-
La quatrième joie du mariage, cest quand lhomme est marié depuis six ou sept, neuf ou dix ans, ou plus ou moins, quil a cinq ou six enfants et quil a passé par tous les sales jours, toutes les sales nuits, tous les mauvais moments susdits ou presque, dont il na eu que de mauvais repos, et que sa jeunesse est maintenant fort refroidie. Il est bien temps quil se repose sil peut car il est si épuisé, si las, si dompté par les fatigues et les tourments quapporte une famille que plus rien de ce que dit ou fait sa femme ne lui chaut : il est endurci comme un vieil âne qui, par accoutumance, endure laiguillon sans hâter pour autant son pas habituel.
Le pauvre homme constate quune de ses filles, ou deux ou trois, sont bonnes à marier, que cela leur tarde : on le voit à ce quelles sont toujours vives et remuantes. Le bonhomme na guère de biens, or il faut aux filles et autres enfants : robes, chausses, souliers, pourpoints, nourriture, etc. Il convient que les filles soient bien pourvues, pour trois raisons : dabord, parce quelles en seront plus tôt demandées en mariage, et ce de plusieurs amoureux ; ensuite, si le bonhomme ne le faisait pas, il ny gagnerait rien car la dame, qui a passé par ce chemin avant ses filles, ne le souffrirait pas ; enfin parce que les filles seront dun bon naturel et quelles seront ainsi grâce à leur élégance : sil ne leur fournissait tout ce dont elles ont besoin, elles trouveraient dautres moyens dobtenir des colifichets je nen dis pas plus.
Retrouvez l'intégralité de ce texte dans lovendrin n°10.
votre commentaire -
Pierre Perret a raconté les fréquents entretiens quil a eus avec Paul Léautaud en 1954-1955. Le livre, publié en 1972 chez Julliard, est assez difficile à trouver. Cest regrettable, car on y apprend beaucoup sur Pierre Perret.
Certains se sont estimés privilégiés davoir pu approcher Léautaud ne serait-ce quune fois. Pierre Perret, lui, se donne dentrée une position de proche : son livre est le témoignage de rencontres nombreuses et amicales (p.10, p.143). Lindex général du Journal mentionne en effet des Perret : Auguste, Gustave, Jacques ; mais pas de Pierre. Même si Léautaud, dans les dernières années, était moins assidu à la rédaction de son journal, il est curieux quune fréquentation aussi régulière et dune telle valeur nait laissé aucune trace. Par ailleurs, ce nest un secret pour personne que Léautaud naimait pas les visites. Or on le voit déclarer à Pierre Perret : «Et nhésitez pas à venir plus souvent. Vous ne me dérangez pas.» (p.113) Au fil des pages, le lecteur est invité à admirer naïvement quel être dexception est ce Pierre Perret, seul visiteur admis par Léautaud, seul être humain à ne pas lavoir déçu.
Les conditions sont déjà irréelles. En outre, un lecteur attentif de Léautaud flaire que ces «souvenirs» ont été fabriqués à partir du Journal, en saidant, pour le cadre, de différents témoignages dautres visiteurs. Avec de la patience, en feuilletant beaucoup le Journal, on naurait je crois pas grand mal à retrouver précisément à quels endroits Pierre Perret «sest souvenu». Le but du livre fut atteint : il conféra au chanteur un brevet de penseur hardi, un cachet décrivain.
Retrouvez l'intégralité de l'article de G. Lindenberger dans lovendrin n°10.
votre commentaire -
[...] Plus il mûrit, moins Léautaud incline au romanesque. Les souvenirs, les mémoires, les journaux et les correspondances décrivains laccaparent : le style révèle la chair, los lhomme. Cette évolution, il la considère comme le cheminement normal. Garder, lâge avançant, un intérêt pour limaginaire serait un singulier attardement intellectuel. Il rigole doucement quand il voit tel auteur publier son quarantième roman : enfantillage, néant ! Les poètes à leur tour subissent sa colère : il finira pas estimer avoir perdu du temps à lire un fatras de rêveries lyriques éculées tout ce quil rejette ! Malgré tout jusquau bout certains poèmes lémouvront. Fier, il rappellera toujours que cest grâce à lui que la Chanson du Mal Aimé a été publiée dans le Mercure de France. Une version différente paraîtra en recueil : Apollinaire ajoute lhistoire des Cosaques Zaporogues qui pour Léautaud dépare le poème. Selon lui le poète abuse ce faisant de son côté «bohémien, évocateur, cosmopolite», qui fait son charme mais dangereux à la longue par ses bizarreries.
La bizarrerie en littérature, aussi intolérable que la banalité, fait par contre le charme des hommes aux yeux de Léautaud. Les gens hors normes lui plaisent. [...]
Retrouvez l'intégralité de l'article d'Amédée Schwa dans lovendrin n°10.
votre commentaire -
Il faut se méfier des petits jeunes hommes à la mine modeste, à peine relevée par un bouc effilé, aux discrètes lunettes cerclées de fer, au léger sourire en coin. Cette apparence bénigne cache parfois un esprit fort qui ne sen laisse pas compter, par personne, à commencer par lui-même. Etonné par ladmiration que professait pour lui Octave Mirbeau, de lattention dont, sans quils se connaissent, lécrivain célébré, membre de lacadémie Goncourt, honorait le presque débutant ayant si peu publié, le jeune Léautaud, dans son Journal, tentait de se lexpliquer ainsi, à la date du 21 novembre 1907 : «Je comprends néanmoins son goût pour moi, et je crois que je peux le croire sincère. Nous avons en effet le même goût pour le trait vif, dit sans ménagements ni périphrases, pour lanecdote ou le mot méchants, lironie mauvaise, le trait satirique dur. Je comprends quil ait aimé In Memoriam, où il y a un peu de tout cela, avec la morale très libre quil montre aussi lui-même dans ses livres, la blague pour les préjugés de société autant que de sentiments.» Méchant, mauvais, dur : Léautaud ne sépargne pas.
A cette aune, si lon est bien obligé de le croire sincère, il est en revanche bien difficile de comprendre le goût pour Léautaud affiché par Philippe Delerm dans le bref essai quil vient de lui consacrer, Maintenant, foutez-moi la paix! (dernières paroles prononcées par lui avant de mourir). Prototype de lécrivain pour table basse, où ses livres sans aspérité font bon ménage avec la dernière livraison de Télérama, Delerm semblait peu fait pour semballer en faveur de labrasif Léautaud, pour ce ton sec, percutant, cet esprit grinçant, libre de tout préjugé et de toute hypocrisie, cette horreur des conventions bourgeoises, cette parole dénuée de toute prudence qui obéissait moins au plaisir de choquer quà lirrépressible besoin de dire et décrire, en toutes circonstances, rien que la vérité, mais toute la vérité, de sa pensée.
Retrouvez l'intégralité de l'article de Laurent Dandrieu
dans lovendrin n°10.
1 commentaire -
Diocésain. - Le lancement dun synode dans le diocèse dAngers est loccasion dune production écrite abondante. De Mgr Bruguès, on retiendra cette parole courageuse : les menaces de persécutions ne viennent plus de nos jours de Dioclétien ou de Maximien, mais de « Cronos, le temps qui passe en dévorant ses enfants». Dans Horizon 49, Faire église en Anjou (n°109), quelques témoignages : Suzanne J., responsable de lAction Catholique Générale Féminine, présente au lancement du synode, assure que « cétait très riche. On nous a dit de former des équipes. Dans notre mouvement cest habituel.» Donc rien de neuf. Elle ajoute : « Mon mari, lui, est plus engagé dans le sport, mais je sais que le synode lintéresse aussi. » Forcément, les équipes! La palme revient à William G., qui hausse lamphibologie à la hauteur dune figure de style : « Jai accepté cet appel de notre évêque parce que je pense naturel daccepter des appels de ce type-là. »
Retrouvez la rubrique impertinente "Idées et langages"
dans chaque numéro.
votre commentaire