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VICTOR HERCULÈS<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>
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Victor Hugo est le Johnny Hallyday du romantisme. Pourquoi un tel succès ? Il y avait une place à prendre comme chef de rayon, au rayon Épique. Les morts prématurées dAndré Chénier et de Maurice de Guérin, de talents plus fins, plus aristocratiques, étaient une aubaine. Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois. Hugo fut dailleurs royaliste mais, et cest la seconde raison de son succès, il devint républicain, tellement il collait à son siècle. Il avait, de son siècle, lépaisse couenne bourgeoise. Il écrivait des vers comme dautres pèsent du buf haché :<o:p></o:p>
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Ce siècle avait deux ans, Rome remplaçait Sparte,<o:p></o:p>
Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte.<o:p></o:p>
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Cette fécondité, ou ce productivisme, mot qui convient bien à ce contemporain des débuts de lère industrielle, nest pas pour rien dans ladmiration des foules pour cet homme : cest ce quon a nommé laune bourgeoise de la quantité, ladoration du nombre. Charles Péguy dira de Victor Hugo que « faire des mauvais vers lui était parfaitement égal, pourvu que tous les matins il fît, il eût son compte de vers. Il pensait quil valait mieux faire des mauvais vers que de ne pas en faire du tout. » (Notre Patrie) Ce quon reprochera à Hugo, ce nest pas davoir écrit de mauvais vers (on voudrait bien en avoir écrit daussi mauvais), cest de les avoir publiés. Parfois les épiciers vendent des produits périmés.<o:p></o:p>
Il y a dans ses carnets intimes de beaux passages de grandiloquence relatés avec le plus grand sérieux. Il lance dans la foule quelques mots quil estime historiques et, le soir venu, les recueille pieusement dans un petit carnet à spirale. <o:p></o:p>
« Chemin faisant, jai vu dans un bois un campement de soldats français, hommes et chevaux mêlés. Je leur ai crié « Vive larmée ! » et jai pleuré. » <o:p></o:p>
Cest, effectivement, à pleurer.<o:p></o:p>
« En entrant, jai dit aux blessés : « - Vous voyez un envieux. Je ne désire plus rien sur la terre quune de vos blessures. Je vous salue, enfants de la France, fils préférés de la République, élus qui souffrez pour la patrie ! » Ils semblaient très émus. » <o:p></o:p>
Ils devaient surtout souhaiter quon leur fiche la paix.<o:p></o:p>
« On a renoncé à me demander lautorisation de dire mes uvres sur les théâtres. On les dit partout sans me demander la permission. On a raison. Ce que jécris nest pas à moi. Je suis une chose publique. » <o:p></o:p>
Tel quel, sans sourciller.<o:p></o:p>
« Jai faim, jai froid. Tant mieux. Je souffre ce que souffre le peuple. »<o:p></o:p>
Quel bon pair courant à la députation, à lAcadémie ! « Ce jour-là, où était la fierté de la Muse romantique ? Ce jour-là, lhomme qui sest tant moqué des ailes de pigeon en a mis. » (Barbey dAurevilly) Oui, Victor Hugo avait du pigeon, cette manière de traîner dans les rues à faire le beau et y ramasser les femelles.
Mais il y a un autre Hugo : dans les poèmes ayant trait à la mort de sa fille Léopoldine, Demain dès laube , Elle avait pris ce pli dans son âge enfantin , et dans ses carnets quand il évoque la mort de ses fils Charles (mars 1871) et Victor (décembre 1873). Laccent est pudique et sincère, le ton attachant. Cet homme qui mourut si vieux, sur qui la mort semblait avoir si peu de prise, y était en réalité fort sensible et la redoutait. Il baissait la voix en sa présence et, du coup, chantait juste.<o:p></o:p>
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Amédée SCHWA<o:p></o:p>
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La plupart des peintures sont à l'huile sur toile, mais il y en a sur bois, carton toilé, toile marouflée... Quelques gouaches dans le tout.
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L<o:p></o:p>
es îles Marquises furent pour Gauguin comme une île où il échoua après plusieurs naufrages aux yeux du monde. Sous cette apparence de naufrage se cachait en réalité lextraordinaire découverte dun nouveau monde : il fut un Christophe Colomb. Il fut aussi un Robinson Crusoë qui réalisa sur son île le monde idéal quil pressentait, celui de sa vision, mais que personne ne vint rechercher.<o:p></o:p>
Dautres peintres avant lui avaient pris la route. Delacroix avait rapporté du Maroc de beaux croquis. Les Orientalistes avaient étudié les couleurs locales, les plus doués avec beaucoup dauthenticité, Fromentin par exemple. Mais cette couleur locale mêlée de pittoresque donnait à leurs uvres un cachet exotique plus ou moins prononcé, appelé à devenir nuisible à la longue. On chercherait en vain cet exotisme chez Gauguin : force est de constater que sa peinture dans les îles est dans la lignée de sa peinture en Bretagne. Il progresse en Océanie, mais cest toujours le même chemin quil suit. Ce nest pas là le moindre prodige de sa vie, que cette poursuite incessante vers labsolu de sa vision de peintre sans se laisser distraire par le paysage changeant.<o:p></o:p>
Les îles où se réfugient les héros naufragés sont toujours des îles désertes. Gauguin mourut abandonné de tous, lui qui navait abandonné personne. Il sagit maintenant de corriger le mythe détestable qui veut à toute force que Gauguin ait délaissé sa famille pour la peinture. Approbation des uns, qui en font un révolutionnaire en rupture avec son milieu ; blâme des autres, qui en font un salaud et prétendent ainsi réduire sa peinture à néant. Si la légende disait vrai, ce ne serait pas à lhonneur de Gauguin mais nôterait rien à son génie ; or on constate en lisant les lettres de Gauguin à sa femme que cest la belle-famille danoise qui a séparé les deux époux, nappréciant pas que Gauguin ait quitté une fructueuse position de financier pour le métier de peintre. La famille Gauguin partit au Danemark parce que la vie en France était devenue trop difficile ; sur place on proposa aux époux une séparation provisoire quon rendit définitive par la suite. <o:p></o:p>
Un artiste français pauvre, marié à une Danoise, une belle-famille qui essaye de les séparer, cest aussi un épisode de la vie de Léon Bloy ; la similitude des situations est assez curieuse pour être signalée. Bloy note dans son journal, en juin 92[1] : « Jeanne a reçu 10 fr. et une lettre affectueuse. Seulement, je parais être éliminé complètement et ce conseil fantastique est donné à ma femme de se séparer de moi pour aller vivre au Jutland avec Véronique. Notre chère enfant est évidemment la cause de cet accès de tendresse maternelle. On voudrait la ressaisir. » Quelques jours plus tard : « [Jeanne] reçoit une lettre odieuse de lamie Danoise à qui elle écrivait le 17 et dont elle se croyait si sûre. [ ] Pas un mot pour moi. Je suis éliminé, je ne compte pas. Évidemment Jeanne est très coupable davoir épousé un homme pauvre. Lhospitalité lui est offerte en Danemark. Elle irait vivre là-bas avec Véronique et je me débrouillerais ici comme je pourrais, etc. Ma belle-mère avait déjà donné ce conseil. » <o:p></o:p>
Sept ans auparavant, Gauguin avait été victime du même procédé (« Maintenant que ta sur a réussi à me faire partir » écrit-il à sa femme[2] en août 85, et un mois plus tard : « je mattends à tout de ton pays et de ta famille ») ; mais lissue en avait été dramatique pour lui. Jeanne Molbech connaissait la pauvreté de Bloy avant de se marier, alors que Mette Gad avait épousé un jeune homme à lavenir professionnel prometteur qui sétait « dévoyé » : là réside sûrement lexplication. Le « Jeanne est très coupable davoir épousé un homme pauvre » trouve son écho chez Gauguin : « naturellement pour ta famille, je suis un monstre de ne pas gagner dargent » (août 85). Il noublie pas les protestants : « jai été sapé par en dessous par quelques bigotes protestantes, on sait que je suis un impie » (août 85). Léon Bloy, à loccasion dun voyage au Danemark (fait, comme Gauguin, pour raisons financières en 1899-1900), signalera ces défauts : « Traits caractéristiques des protestants, à quelque secte quils appartiennent. Haine de la pénitence, amour de tout ce qui est facile, indifférence monstrueuse pour tout ce qui est beau. » Gauguin prenait justement la voie difficile du Beau. Quant à son devoir de père de famille, il estimera lavoir fait : « Le devoir ! Et bien quon y vienne à ma place, je lai mené jusquau bout, et cest devant limpossibilité matérielle que jaurai cédé. » (août 85)<o:p></o:p>
Tout cela suffirait à blanchir Gauguin de laccusation dabandon, mais le mythe a la vie dure. Le roman de Somerset Maugham, The Moon and six pence, vie romancée de Gauguin, nest peut-être pas étranger à la vulgarisation de ce mythe. Lauteur avait peu de documents quand il écrivit ce livre ; la première fois quil entendit parler du peintre, cétait à Paris en 1903, dans les milieux bohèmes de Montparnasse, lannée de la mort de Gauguin aux antipodes : la légende devait être déjà forgée en ce sens. Le titre anglais, « La lune et trois francs six sous », exprime la confrontation de lidéal et de la réalité [3] ; si le roman a contribué à créer le mythe Gauguin, il nen reste pas moins que le personnage campé, Charles Strickland, est un Gauguin très vraisemblable. Ainsi, dans lentourage de Strickland, tout le monde est convaincu quil a abandonné sa famille pour vivre à Paris avec une maîtresse ; le narrateur est stupéfait de retrouver lartiste seul et livré à la peinture, situation inexplicable pour la société.<o:p></o:p>
La réalité est que non seulement Gauguin na pas voulu se séparer de sa famille, mais quen plus il sest toujours intéressé à ses enfants et a longtemps envisagé de reprendre la vie commune. Il reproche de nombreuses fois à sa femme délever les enfants dans lignorance de leur père et de leur langue maternelle : « Maintenant pas un des enfants ne doit parler le français. Ta famille doit être contente de triompher sur toute la ligne. » (avril 86) « Que jécrive ou que je nécrive pas, est-ce que ta conscience ne te dit pas quil me faut donner tous les mois des nouvelles des enfants que je nai pas vus depuis 5 ans Et cependant à loccasion tu sais me rappeler que jen suis le père. » (juin 89) La perspective de la vie commune nest pas définitivement écartée, au fil des années : « De ton côté tâche de me faire connaître au Danemark. [ ] cest encore le moyen le plus sûr de nous remettre ensemble » (août 85) ; « espérons qualors je retrouverai en compensation de mes chagrins domestiques le plaisir de mes enfants. Vieux tous les deux nous saurons peut-être mieux nous comprendre. » (mars 1888) Se sentant toujours plus seul, Gauguin se réfugie dans lespoir dune vieillesse idéale de patriarche : « A défaut de passion, nous pouvons avec des cheveux blancs entrer dans une ère de paix et de bonheur spirituel entourés de nos enfants, chair de notre chair. » (mars 1891)<o:p></o:p>
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N<o:p></o:p>
ayant plus dattaches, livré à lui-même, Gauguin veut partir. Il na pas de destination précise : il sagit avant tout de quitter la France. Il va à Panama et à la Martinique en 1887. Les années suivantes, ce ne sont que des projets : il parle daller au Tonkin en 89 ; en Océanie, ou à Madagascar, ou au Tonkin, en 90. Le port darrivée na pas dimportance : limportant, cest de se soustraire aux plaies dargent et à une société dans laquelle il ne trouve plus sa place. Il pourrait donc aller aussi bien au Tonkin « attendre des jours meilleurs » (juin 89) quà Panama « pour vivre en sauvage Je connais à une lieue en mer de Panama une petite île (Taboga) dans le Pacifique, elle est presque inhabitée, libre et fertile. » (avril 87) Somme toute, il cherche un lieu à sa ressemblance, quil ne trouvera pas. Tous ses voyages seront la quête dun lieu plus sauvage : la Martinique en 87, cest encore la civilisation ; Papeete en 91, cest encore trop civilisé, il part sinstaller dans la campagne ; Tahiti, cest décidément trop civilisé, aussi part-il en 1901 aux Îles Marquises, quil qualifie avec délices d « îles anthropophages » : le comble de la sauvagerie ! Ce caractère sauvage, il lavait dabord trouvé en Bretagne où il avait passé un an à Pont-Aven, et où il sétait lié avec Émile Bernard et Charles Laval. « Jaime la Bretagne. Jy trouve le sauvage, le primitif. » Rassurons les Bretons, cétait un compliment. Gauguin explique son désir de partir par la recherche dune vie matérielle plus aisée parce quil ne perçoit pas encore une motivation plus profonde : celle de retrouver un art originel, primitif, qui sopposerait au réalisme et au naturalisme alors de mise. Ces deux dernières tendances, et tout lart occidental des derniers siècles, sont considérées par lui comme dégénérées, sétant tournées vers la reproduction stricte de la nature ou la sensualité. Gauguin veut retrouver ce qui a été lart des grandes civilisations, un art exprimant une spiritualité. Sa recherche du primitif est fondamentalement une recherche des principes de lart. Même étymologie. On ne saurait être plus réactionnaire.<o:p></o:p>
Paul Gauguin part avec Laval à Panama davril à novembre 1887. Quand ils débarquent à Panama, ils saperçoivent que le percement du canal en cours à fait monter les prix : leurs prévisions économiques sont fausses. Laval attrape la fièvre jaune ; Gauguin doit sengager comme terrassier pour le percement du canal. Les conditions de travail sont déplorables, les ouvriers meurent en grand nombre. « Il faut quici je remue la terre depuis 5H 1/2 du matin jusquà 6 heures du soir, au soleil des Tropiques, et la pluie tous les jours. La nuit dévoré par les moustiques. » Gauguin, gravement malade à son tour, et Laval réussissent à gagner la Martinique en juin. Il écrit à sa femme : « Des nègres et négresses circulent toute la journée avec leurs chansons créoles et un bavardage éternel. [ ] Je ne pourrai te dire mon enthousiasme de la vie dans les colonies françaises. » Il va jusquà écrire, non sans malice peut-être : « Jespère bien te voir ici un jour avec les enfants ; ne jette pas les hauts cris, il y a des collèges à la Martinique et les blancs sont choyés comme des merles blancs. » (juin 87) Son enthousiasme pour « la vie dans les colonies françaises » naura quun temps, à Tahiti les colons lui deviendront vite insupportables ; mais ce premier contact avec les populations des îles est réussi. Le séjour ne se prolonge pas longtemps : largent manquant, les peintres essaient de se faire rapatrier et quémandent de largent à leurs amis en France.<o:p></o:p>
Pour ce qui est de lart, Gauguin revient avec des dessins et quelques toiles marquées par la luxuriance de la nature. Ce sont plutôt les toiles qui seront peintes ensuite en Bretagne (Nature morte aux trois petits chiens, Nature morte « Fête Gloannec », 1888) qui révèlent le plus une évolution, le temps que se décantent les choses vues, ainsi que quelques zincographies à thème mar-tiniquais de 89/90 où lon constate une nouvelle utilisation de lespace et de la composition, plus décorative et monumentale. [...]
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Lisez l'intégralité de cet article de Samuel dans lovendrin n°2.
[1] Léon Bloy, Journal inédit, LÂge dHomme, Paris, 1996.<o:p></o:p>
[2] Paul Gauguin, Lettres à sa femme et à ses amis, Grasset, Paris, 1946.<o:p></o:p>
[3] Le titre français, LEnvoûte, est devenu dans les récentes rééditions, LEnvoûté, par myopie des éditeurs vraisemblablement : la traductrice justifie en tête de sa traduction le choix du mot « envoûte ».<o:p></o:p>
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Il<o:p></o:p>
y a la Règle dOr ; lhistoire de Boucle dOr ; LÂne, roman dApulée, devenu LÂne dor parce que cest un bon livre et quil a longtemps enrichi les libraires ; la Légende des Saints, devenu la Légende dorée pour les mêmes raisons. Et il y a le Nombre dOr, parfois nommé Section dorée ou divine proportion.<o:p></o:p>
Le nombre dor est ce rapport entre longueur a et largeur b tel que a/b = (a + b)/a, ce qui revient à a/b = (1+√5)/2. Un rectangle construit sur ce nombre a les proportions que voici :<o:p></o:p>
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Doù est tiré ce rapport ? « Depuis lAntiquité, on considère quun rectangle a des proportions parfaites si, lorsquon enlève un carré, le rectangle restant a les mêmes proportions que le rectangle initial. »[1] Comprenez que dans la figure ci-dessous, le petit rectangle C a les mêmes proportions que le grand rectangle A si on enlève à celui-ci le carré B. Les rectangles A et C sont construits sur le Nombre dOr.<o:p></o:p>
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A<o:p></o:p>
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B<o:p></o:p>
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C<o:p></o:p>
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Jadmets quil y a là quelque chose de satisfaisant du point de vue géométrique. La question est de savoir si on doit considérer ces proportions également satisfaisantes dans le domaine de lesthétique. Certains historiens de lart, certains architectes le pensent, qui ne jurent que par le nombre dor et qui expliquent tout par lui : les pyramides égyptiennes, les temples grecs, les cathédrales médiévales Dautres vous retrouvent le nombre dor partout dans un tableau. Une abondante littérature existe en sa faveur, écrite par des gens persuadés que circule dinitiés en initiés ce secret de beauté<o:p></o:p>
Ce besoin de se référer et, plus, de se conformer à un nombre ne révèle-t-il pas une grande anxiété, la crainte de ne pas avoir dans son propre il ou sa propre oreille loutil apte à juger et estimer ? Outil que lartiste forme avec le temps, à force de jauger dun point de vue quantitatif, certes, mais surtout qualitatif. Or utiliser le nombre dor, cest passer dune considération quantitative à une conclusion qualitative : il y a erreur daiguillage. Aulu-Gelle rapporte que Varron sétait astreint à placer une césure à tel endroit précis de ses vers, non pour une raison rythmique mais « pour une raison tirée de la géométrie »[2] (ratione quadam geometrica). Cest le même abus, appliqué à la poésie.<o:p></o:p>
Jai devant les yeux une étude intitulée Nombre dor, nature et uvre humaine[3]. Les exemples tirés de la nature (coquilles diverses, cur de chardon ) sont parlants et la présence du nombre dor y est indubitable. Cela na rien de surprenant, la rigueur géométrique de ces choses étant manifeste. Lanalyse déraille lorsque lauteur crée un squelette de cheval idéal au nombre dor daprès des types de chevaux existants. Puis il sintéresse aux visages, trouve du nombre dor partout mais note que, tout de même,
son étude est « plus anthropométrique quar- tistique » : il touche un point crucial mais ny reviendra pas. En passant il se réjouit que Laetitia Casta soit, elle aussi, au nombre dor ; du moins la-t-il lu dans le Figaro Magazine, quil qualifie de « revue sérieuse ». <o:p></o:p>Luvre humaine, maintenant : méga- lithes, abbayes cisterciennes, rosace du xive, tout cela est beau et hautement spirituel parce que construit sur le nombre dor. Un artiste a sa place ici, Rémi Damiens, quon voit « à la recherche de formes avec son compas de proportion » car pour lui « la divine pro- portion nest pas quun nombre, cest une philosophie. » La sculpture donnée en exemple ne donne pas une haute idée de lapport artistique du nombre dor.<o:p></o:p>
Combien lesprit dans lequel une uvre a été conçue a plus dimportance ! Des uvres de petite taille peuvent avoir un caractère monumental (ainsi en est-il de nombreuses statuettes égyptiennes), quand de gigan- tesques sculptures nont pas plus de présence quun petit caillou[4]. De plus, pour beaucoup duvres sinon toutes, la taille de création est primordiale : Charles Cordier a modelé de très-estimables bustes grandeur nature qui ont été ensuite soumis au procédé de réduction, devenant des bibelots[5] ; les proportions pourtant étaient rigoureusement gardées, preuve quelles ne sont pas tout. <o:p></o:p>
En architecture, la référence à un module (ou pas) va de soi. Le module est la mesure de base quon retrouve dans tout lédifice, multiplié ou divisé. Larchitecture grecque prenait comme module le rayon de la colonne à sa partie inférieure. Ce module était multiplié pour déterminer la hauteur de la colonne et subdivisé pour déterminer « les hauteurs et les saillies de chaque moulure »[6]. Lutilisation du module est facteur dunité, évidemment ; à ce titre, elle est fort estimable. Mais lunité nest pas tout, et des tas de choses sont belles sans être astreintes à un module. Un bâtiment peut être fort laid et construit sur un module : la récente église Notre-dame de lArche dAlliance (Paris xve), est conçue sur un pas de x mètres. Cela ne lempêche pas dêtre déplorable du point de vue de larchitecture religieuse.<o:p></o:p>
Sagissant des églises médiévales, on a déterminé pour certaines sur quel module elles étaient basées : labbatiale de Saint-Denis est construite sur un module de 0,325m. Ce nombre na rien de magique, cest le pied parisien. Régine Pernoud, à qui jemprunte ces précisions, note que les architectes médiévaux utilisent en général des proportions élémentaires de un à deux, un à trois, et que, si le nombre dor « peut être retrouvé dans le plan de la cathédrale de Reims », les constructions géométriques restent simples et « nont rien à voir avec les systèmes numériques étouffants édifiés de nos jours par certains commentateurs. »[7]<o:p></o:p>
Les architectes médiévaux avaient en réalité un solide sens du concret. Ils ont toujours eut à cur de bâtir à taille humaine. Labbatiale de Fontfroide est une exception, qui écrase lhomme par des socles démesurément hauts. Henri Focillon fait cette remarque au sujet de la particularité de Fontfroide : « Ainsi, entre le pavement et les bases, sétablit une sorte de puissante zone abstraite, des socles nus qui semblent navoir pour fonction que de hausser tout le système, toute léglise dans les airs. »[8]<o:p></o:p>
Zone abstraite révélatrice dun changement de mentalité : car pourquoi hausser léglise dans les airs ? « Voilà le malheur : cet art gothique qui veut monter, qui aspire à une légèreté quasi-aérienne, pourquoi veut-il sélever autant puisque Dieu lui-même est présent sur lautel ? », notait Henri Charlier[9], mettant le doigt sur ce qui distingue lesprit roman de lesprit gothique. À Saint-Pierre de Rome, laberration (loubli du module réel de tout bâtiment : lêtre humain) deviendra système : basilique pour paroissiens cyclopéens, pour bigotes de concours.<o:p></o:p>
Robert Chalavoux nous apprend que Fontfroide est « un dosage de rectangles dor et de rectangles dont les proportions longueur sur largeur = 1, 414 (qui est le rapport du côté dun carré à sa diagonale) ». Cest beaucoup de précisions mathématiques pour une abbaye qui présente, on la vu, une dispro- portion flagrante, dun effet malheureux. <o:p></o:p>
Faut-il rejeter toute théorie explicative de lharmonieux par les mathématiques ? Poésie et raison sont souvent considérées comme antinomiques. Adolescent, celui qui aime la littérature est porté à mépriser les mathématiques ; ce fut mon cas, jusquà ce que, post baccam, dégagé des cours de maths, je maperçoive que cette matière me manquait. Art et raison ne sopposent pas, mais la correspondance entre eux, si elle existe, il ne nous est point donné de la saisir. Peut-être nous apparaîtra-t-elle dans son évidence quand nous serons renseignés sur tout ou presque autant que nous laurons mérité ; la réalité terrestre est que lartiste qui astreint son art aux mathématiques est ipso facto perdu. Albert Gleizes sempêtra dans les spéculations géométriques : sacharnant sur les concepts de translation (déplacement des plans), de rotation (inclinaison des plans autour dun point focal), concepts intéressant lornemental plus que la peinture, il oublia que ce nest pas la composition qui régit la forme, mais la forme qui ordonne la composition. Il passa à côté de ce quil cherchait et fut contraint dintituler des toiles « support de méditation » ou « toile pour la contemplation » pour pallier le manque. Lillustration ci-après parle delle-même.
Notre auteur du Nombre dor, nature et uvre humaine finit par se poser cette question : « les cartes de crédit sont-elle au nombre dor ? » Il fallait y penser. Sa réponse : « Presque, elles ont en trop 2/100e de leur largeur mais à lil cest acceptable. » Quune carte de crédit ait autant de spiritualité quune abbaye cistercienne, on ne sy attendait pas. Le plus gênant est quil saccommode de 2/100e de différence, tout comme il saccommode (au début de louvrage) dun calcul approximatif du nombre dor en comptant des enjambées. Face à la mystique pythagoricienne des sectateurs du nombre dor, le bon sens est, comme souvent, efficace. Le rapport (1+√5)/2 donne un nombre approchant 1,618. Ce nest pas un nombre entier. Autant le mathématicien peut le manier sans difficulté sous sa forme (1+√5)/2, autant larchitecte dans ses plans, et encore plus le tailleur de pierre et le maçon sur le chantier, doivent utiliser un nombre rond (à 10-3). Concrètement ne peut être utilisé quun nombre approché : on conçoit ce quun « nombre dor imparfait » a dabsurde.<o:p></o:p>
Samuel<o:p></o:p>
[1] Lucien Chambadal, Calcul pratique, Paris, 1983, p.188.<o:p></o:p>
[2] Nuits attiques, xviii, 15.<o:p></o:p>
[3] Par Robert Chalavoux, Marseille, 2001.<o:p></o:p>
[4] Voyez le Mont Rushmore où sont sculptées les visages de quatre présidents américains, de dix-huit mètres de haut.<o:p></o:p>
[5] À des fins commerciales. Le bourgeois xixe aimait les petits machins tirés en série : il en tirait une satisfaction mécénale à peu de frais. Lart de Carpeaux ne sen releva pas.<o:p></o:p>
[6] Nouveau manuel darchitecture, par Toussaint de Sens, Encyclopédie Roret, 1857, tome 1, pp. 6-7.<o:p></o:p>
[7] Régine Pernoud, « Comment on construisait une église », in Histoire générale des églises de France, ouvrage collectif, Robert Laffont, 1966, p. 159.<o:p></o:p>
[8] Art dOccident, Paris, 1938, livre ii, chap. i : « Le premier art gothique », section iii.<o:p></o:p>
[9] « Théologie dune église romane », in Racines n°3, p. 92, juillet 1994. <o:p></o:p>
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des visiteurs<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>
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L<o:p></o:p>
ors de lexposition Barnes au musée dOrsay (en 1993, me semble-t-il), exposition qui présentait la très-complète collection de ce docteur, je fis la queue deux heures et demi dans un froid prononcé et sous la neige. La joie de voir les toiles rares lemportait sur le désagrément du climat. Au cours de la visite, cependant, je fus amené à me demander ce qui avait poussé certains visiteurs à affronter lhiver, car lamour de lart nétait pas, à lévidence, ce qui les avait menés là. Devant un nu ovale de Van Gogh, un père expliqua à son jeune fils que cétait « mal peint exprès ». (On me rapporte quon put lire semblable appréciation sur le livre dor de lexposition Vuillard au Grand Palais : « Cest moche exprès. ») <o:p></o:p>
Il faut croire que les nus stimulent les imbéciles : toujours chez Barnes, devant un magnifique grand nu de Modigliani, un visiteur, montrant de lindex lombre de la raie des fesses, déclara à ses amis : « Celle-là, elle est mal torchée. » Jai honte de rapporter cette double grossièreté, et de langage, et de pensée la première étant bénigne, dailleurs, par rapport à la seconde mais elle est si significative ! Rien ni personne ne forçait ces gens à voir cette exposition, sauf peut-être que cétait une grande exposition. À ce titre, elle avait bénéficié dune réclame réitérée jusque dans les pages les plus culturelles des magazines télé, devenant ainsi un événement obligatoire pour les personnes les moins concernées.<o:p></o:p>
Les gens instruits peuvent avoir des sorties surprenantes. Lors dune expo- sition de gravures de Corot à la Bibliothèque Nationale, jentendis un vieux monsieur à serviette dire à un deuxième vieux monsieur à serviette : « Mais enfin ! Bracquemond était un graveur néo-platonicien ! » Perspectives infinies <o:p></o:p>
Plus redoutables que nimporte quels visiteurs isolés sont les groupes. Une douzaine de femmes se cultivant sous lautorité dune maîtresse-guide compro- mettent sans effort votre visite. À vous de ruser pour éviter leur attroupement inerte devant telle toile et surtout, surtout ! mettez tout en uvre pour ne pas entendre un seul mot de la guide. Il y a une chance que ce soit plat, un risque que ce soit une horreur. Jai entendu, à lexposition « Gauguin et Pont-Aven » (au Luxembourg), une guidesse expliquer avec un sourire entendu que « Gauguin aimait les petites filles. » Maudit soit-elle.<o:p></o:p>
On va dire que je men prends aux dames encore ! Ma chronique sur les bas-bleus dans le numéro de septembre ma valu des lettres ulcérées, la plupart de femmes qui nétaient pas visées mais sy sont reconnues. En réalité je ne fais que souligner la détestable oisiveté à laquelle les femmes sont soumises dans notre société sexiste : car si les méchants mâles les laissaient travailler, elles nencom- breraient pas les salles de musées. Cela mamène à un deuxième sujet.<o:p></o:p>
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des censeurs<o:p></o:p>
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D<o:p></o:p>
ésormais vous serez passibles dun an de prison et dune forte amende lorsque vous utiliserez des termes sexistes ou homophobes ; je dis : vous, car moi je nen utilise jamais, comme bien vous pensez. Remarquons, en passant, que considérer pédé comme une insulte revient à reconnaître quêtre chevalier de la manchette est une tare (Jemprunte cette jolie expression à Jean-Jacques.) Mais je ne sais pas si le législateur et les obsédés censeurs voient si loin. Jaurais plutôt tendance à penser que leurs vues sont singulièrement bornées. Pour éviter cette malheureuse conséquence, allons au delà de cette loi timorée : obligeons tout un chacun à utiliser ces termes comme compliments. Que p***, s***, et autre c***, ainsi que t*** et p***, soient pris de façon laudative. On dira par exemple à la personne qui tient la porte devant nous : « Vous êtes une belle tantouse. » - en guise de louange. Si cette personne le prenait mal, elle serait poursuivie pour homophobie. Hélas, je sais que ma proposition sera jugée irrecevable, elle est trop audacieuse. Dommage, on se serait amusé un peu.<o:p></o:p>
G. Lindenberger<o:p></o:p>
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