1kokoSamedi 23 Avril 2011 à 22:38ah c'est osé de critiquer quelqu'un qui est maintenant reconnu comme un grand maitre, moi j'ai toujours adoré Ingres, ses personnages ressemblent à de l'infographie, c'est ce qui fait son charme. En fait il faut bien que les peintres se différencient tout de même.Répondre
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