• LA LETTRE DE POLEMIA
    Février 2010

    polemia.com

    **** EDITORIAL ****

    Laisser-fairisme libre-échangiste : l’étrange silence des syndicats (édito 02/2010)

    Lundi 25 janvier 2010, sur TF1, Nicolas Sarkozy a « dialogué » pendant plus de deux heures avec un panel de Français : lamentations et compassion pourraient paraître suffire à résumer l’émission. A tort, car trois fortes personnalités ont, chacune à leur manière, posé le problème économique majeur de la France.
    http://www.polemia.com/article.php?id=2706


    SOMMAIRE

    Identité française : le débat Marine Le Pen/ Besson…n’a pas eu lieu
    http://www.polemia.com/article.php?id=2652

    Le scanner corporel arrive en France : l’idéologie sécuritaire
    http://www.polemia.com/article.php?id=2654

    « L'Etat fait main basse sur nos retraites complémentaires Agirc-Arrco ! »
    http://www.polemia.com/article.php?id=2682

    Anniversaire de Nicolas Sarkozy: portrait de l’homme et du président
    http://www.polemia.com/article.php?id=2689

    Les 800 plus hauts dirigeants français au diner annuel du CRIF
    http://www.polemia.com/article.php?id=2696

    « La  France, ça ne marche pas au mélange »
    http://www.polemia.com/article.php?id=2656

    Le grand retour des prénoms marqueurs d’une identité musulmane
    http://www.polemia.com/article.php?id=2662

    De Dati à Solal Sarkozy : comment choisir un prénom  Zohra ?
    http://www.polemia.com/article.php?id=2664

    Félicitons-nous de la diversité génétique humaine
    http://www.polemia.com/article.php?id=2666

    Manifeste pour une nouvelle dissidence
    http://www.polemia.com/article.php?id=2674

    Cinq cents mots pour la dissidence (Avant-Propos et première section, A-B)
    http://www.polemia.com/article.php?id=2672

    Cinq cents mots pour la dissidence (deuxième section, C)
    http://www.polemia.com/article.php?id=2684
    http://www.polemia.com/article.php?id=2686

    Cinq cents mots pour la dissidence (troisième section, D)
    http://www.polemia.com/article.php?id=2698

    L’Islande ou le caractère démoniaque de l’argent
    http://www.polemia.com/article.php?id=2668

    Le pouvoir financier au cœur de la crise de 2008 : Les analyses prophétiques de Maurice Allais
    http://www.polemia.com/article.php?id=2704

    Echange de vue sur la question linguistique européenne
    http://www.polemia.com/article.php?id=2658

    La BCE prépare les bases juridiques de la rupture d'un pays avec l'euro !
    http://www.polemia.com/article.php?id=2676

    The French Institute of International Relations
    http://www.polemia.com/article.php?id=2693

    La guerre climatique interdite de débat à Copenhague
    http://www.polemia.com/article.php?id=2639

    La manipulation du climat à usage militaire et son camouflage à Copenhague
    http://www.polemia.com/article.php?id=2638

      Les 25 mythes russophobes
    http://www.polemia.com/article.php?id=2646

    Oskar Freysinger : l'abîme entre les élites et les citoyens est énorme !
    http://www.polemia.com/article.php?id=2677

    Pourquoi la presse américaine est-elle silencieuse face au rôle joué par Israël dans le vol NW 253
    http://www.polemia.com/article.php?id=2688

    De plus en plus d’appels à l'utilisation d'armes létales contre les pirates somaliens
    http://www.polemia.com/article.php?id=2691

    Obama s’ennuie dans les réunions avec l’UE: à qui la faute ?
    http://www.polemia.com/article.php?id=2700

    Proche et Moyen-Orient : On ne sait pas tout !
    http://www.polemia.com/article.php?id=2702

    « Chaos mondial : la face noire de la mondialisation »
    http://www.polemia.com/article.php?id=2648

    « Le défi gaulois, carnets de route en France réelle. »
    http://www.polemia.com/article.php?id=2655

    « Un livre qui devrait faire scandale »
    http://www.polemia.com/article.php?id=2670

    Les trois écoles de Mona Ozouf
    http://www.polemia.com/article.php?id=2708


    votre commentaire
  • Au musée de Cluny<o:p></o:p>

    Paris au XIIIe siècle<o:p></o:p>

    Présent  du 27 février 2010<o:p></o:p>

    Paris doit beaucoup à Philippe-Auguste. Les années 1190-1200 sont à cet égard essentielles. Le roi décide de faire de la ville le lieu d’assemblée de ses assesseurs tant qu’il sera à la Croisade. Il dote Paris d’une enceinte et d’une forteresse nommée Louvre. Il rassemble de façon permanente les archives royales, à l’abri, sur l’île de la Cité. Jusque-là ville du domaine royale sans plus d’importance politique que Compiègne, qu’Orléans, Paris devient capitale. <o:p></o:p>

    Rien d’étonnant donc à ce que sous les successeurs de Philippe-Auguste, Paris bâtisse ou mette au goût du jour près d’une soixantaine d’édifices civils et religieux. Des pans d’églises, des fragments d’abbayes témoignent discrètement, dans le Paris moderne, de cette vitalité. Au 44 de la rue François-Miron se visite le cellier de la résidence des abbés d’Ourscamp, cave austère voûtée d’ogives. Deux bâtiments emblématiques subsistent : la Sainte-Chapelle (1242-1248) ; Notre-Dame qui est retouchée et achevée entre 1230 et 1270. Auxquels s’ajoute Saint-Denis dont la nef est reconstruite à partir de 1231. <o:p></o:p>

    Du fait des roses qui, à partir de Saint-Denis, fleurissent à Notre-Dame, à Laon, à Reims, à Amiens, jusqu’à Strasbourg, le nouveau style a pour nom gothique rayonnant. Les roses ont de neuf à quatorze mètres de diamètre. Il fallait du culot et de l’intelligence autant pratique que théorique pour établir ces réseaux de pierre en tension, suffisamment épais pour résister et assez fins pour, du sol, paraître dentelle.<o:p></o:p>

    Le terme de rayonnant n’éclaire qu’un aspect de ce développement de l’architecture gothique. Au XIIe l’ogive se développe dans des volumes encore romans ; au siècle suivant les masses ont disparues et l’église est dessinée par des lignes. Les architectes du XIIIe siècle poussent la logique gothique à son terme : l’ogive et les arcs-boutants permettent de se passer de murs, remplacés par roses et vastes verrières. La Sainte-Chapelle en est le meilleur exemple. Lorsque le mur existe, il sert de fond à une résille : l’appareillage n’apparaît plus.<o:p></o:p>

    Autres moyens, autres fins : la sculpture ornementale et la statuaire confirment que l’esprit a changé. L’art roman, c’est la foi sous son aspect surnaturel ; l’art gothique, sous son aspect humain. Aussi est-il globalement plus naturaliste. Non dans l’acception d’un réalisme à la Zola, mais parce qu’il procède d’une observation de la nature, à laquelle il reste fidèle.<o:p></o:p>

    Sur les chapiteaux ou le long des cordons décoratifs, se développent les feuilles d’érable, de chêne, d’églantier ; poussent le trèfle et le lierre. Les grands sculpteurs du XIIIe – écrit Emile Mâle – « ne méprisèrent rien ; au fond de leur art, comme au fond de tout art vrai, on trouve la sympathie, l’amour. Ils pensèrent que les plantes des prés et des bois de la Champagne et de l’Ile-de-France avaient assez de noblesse pour orner la maison de Dieu. La Sainte-Chapelle est pleine de renoncules… Le plantain, le cresson, la chélidoine enguirlandent Notre-Dame de Paris. »<o:p></o:p>

    La statuaire est paisible. L’homme se tient debout, signe non d’orgueil mais de dignité. Le musée de Cluny a rassemblé de belles rondes bosses qui rappellent des bâtiments disparus : sainte Geneviève, qui occupait le trumeau du portail de son église ; le roi Childebert 1er, la Vierge à l’Enfant (déterrée lors de travaux en 1990) proviennent de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Trois apôtres de la Sainte-Chapelle sont des originaux déposés : saint Jean, et deux autres mal identifiés, l’un dit « mélancolique » et l’autre « à tête de philosophe » (illustration). <o:p></o:p>

    La galerie des vingt-huit rois, à Notre-Dame était terminée avant 1220. Elle a connu un grand succès. Les rois de Juda sont repris à Chartres, Amiens, Reims. La Révolution les a décapités car depuis longtemps on croyait qu’il s’agissait des rois de France ; leur statut de roi eût suffi à ce qu’ils soient maltraités. Le musée de Cluny héberge quelques unes des têtes originales, découvertes lors de travaux dans les sous-sols d’un hôtel parisien du IXe arr. (1977). Postérieur puisqu’il date de 1260, l’Adam, beau et grand nu, exprime la perfection de la Création telle que l’a ressentie l’époque.<o:p></o:p>

    L’architecture parisienne du XIIIe a été définie comme un style de cour. C’est plus largement l’art de la ville tout entière, qui s’est répandu au-delà de ses faubourgs et banlieues – jusqu’à Cologne. Ses éléments architecturaux ont dessiné une silhouette caractéristique qui marque encore notre imaginaire. Les artistes de l’époque en étaient imprégnés. Les arcatures brisées, les gâbles et les pinacles hérissés de crochets deviennent autant de motifs décoratifs dans le mobilier, les ivoires, les manuscrits, où ils servent de cadre aux personnages historiés. Les reliquaires eux-mêmes deviennent de petites églises précieuses.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Paris, ville rayonnante. Jusqu’au 24 mai 2010, Musée de Cluny. <o:p></o:p>

    illustration : Apôtre, Sainte-Chapelle, Paris @ RMN / Jean-Gilles Berizzi<o:p></o:p>


    votre commentaire
  •  

    Au musée Maillol<o:p></o:p>

    Les Vanités<o:p></o:p>

    Présent du 20 février 2010<o:p></o:p>

    Au XVIIe naît la vanité, nature morte au crâne. Celui-ci est associé au sablier ; aux objets de divertissement, dont il rappelle le caractère vain : le verre, la pipe, les cartes, les instruments de musique. La vanité est un genre du Nord. Le Sud préfère placer le crâne, support de méditation, entre les mains de saint François d’Assise, en prière ou en extase (le Caravage, Zurbaran…). Le crâne accompagne saint Jérôme (Pietro Paolini), la Madeleine pénitente (Francisco Trevisani).<o:p></o:p>

    La vanité tire son origine du moyen âge. Les danses macabres sont collectives. Elles entraînent riches et pauvres vers la fin unique. C’est un lieu commun, mais puissamment exprimé. Selon un des commissaires de l’exposition du musée Maillol, cette égalité devant la mort est à l’époque « la seule forme de pensée démocratique… la seule véritable consolation à tant de peuples écrasés sous le joug de la servitude constante imposée par les pouvoirs constitués » (lol !). Est-il indispensable d’être « Directeur général du Ministère de la Culture italien » pour écrire pareille ânerie ? <o:p></o:p>

    Au XVe siècle, la représentation s’individualise. Au gisant succède ou s’ajoute le transi, figuration cadavérique. Tel était le programme iconographique du tombeau du roi René dans la cathédrale d’Angers, établi par ses soins.<o:p></o:p>

    Le cadavre en putréfaction, en proie à la vermine, plut à une époque et rebuta par la suite. Le goût explique qu’on ait fini par ne garder que le crâne. Le goût, et l’art : le squelette entier se prête aussi mal à la peinture qu’à la sculpture. L’intérêt plastique du crâne est indéniable. Par ses volumes, ses arrêtes, ses saillies et ses ombres, il attire l’attention de l’artiste, pour qui il reste, malgré tout, un visage : c’est encore un portrait. (Tout portraitiste se surprend de temps à autre à « deviner » le crâne sous les chairs. C’est technique.) En tant qu’objet d’étude, le crâne appartient au matériel d’atelier. Géricault en peint trois, Braque en pose un à côté de la palette, parmi les brosses. La vanité réapparaît épisodiquement, chez Cézanne, Hélion, Buffet, Picasso… <o:p></o:p>

    Le paganisme antique a pratiqué la vanité. La mosaïque pompéienne ci-dessus (illustration) est célèbre. La Roue de Fortune peut faire d’un homme, à vie ou tour à tour, un riche (vêtements à gauche) ou un mendiant (haillons et besace à droite), la fin sera la même, comme le rappelle le crâne sous lequel les ailes, nœud papillon, représentent l’âme. L’essentiel est de trouver son équilibre, exprimé par l’équerre à fil – ancêtre du niveau à bulle – qui couronne comme un toit cet édifice symbolique. Cette image rassemble deux thèmes que la chrétienté traitera distinctement : la vanité et la Fortune.<o:p></o:p>

    L’Antiquité a connu un autre squelette, celui qui circulait pendant les banquets. Chez Trimalcion, c’était un petit squelette en argent, « si bien pensé que ses articulations et ses vertèbres flexibles pouvaient se mouvoir en tous sens. » Son rôle était tout autre, invitation à jouir avant qu’il ne soit trop tard (« Ergo vivamus, dum licet esse, bene »), attitude impie que dénonçait en son temps Salomon. <o:p></o:p>

    Qu’en est-il du paganisme post-chrétien ? L’exposition permet de s’en faire une idée puisque les 2/3 des œuvres appartiennent à l’art « contemporain ». Le crâne y est un sujet de choix. Mais crâne signifie-t-il vanité ? Le drapeau pirate ni la casquette SS n’en sont. Il ne faut pas sous-estimer, dans cette obsession du crâne, le rôle de la communauté underground new-yorkaise confrontée au sida dans les années quatre-vingts. Keith Haring, décédé à l’âge de vingt-huit ans, est l’artiste phare de cette mouvance. Ici le crâne représente la force d’attraction du néant.<o:p></o:p>

    Les plasticiens actuels sont en bonne santé, plus florissants que les arts. Le crâne est exploité en tant que petite provoc’ facile. Il est moins Néant que Vide : la médiocrité est celle de l’époque, dont la conception de l’humanité, particulièrement basse, est perceptible dans l’art funéraire actuel, débile (1), et dans cet art débilo-ludique ou blasphématoire.<o:p></o:p>

    Confiez à Erik Dietman des crânes, des fémurs, un socle en bois et un capot en fer : il réalise La Sainte famille à poil, nature morte pour Carême (sic, 1990). A Damien Hirst, un crâne, une toile, de la laque, des couteaux et des coquillages : The Death of God (La mort de Dieu, 2006). Annette Messager compose un crâne géant au moyen de gants et de crayons de couleur (Gants-tête, 1999). Chacun y va de son crâne, l’essentiel étant de surprendre par l’utilisation et l’association de matériaux inattendus. L’inspiration quincaillière tient lieu d’originalité.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    (1) Cf. « La fosse très commune », Lovendrin n°5, mai-juin 2005.<o:p></o:p>

    C’est la vie ! Vanités, de Caravage à Damien Hirst.

    Jusqu’au 28 juin 2010, Musée Maillol. <o:p></o:p>

    illustration : Mosaïque polychrome de Pompéi, Ier siècle

    © Archives surintendance spéciale Beni et archologici Naples et Pompéi<o:p></o:p>


    votre commentaire
  •  

    Gavarni, Robe de chambre d’Humann © Maison de Balzac / Roger-Viollet.

    Maison de Balzac<o:p></o:p>

    Balzac en dandy<o:p></o:p>

    Présent  du 13 février 2010<o:p></o:p>

    « A l’incroyable, au merveilleux, à l’élégant, ces trois héritiers des petits maîtres, […] ont succédé le dandy, puis le lion », écrit Balzac. Dandy est resté en usage ; lion, dans ce sens spécial, a disparu. Le lion est un dandy, avec une nuance : c’est un dandy pour lequel le vestimentaire n’est pas une fin, mais un moyen. Le lion est un arriviste dont la meilleure arme est la fatuité.<o:p></o:p>

    Laissons la parole à Félicien Marceau. « Ce que veulent les lions, c’est vaincre le monde. Prendre des femmes ? Oui. Mais pour pouvoir, grâce à elles, triompher dans le monde, dominer, s’enrichir. Les lions de Balzac sont les frères cadets de ces colonels de trente ans qui, derrière Napoléon, ont dérangé toute l’Europe. » (Balzac et son monde, chap. III) Condamnée à l’inactivité par une Restauration gérontocratique, certaine jeunesse trouve à s’employer en intriguant, en tirant des ficelles qui peuvent être des lacets. Parmi les personnages froids de cœur que sont les lions, on trouve Rastignac, Rubembré, Raphaël de Valentin et, le pire de tous, Henri de Marsay, le « corrupteur dogmatique ». <o:p></o:p>

    D’autres tentent d’être des lions, sans arriver à la cheville joliment bottée des susnommés. Puis vient « la touchante cohorte des lions qui n’étaient qu’agneaux déguisés. Voici les dandys écrasés. » (Victurnien d’Esgrignon, Savinien de Portenduère…)<o:p></o:p>

    Les années 1830 ont été les belles années du dandysme. Empruntés à l’Angleterre (qui nous avait emprunté façon), les mots fashion, fashionable reviennent souvent chez Balzac sans lui être propres. Ils appartiennent à l’époque, aux écrivains comme aux caricaturistes. Gavarni dessine trois « Fashionables ». Son œil observateur, son crayon tour à tour sec et moelleux saisissent et restituent ce mélange d’élégance et de ridicule. Deux gandins qui n’assument pas leur mise traversent un groupe de bourgeois communs : « Passons vite », dit l’un. Les créations du tailleur Humann sont parfois le sujet même de l’estampe, costumes, chapeaux. Une robe de chambre cossue, damassée, enveloppe un être mollet avachi sur un sofa (illustration, lithographie coloriée). <o:p></o:p>

    Le peintre Delacroix, le duc de Fitz-James ont eu une réputation de dandy, comme les gravures nous le rappellent. Balzac lui-même s’est laissé aller à jouer les muscadins. On a entre autres le témoignage de Léon Gozlan, l’auteur du Balzac en pantoufles (1856). « Il fut le lion de la quinzaine, mettons de l’année, puis [les journaux] le laissèrent après l’avoir grossi, exagéré et démesurément enflé. » Il est vrai que les apparitions de Balzac ne furent pas discrètes, facile matière à copie pour les journaux. Le romancier, « demeuré jusque-là caché dans les mines de la méditation, revêt tout à coup l’habit d’Humann, endosse le gilet blanc, hausse le carcan de sa cravate, saisit une canne d’or, et vient, en pleine lumière d’Opéra, se carrer dans la belle loge d’avant-scène, à côté de M. Véron. » (Il s’agit du docteur Véron, fondateur de la Revue de Paris.) <o:p></o:p>

    La canne à pomme d’or incrustée d’une ébullition de turquoises a été commandée au joaillier Lecointe en 1834. Elle a « plus de succès en France que toutes mes œuvres », assure Balzac à Mme Hanska, à qui il précise qu’il a créé « la secte des Cannophiles dans le monde élégant. » A la fois trop voyante par sa taille, trop féminine par ses pierres, elle attire l’attention mais déclenche les moqueries. Balzac feint-il de ne pas s’en apercevoir ?<o:p></o:p>

    Delphine de Girardin publie en 1836 un petit roman sous le titre de La Canne de M. de Balzac, prêtant à l’accessoire une vertu magique – à défaut de lui reconnaître de la distinction. Le plâtre de Dantan, portrait-charge, représente le romancier avec cette canne comme une massue, de même qu’une vignette par Lorentz, laquelle met en évidence la silhouette rondouillarde déjà profilée par Théophile Gautier. Car Balzac n’avait pas ni le tempérament du dandy, ni le physique de l’emploi. Le Charivari moque ce « Chérubin hydropique ». Des toilettes recherchées, sur un tel mannequin, prêtaient à sourire. Aussi, continue Gozlan, « après cette violente explosion […] il pendit son habit au clou, jeta sa cravate blanche dans un coin et cacha sa ridicule canne d’Alcibiade. »<o:p></o:p>

    Cet attribut brille encore dans une vitrine de la maison de Passy. Il n’émeut pas autant que la cafetière du romancier, moins dérisoire puisqu’une partie de l’œuvre y a passé. Une partie seulement. Lorsque la boisson n’eut plus l’effet escompté, Balzac essaya l’ingestion d’une cuillerée de café en poudre, froid et sec. « Dès lors tout s’agite : les idées s’ébranlent comme les bataillons de la Grande Armée sur le terrain d’une bataille, et la bataille a lieu. » On reconnaît mieux notre romancier en tacticien cérébral qu’en dandy compassé.<o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    Les dandys dans l’œuvre de Balzac.

    Jusqu’au 28 mars 2010, Maison de Balzac (47 rue Raynouard, Paris XVI). <o:p></o:p>


    votre commentaire

  • Coupe avec inscriptions, Iran, Xe siècle. © Nour Foundation. Courtesy of the Khalili Family Trust<o:p></o:p>

     

    A l’Institut du Monde Arabe<o:p></o:p>

    D’art et d’Islam<o:p></o:p>

    Présent  du 6 février 2010<o:p></o:p>

    La collection d’art islamique privée la plus importante du monde appartient à Nasser D. Khalili, issu d’une famille juive iranienne. Convaincu que la beauté prime l’argent, cet esthète expose à travers le monde, et à ses frais, un florilège de ses trésors. <o:p></o:p>

    L’aniconisme de l’islam, qu’Elie Faure expliquait par les paysages du désert qui n’offrent aucune forme aux regards – explication poétique –, date du milieu du VIIIe siècle. Auparavant, la représentation humaine est acceptée ; elle le sera par la suite en Inde, en Iran. La doctrine musulmane à l’égard des arts a été longue à se formuler, si peu l’a-t-elle été, consistant en hadith du genre : « Ceux qui seront punis avec le plus de sévérité au jour du Jugement dernier sont : le meurtrier d’un Prophète, celui qui a été mis à mort par un Prophète, l’ignorant qui induit les autres en erreur et celui qui façonne des images et des statues. » L’interdiction de représenter l’être humain est expliquée a posteriori par le fait que seul Allah est créateur ; que de ce fait toute image de main d’homme est un faux, une idole.<o:p></o:p>

    Selon Oleg Grabar (La formation de l’art islamique, trad. fr. 2000), les causes de l’aniconisme sont en réalité multiples. Retenons-en deux. D’une part le Coran n’offre pas de narration qui se prête à des cycles historiés. D’autre part les musulmans, au fil des contacts, identifièrent les chrétiens comme des maîtres ès arts, tant du point de vue technique qu’iconographique. Ils firent d’ailleurs souvent appel aux artisans et artistes byzantins. « C’est probablement pendant le premier siècle de l’Islam – écrit Oleg Grabar – qu’est née la notion d’une supériorité artistique des roumis, des chrétiens, sinon des seuls Byzantins. […] Mais un premier mouvement de crainte respectueuse et d’admiration peut également conduire au rejet et au mépris. » L’islam mit donc un point d’honneur à se différencier des infidèles en rejetant l’image humaine.<o:p></o:p>

    L’Islam devait trouver sa voie propre dans l’écriture. Toute son énergie artistique apparaît dans cet art du trait. Il a existé différents styles, du rond à l’anguleux, de la caresse à la griffe. Certains rappellent les premières notations musicales grégoriennes, d’autres, aux horizontales fortement marquées et aux hampes aiguisées, avancent comme des rangs de cavalerie toutes lances dressées. Parmi les magnifiques feuilles coraniques des VIIIe-Xe siècles, celle du « Coran bleu » : les lettres sont en or, sur parchemin teint en indigo (Espagne ou Tunisie, IXe). Le Coran était souvent écrit sur des parchemins teints au safran, technique déjà coûteuse ; le Coran bleu s’inspire des codex byzantins teints en pourpre, et s’y oppose par le choix d’une autre couleur.<o:p></o:p>

    La calligraphie prend place sur la vaisselle, supérieurement sur l’espace plan d’une assiette où elle s’épanouit mieux que sur le volume d’un vase ou d’une jarre. Telle assiette iranienne est admirable par l’accord du support et de sa décoration (illustration). L’inscription dessine le filet circulaire tandis que les hampes convergent vers le centre. Quel rythme !<o:p></o:p>

    Le conte dit que Shéhérazade avait lu « les livres, les annales, les légendes des rois anciens et les histoires des peuples passés ». Posséda-t-elle le manuscrit de l’Histoire universelle de Rachid Al-din, qui rassemble les histoires des Arabes, des Francs, des Chinois et des Juifs, ainsi que l’histoire de l’humanité d’Adam jusqu’à Mahomet (Iran, XIVe) ? Voici illustrés des épisodes tirés de la Bible, du Mahâbhârata, de la vie de Bouddha, dans un style composite qui n’est pas sans charme : à la fois chinois (têtes, utilisation du lavis) et byzantin (attitudes, drapés). Les miniatures du Livre des Rois (XVIe), épopée nationale persane, sont mieux connues.<o:p></o:p>

    L’orfèvrerie, le textile, les arts du métal, etc. : le visiteur est le troisième Saâlouk ouvrant jour après jour les quarante portes du palais où l’a mené l’oiseau Rokh. Nasser D. Khalili est persuadé qu’exposer ces chefs-d’œuvre permet « de lever les idées préconçues » ; que c’est « un moyen de lutte contre l’intolérance ». Reste à savoir qui doit tolérer qui. M. Khalili a les moyens d’avoir une vision esthétique et passéiste de l’Islam. Par sa fortune – une des dix premières du Royaume-Uni –, il échappe aux vexations et persécutions qui grèvent le quotidien des infidèles en terre islamique (1), jusqu’en Malaisie où les musulmans tentent d’interdire aux chrétiens l’usage du nom d’Allah – nom que les chrétiens arabophones utilisent depuis toujours pour désigner leur Dieu.<o:p></o:p>

    Samuel<o:p></o:p>

    (1) Cf. l’article de Jeanne Smits, Présent du 23 janvier ; de Rémi Fontaine, 27 janvier.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p><o:p></o:p>

    Arts de l’Islam, chefs-d’œuvre de la collection Khalili.<o:p></o:p>

    Jusqu’au 14 mars 2010, Institut du Monde Arabe.

     

    Voir également :

    <o:p></o:p>


    votre commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires