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Voyage en Italie
Toujours l’Italie
Présent du 17 octobre 09
Un peu d’Italie est toujours bon à prendre. Après Orsay le printemps dernier (le voyage italien au XIXe), le Petit Palais et la Vie romantique s’associent pour évoquer le voyage artistique à partir du XVIIe siècle.
Albrecht Dürer fut, dans les années 1500, le premier étranger à venir en Italie pour goûter par lui-même l’ambiance créatrice des cités. A partir des années 1510, les œuvres de Michel-Ange et de Raphaël, sans oublier les antiquités, attirèrent à Rome les artistes italiens eux-mêmes, puis leurs confrères européens. Le voyage à Rome devenait une étape essentielle de la vie d’un artiste, et ce pour trois siècles et demi.
Les artistes français ont bénéficié d’un séjour institutionnel sous la forme du Prix de Rome, entre 1663 et 1968. D’abord réservé aux peintres et aux sculpteurs, le Prix a été élargi aux architectes (1720), puis sous Napoléon aux musiciens et aux graveurs. Le séjour de plusieurs années s’effectuait aux frais de la Couronne, de la République. Certains artistes sont devenus de très appréciés directeurs de la Villa Médicis, Ingres par exemple.
Il n’y avait pas que des primés à fréquenter Rome. L’attraction était telle que tout peintre tentait d’y aller, à ses frais ou à la charge d’un mécène. Delacroix ne put faire le voyage. Le premier voyage de Corot fut financé par ses parents, deux autres suivirent. La présence française à Rome est continue, riche, changeante puisque les uns arrivent et les autres partent ; mais certains y restent longuement. Au XVIIe, Jacques Sarrazin y séjourne dix-huit ans, François Perrier cinq ans puis dix ans, Simon Vouet douze ans, Pierre Mignard vingt ans, Poussin seize ans. Le Roi rappelle ceux dont il estime le talent nécessaire à son éclat. Vouet et Mignard s’exécutent, Poussin aussi mais n’a qu’une hâte, retourner à Rome, où il passe les vingt-cinq dernières années de sa vie.
Claude Gellée, dit le Lorrain (1600-1682), adolescent orphelin, quitte sa région natale et arrive – plutôt par hasard – à Rome où il devient domestique du peintre Agostino Tassi. Il broie les couleurs, s’essaye à peindre, étonne son maître qui le prend comme élève. Il se forme également à Naples puis en Lorraine auprès de Claude Deruet, lui-même ancien romain. Touché par le virus italien, Claude Gellée regagne Rome pour n’en plus partir. Il est le paysagiste de la campagne romaine, peintre autant que graveur. Une salle entière de l’exposition est consacrée à ses eaux-fortes, une quarantaine appartenant au legs Dutuit.
Le Lorrain aime les effets de lumières, les aubes et les crépuscules dans des ports imaginaires, les orages dans la campagne (illustration). Les bergeries (La danse au bord de l’eau) cèdent le pas aux sujets mythologiques sans que l’atmosphère ne perde de sa poésie, ni le trait de sa générosité. La peinture de Poussin est évidemment pour quelque chose dans cette mythologie, mais le Lorrain garde toute sa personnalité. Deux talents aussi différents avaient leur place à Rome.
Autre clou de l’exposition, les huit panneaux peints par Hubert Robert (1733-1808) pour l’hôtel que Beaumarchais fit construire dans le quartier de la Bastille en 1790 et la Ville de Paris démolir en 1826. Ces peintures échappèrent heureusement à l’incendie de 1871 mais furent séparés : deux au Petit Palais, six à l’Hôtel de Ville. Leur réunion est un événement.
Hubert Robert séjourna en Italie de 1754 à 1765. Il se spécialisa dans les paysages à vieilles pierres, devenant « Robert des ruines », plus productif que fécond, mais parfois heureusement inspiré. Beaumarchais lui reprocha d’avoir peint trop rapidement ces panneaux, mais leur qualité est indéniable. Chacun associe une statue antique à un paysage ou des ruines, avec quelques personnages. Un arbre donne l’oblique ou la verticale. Les plus réussis sont Le Gladiateur, La Vénus Callipyge, sculpture dont il existe au Louvre une copie réalisée par François Barois à Rome dans les années 1680, ainsi que L’Apollon, que des dessinateurs sont occupés à étudier. Les sculptures sont toutes des références « classiques » : la Vénus Médicis, l’Hercule Farnèse, le Laocoon…
Certains peintres du XIXe laissent froid (Pils, Girodet, Chauvin…). D’autres sont touchés par la grâce italienne. Les petites peintures de François Marius Granet, dénuées de la raideur néo-classique, représentent des voûtes ombreuses de couvent, de passages. (Ingres a fait le portrait de ce peintre en 1807, sur panorama romain.) Paul Huet dessine la Campagne romaine, très beau dessin à la plume (1842). Moins présente, la figure est celle de la muse : Corot reste paysagiste en peignant sa Marietta (L’odalisque romaine) ; Carpeaux sculpte le buste de la Palombella.
Samuel
Souvenirs d’Italie (1600-1850), Chefs-d’œuvre du Petit Palais.
Jusqu’au 17 janvier 2010, Musée de la Vie romantique.
illustration : Claude Gellée, Le troupeau en marche par temps orageux © Petit Palais / Roger-Viollet
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Tags : italie, voyage, arts
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